Que peut faire l'AS ? - L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006

 

Distribution de médicaments

Juridique

Quel rôle joue l'aide-soignante (AS) dans la distribution de médicaments ? Sans formation spécifique en pharmacologie, prend-elle de trop grandes responsabilités ?

La question s'est longtemps posée de savoir si une aide-soignante pouvait légalement distribuer des médicaments, notamment dans le cadre de la collaboration avec l'infirmière. La réponse est demeurée floue et imprécise, reposant sur des circulaires à la valeur juridique incertaine.

collaboratrice directe

Conformément à l'article R 4312-29 du Code de la Santé publique, l'infirmière est responsable, dans le cadre de son rôle propre, des actes qu'elle assure avec la collaboration des aides-soignantes et des auxiliaires de puériculture qu'elle encadre. Cette « délégation », justifiée par la pénurie de personnel, n'est pas exempte de risques. Car, ni les aides-soignantes, ni les auxiliaires de puériculture, ni les aides médicopsychologiques ne reçoivent de formation en pharmacologie.

Ainsi, la distribution ou l'aide à la prise d'un médicament par une aide-soignante n'est possible que lorsque ce geste est considéré comme un simple acte de la vie courante. Sont concernés : les modes d'administration simples et les médicaments dont les doses ne présentent pas de difficultés particulières (la voie d'injection est ainsi totalement exclue).

La distribution de médicaments dûment prescrits à des personnes autonomes, mais temporairement ou durablement empêchées de le faire, peut être assurée par toute personne chargée de l'aide aux actes de la vie courante.

Cela est bien différent lorsque la prise du médicament n'a pas été laissée par le médecin prescripteur à l'initiative du malade, c'est-à-dire lorsque la prescription fait directement référence à la nécessité de l'intervention d'une infirmière.

Pour plus de précautions, il peut être judicieux de demander au médecin de faire figurer la mention « AVC » (acte de la vie courante) sur la prescription médicale initiale. Si cette mention n'exonère pas l'infirmière de toute responsabilité, elle indique clairement que d'autres responsabilités que la sienne peuvent être engagées.

Lorsque la prise du médicament n'est pas laissée au malade et que la prescription exige l'intervention d'une infirmière, toute délégation devient illégale et engage la responsabilité pleine et entière de l'infirmière.

faute disciplinaire

En cas de divergence entre une circulaire et un décret, les règles posées par le décret s'imposent. La circulaire du 4 juin 1999 constitue une norme dont la valeur est inférieure à celle du décret de compétence infir- mière. Le Conseil d'État est venu trancher cette contradiction : le refus de distribution de médicaments par une aide-soignante est susceptible de revêtir, depuis 2002, le caractère d'une faute disciplinaire.

L'arrêt Bernhard du Conseil d'État en date du 22 mai 2002 a apporté une base légale à la distribution de médicaments par l'aide-soignante dans le cadre d'un projet de soins élaboré par les IDE et AS. Dans cette affaire, un aide-soignant a refusé d'exécuter la note de service du directeur d'une maison de retraite qui ordonnait la distribution de médicaments par les aides-soignantes. Le Conseil d'État a considéré que ce refus constituait un manquement à ses obligations professionnelles justifiant une sanction disciplinaire, au motif que « relève de la compétence des aides-soignantes la distribution des médicaments lorsqu'il s'agit d'apporter une aide à une personne non autonome ».

Par cet arrêt, le Conseil d'État estime que l'aide-soignante apporte son aide à la réalisation d'un geste de la vie courante. Il convient donc de bien distinguer les actes de la vie courante des actes relevant de la fonction de soins. Enfin, il ne peut s'agir que d'une collaboration, en aucun cas d'une délégation. Qu'en est-il de cette notion de collaboration si aucune IDE n'est présente dans l'établissement ?

CE QU'IL FAUT RETENIR

Si l'infirmière peut solliciter la collaboration de l'aide-soignante pour la distribution des médicaments, elle reste pleinement responsable de l'exécution de cet acte. La distribution ou l'aide à la prise d'un médicament par l'aide-soignante n'est possible que lorsque son mode d'administration est simple. Depuis 2002, le refus de distribution de médicaments par une aide-soignante peut toutefois revêtir dans certains cas le caractère d'une faute disciplinaire.

CE QUE DIT LA LOI

> La vérification et la préparation des médicaments relèvent, conformément à l'article R 4312-29 du Code de la Santé publique, de la compétence exclusive de l'infirmière, laquelle doit demander au médecin prescripteur un complément d'information chaque fois qu'elle le juge utile.

> Conformément à la circulaire du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments et à l'article 4 du décret de compétence infirmière, « lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médicosocial, l'infirmier peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation (...) ».