Vers une « démocratie sanitaire » ? - L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 212 du 01/01/2006

 

politique de santé

Dossier

La politique de santé se régionalise depuis une trentaine d'années. L'État veut proposer une organisation encore plus proche des populations. L'enjeu ? La maîtrise des dépenses de santé. L'outil ? La « démocratie sanitaire ».

Si aujourd'hui encore, c'est l'État qui tient les cordons du budget de la santé et organise à coup de circulaires l'offre de soins au niveau national, le paysage sanitaire se régionalise progressivement depuis une trentaine d'années. Ce mouvement connaît un nouvel élan avec la loi de santé publique et la loi des libertés et responsabilités locales, votées en 2004.

Rationaliser... ou rationner ?

Cette démarche de régionalisation a pour objectif principal la rationalisation des dépenses de santé. En se rapprochant du terrain, l'État cherche à gérer plus en aval le système. Une préoccupation ancienne qui a déjà eu comme conséquence en 1964 la création des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass). « Dès 1963, les budgets des hôpitaux augmentent, fait observer François-Xavier Schweyer, sociologue et enseignant à l'École nationale de la santé publique. On se pose alors des questions sur la manière de mieux contrôler le développement du secteur. Les départements étant historiquement l'échelon politique le plus fort, on commence par ouvrir ces Ddass. »

Face au développement des structures de santé, l'État met en place des outils de planification de l'offre hospitalière. En 1970, est créée la carte sanitaire qui « contraint les établissements de soins publics et privés tant au niveau de leurs capacités en lits qu'à celui des équipements techniques les plus coûteux », comme l'explique Éric Molinié dans son rapport rédigé pour le Conseil économique et social, « L'hôpital public en France : bilan et perspectives »(1). La carte sanitaire va déterminer des régions et des secteurs d'activité.

En 1977, les Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass) voient le jour. Fin des années 80, on élabore des schémas régionaux de l'équipement sanitaire. Un changement important survient avec la loi du 31 juillet 1991, votée pour réformer la planification hospitalière, avec le double objectif de maîtriser les dépenses hospitalières et d'améliorer la qualité et l'accès aux soins. Aux côtés de la carte sanitaire, un deuxième instrument de planification est imaginé : le Schéma régional d'organisation sanitaire (Sros). On définit alors des « bassins sanitaires », qui doivent constituer « une zone de cohérence et de complémentarité entre les installations, les équipements, les activités, donc les établissements », précise Éric Molinié.

Élaboré de manière participative, le Sros définit les grands principes et les orientations de l'organisation de l'offre hospitalière en fonction des besoins de santé de la population. Pour François-Xavier Schweyer, « il s'agit là d'une étape importante. Le Sros est un outil de coordination et de discussion. Mais les débuts sont assez durs, avec des élus et des médecins plutôt réticents. On crée alors les agences régionales de l'hospitalisation en 1996, ces petits commandos d'une quinzaine de personnes, placés sous la tutelle directe du ministre de la Santé. Avec les ARH, la régionalisation commence à prendre corps. »

Les 24 agences régionales de l'hospitalisation répartissent les moyens et les activités selon les établissements publics et privés. En plus, elles signent des contrats d'objectifs et de moyens avec les établissements. La grande réforme mise en oeuvre par ces agences aura été de réunir autour d'une même table l'assurance-maladie et l'État, c'est-à-dire le financeur et le décideur.

Dans le même temps, en 1995, des conférences régionales de santé sont mises en place. Dernièrement, la loi de santé publique du 9 août 2004 précise leur mission : « établir les priorités de santé publique de la région (...) et faire des propositions pour améliorer l'état de santé de la population au regard de l'ensemble des moyens de la région tant dans le domaine sanitaire que dans les domaines médicosocial et social ». Ces conférences comptent les professionnels, les administrations et les usagers. Autre nouveauté d'importance dans les années 90 : la création des unions régionales des caisses de l'assurance-maladie (Urcam) qui chapeautent les CPAM et les autres régimes.

« Proximité »

En une trentaine d'années, ce mouvement de régionalisation de la santé a donc progressé, même si l'on assiste jusqu'à aujourd'hui davantage à un mouvement de déconcentration de l'administration d'État qu'à une véritable régionalisation. Le Schéma régional d'organisation sanitaire, dit de troisième génération, pourrait marquer tout de même une nouvelle étape d'importance. Le Sros III a en effet comme objectif « d'assurer une organisation sanitaire territoriale permettant le maintien ou le développement d'activités de proximité (médecine, permanence des soins, prise en charge des personnes âgées, soins de suite médicalisés...) [...] et la mise en place d'une organisation graduée des plateaux techniques »(2). Pour « redonner une cohérence à la régulation régionale », un des axes privilégiés par le ministère est d'associer les élus et les usagers à toutes les étapes de l'élaboration du Sros : état des lieux, choix des priorités régionales et territoriales, définition des projets médicaux de territoire, suivi et évaluation. Sans oublier les professionnels de terrain, dont les non-médecins qui ont, grande innovation, voix au chapitre !

Enfin associés !

La Bretagne fait figure de précurseur à ce sujet. Une association de professionnels regroupant 14 corporations de la médecine de ville (infirmières, dentistes, kinés, médecins...) y a vu le jour en 2002, sous l'impulsion de l'Union régionale des médecins libéraux. Parmi les objectifs de Cap réseau figure la participation à l'élaboration du Sros (cf. encadré ci-dessus). Une évidence pour Daniel Guillerm, infirmier libéral et président de Cap réseau : « Jusque-là, on n'existait pas pour l'ARH et la Drass, mais ils se rendent compte qu'ils ne s'en sortiront pas sans tous les acteurs de ville. C'est difficile de vouloir organiser l'offre sanitaire si on ne prend pas en compte la médecine de ville, au sens large. »

Pour réussir à faire entendre leur spécificité au cours d'un processus de préparation complexe, les professionnels libéraux ont ciblé les comités techniques régionaux, principalement trois des dix-huit mis en place : hospitalisation à domicile (HAD), soins palliatifs et cancérologie. Les résultats sont là, notamment pour l'HAD : « il est recommandé à tout promoteur d'un tel service de prendre en compte les avis des acteurs de terrain. C'est là une concrétisation de l'articulation nécessaire entre ville et hôpital. Il faut raisonner globalement et aider le système à se décloisonner. »

Même volonté de profiter de cette porte qui leur est désormais ouverte chez les infirmières libérales du Languedoc-Roussillon. « On veut montrer notre utilité à la chaîne de santé, alors pour une fois qu'on nous associe aux décisions ! », explique Bruno Le Du, président de l'union régionale des syndicats affiliés à la Fédération nationale des infirmiers. Il tempère cependant : « nos propositions sont actées, mais leur devenir dépend de rapports d'influence politique qui nous échappent. C'est évident quand on parle des hôpitaux locaux. Il y a de tels enjeux économiques derrière... C'est la même chose avec le dossier du maintien à domicile des personnes âgées qui est primordial ici ; l'enjeu financier est tel que l'on piétine pour trouver une organisation optimale. » Point positif tout de même : quatre réseaux régionaux de soins palliatifs ont été créés avec au sein de la cellule de coordination au moins une infirmière libérale. Pour Bruno Le Du, c'est une conséquence directe du travail collectif initié dans ce nouveau paysage régional.

Une meilleure santé ?

On l'a vu plus haut, le prochain Schéma régional de l'organisation sanitaire se veut plus souple, plus adapté aux réalités locales. Un autre intérêt découle de cette plus grande proximité avec le terrain : une meilleure prise en compte de l'état de santé de la population. Une question affleure : l'organisation administrative régionalisée a-t-elle une part dans cette tendance générale d'amélioration de l'état de santé des Français ?

Depuis une vingtaine d'années, les observatoires régionaux de la santé (ORS), créés à la suite du constat d'un déficit d'informations sur les problèmes de santé, rendent plus lisible cette connaissance de l'état de santé de la population à travers des indicateurs précis. Imaginés pour éclairer les administrations et les responsables politiques, les observatoires ont permis d'engranger des études et des analyses sur de nombreux domaines, notamment ceux qui étaient jusque-là peu couverts, comme le suicide ou plus globalement la santé des jeunes. Aujourd'hui, les observatoires régionaux sont sollicités par les agences régionales de l'hospitalisation pour faire un bilan du Schéma régional d'organisation sanitaire précédent en termes de santé. Pour Alain Tréhony, directeur de l'ORS de Bretagne et secrétaire général de leur fédération nationale, « il est difficile de dire précisément ce qu'un Sros peut amener en termes de santé. Exemple : en Bretagne, l'ARH et le ministère de la Santé ont incité à la création d'un accueil spécifique dans les urgences pour les personnes ayant tenté de se suicider. Mais, on ne peut pas dire si ce dispositif a été suivi d'effet. Même chose pour les actions de prévention(5). Les informations nécessaires à l'évaluation nous manquent, faute de moyens. On est dans l'impossibilité de proposer des actions nouvelles, sauf en termes généraux. Si on veut avancer, on ne peut pas se limiter au constat. Il faut mener des études prospectives. »

Prévention

Il faut dire que l'offre de soins, autrement dit le curatif, n'entre que pour une petite part dans ce qui caractérise l'état de santé d'une population. Donc, un outil de planification hospitalière ne peut raisonnablement pas influencer à lui seul l'état de santé général. Les conditions de vie, l'environnement, le niveau social, la prévention sont autant de facteurs déterminants. Tous ces éléments ont donné lieu à la définition de priorités de santé publique, là encore au niveau régional, axées surtout sur la prévention. Éclatement des acteurs oblige, ce sont les Ddass et les Drass qui les mettent en oeuvre depuis 1995 à travers des Programmes régionaux de la santé (PRS). Ces PRS sont en quelque sorte le bras armé des conférences régionales de la santé... mais sont arrêtés par le préfet de région. Au nombre de dix en 1995, on en comptait 80 en 2002. Entre 1996 et 2002, les plus nombreux ont été des « programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins », puis des PRS sur l'alcool, le cancer, le suicide, le sida... Mais, là encore, ont-ils été suivis d'effet ? Hors sujet, pourrait-on dire. Un document du Haut comité de santé publique(6) analysant les conférences régionales de santé et les PRS entre 1996 et 2002 note ainsi qu'« une véritable évaluation de l'efficacité des actions entreprises n'a pu être observée sur la période, probablement faute d'outils et malgré la demande des jurys des conférences régionales de santé ». Phénomène indéniable en revanche, la persistance des inégalités régionales en termes de santé. Et cela, malgré ce mouvement de régionalisation.

Décloisonner

En réalité, les différentes instances régionales ont été imaginées pour mettre tous les professionnels et les acteurs de la santé autour d'une même table. Notez bien cette phrase d'Éric Molinié du Conseil économique et social sur l'objectif des conférences régionales de santé : « (...) concevoir une idée commune des besoins de santé (...) et des réponses à apporter » ! Idée sous-jacente : créer une culture de santé publique dont le but, peut-on présumer, serait de dépasser les puissants cloisonnements dont souffre le système de santé actuel. Ce décloisonnement est d'ailleurs l'enjeu d'une véritable politique régionale de santé. « Le système actuel est miné par des coupures entre le sanitaire et le médicosocial, entre les établissements et l'ambulatoire, entre les soins et la prévention... », regrette Jean-Luc Préel, député de Vendée et secrétaire national de l'UDF chargé de la santé. Face à ce constat unanimement dressé, la question d'une plus grande régionalisation de la santé semble faire également l'objet d'un consensus. La région serait le niveau le plus pertinent. « Pour avoir une réelle complémentarité entre établissements, par exemple dans le domaine de la chirurgie vasculaire, de la chirurgie pédiatrique, des greffes..., estime Jean-Luc Préel. Et Michel Autes, président (Verts) de la commission santé au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais d'ajouter : « à travers la régionalisation, on peut avancer davantage sur les réseaux, les maisons de santé, la prévention avec les associations, la mutualisation des plateaux techniques performants pour proposer un accès aux soins équitable. Et un bon système repose aujourd'hui sur une proximité avec les citoyens. » (cf. encadré, p. 30). Reste à savoir comment accentuer cette régionalisation demeurée jusque-là très formelle.

La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie propose pour cela de créer... une nouvelle instance : les missions régionales de la santé, formées à parts égales par les agences régionales de l'hospitalisation et les unions régionales des caisses d'assurance-maladie (Urcam). « En associant l'État et l'assurance-maladie, cette structure permettra de renforcer la coordination des soins et de promouvoir la coopération entre établissements et professionnels libéraux », explique Eric Molinié. Outil de modernisation de « la gouvernance régionale », elles préfigureraient surtout les futures agences régionales de la santé, ces méga-structures qui regrouperaient les compétences actuelles des ARH et de l'Urcam, avec en plus la responsabilité de la médecine ambulatoire, de la prévention, y compris dans le domaine scolaire, et des réseaux de soins.

Pour une prévention accrue

Parallèlement, la politique gouvernementale consiste à intégrer davantage les Conseils régionaux dans cette régionalisation de la santé. Ainsi la loi, dite libertés et responsabilités locales, prévoit la possibilité pour ces institutions d'investir financièrement dans les équipements sanitaires. En contrepartie, la voix consultative attribuée (par cette même loi) à la région au sein de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation se transformerait en voix délibérative. L'Association des régions de France (faut-il rappeler qu'elles sont toutes passées en mars 2004 sous les couleurs de la gauche) refuse toute expérimentation. Même si plusieurs régions - dont celle de Michel Autes, vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais, par ailleurs délégué aux questions de santé à l'ARF - adoptent une tout autre position sur le sujet (cf. encadré, ci-contre). Les Conseils régionaux semblent plutôt désireux d'intensifier leur politique de prévention. « Très concrètement, explique Maria Vadillo, présidente de la commission des solidarités au Conseil régional de Bretagne (PS), nous cofinançons l'observatoire régional de la santé qui va mener une étude à une plus petite échelle des "pays", là où des problèmes de santé aigus existent. Nous lançons un appel à projet avec la Cram et l'État pour accompagner des actions innovantes qui s'intéressent aux addictions et au suicide, vu que nos indicateurs sont toujours mauvais. Nous aidons au financement d'animateurs territoriaux de santé dans les 21 pays que compte la région. Et puis, nous avons en charge la gestion des écoles de formation des professions paramédicales. »

Élus prudents

En fait, en incitant les élus régionaux à s'impliquer dans le domaine de la santé, il s'agirait surtout de donner un vernis démocratique à cette super-structure que serait l'Agence régionale de la santé. Cela étant, la question de la place des élus est primordiale si le projet est bien d'arriver à construire une réelle politique de proximité. Mais, ils sont aujourd'hui dans une position foncièrement inconfortable concernant la restructuration de l'organisation des soins. Position que résume ainsi François-Xavier Schweyer, sociologue à l'École nationale de la santé publique : « les élus sont polarisés sur la politique de l'emploi et de l'aménagement du territoire, pas sur celle de la santé. Avant d'ajouter : ils sont aussi prudents car ils ne sont pas financeurs, et la santé, ça coûte très cher. Si on les invite dans les conseils d'administration des caisses de la Sécurité sociale, peut-être reverront-ils leur position ? » Jean-Luc Préel, lui, compte avant tout sur la responsabilisation des acteurs pour répondre à la crise « extrêmement grave » qui touche le système de soins français. Notamment, en donnant plus de responsabilité au maire dans le conseil d'administration de l'hôpital. « On verra bien alors s'il garde son service de gynécologie vide ou s'il le transforme en lits pour personnes âgées qui répondent à un besoin de la population ! »

1- Cf. l'interview de l'auteur dans L'Infirmière magazine n°208, septembre 2005.

2- Circulaire DHOS du 5 mars 2004.

3- Lu sur le portail des ARH (http://www.parhtage.sante.fr).

4- Disponible sur le site de la Fédération nationale (fnors.org).

5- « Évaluation de huit actions de prévention du suicide », étude réalisée par la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé. Disponible sur Internet : http://www.fnors.org/Fnors/Ors/Travaux/Suicide.pdf.

6- « Les conférences régionales de santé de 1995 à 2002 », ADSP, mars 2003.

Ce qu'il faut retenir

> Les professionnels hospitaliers sont représentés par le biais de leurs établissements dans les instances régionales.

> Il est impossible d'évaluer si une plus grande régionalisation de l'organisation des soins a un impact sur l'état de santé de la population.

> Les élus locaux sont réticents à s'investir plus dans la gestion du système. La santé coûte cher et les hôpitaux sont souvent les plus gros employeurs locaux.

initiative

CAP RÉSEAU

Et si Cap réseau, l'association des professionnels de santé libéraux créée, il y a trois ans en Bretagne, marquait les prémisses d'une union régionale des professionnels de santé ? Aujourd'hui, seul regroupement de ce type existant formellement, Cap réseau pourrait être copié en Languedoc-Roussillon et en Franche-Comté. Pour Daniel Guillerm, deuxième infirmier libéral à occuper les fonctions de président du réseau, « s'organiser et se positionner est une nécessité absolue ! Savez-vous par exemple que le tissu libéral local n'est pas du tout considéré quand il y a demande d'agrément d'un service de soins à domicile ? »

Très concrètement, la construction d'une telle association demande de monter des projets, « biais par lequel on arrive à impliquer nos collègues », précise Daniel Guillerm. Ce qui oblige à passer du temps en réunion. « C'est là où un tel outil sert, car avec les différents financements obtenus, nous rémunérons le temps de réunion en vacation. »

Cap réseau. Tél. : 02 99 78 13 90. Mél : capreseau@capreseau-bretagne.org.

En savoir plus

> « L'hôpital public en France : bilan et perspectives », Éric Molinié, 2005 : http://www.conseil-economique-et-social.fr.

> Circulaire du 5 mars 2004 sur l'élaboration des Sros de troisième génération : http://www.arh-bourgogne.fr/pages/ SROS05-10/doc-officiels/sros3_ circulaire.pdf.

> Étude réalisée par la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé : http://www.fnors.org/Fnors/ Ors/Travaux/Infra.pdf.

organisation

UN VOEU PIEUX ?

« La démocratie sanitaire désigne la participation conjointe des professionnels, des usagers et des élus à la définition d'une politique de santé publique (...) », explique Éric Molinié dans son rapport du Conseil économique et social. L'adoption de ce concept par les pouvoirs publics est née de la revendication par les usagers et les associations d'une plus grande reconnaissance. Crises sanitaires (sang contaminé, « vache folle », canicule...), dysfonctionnements du système de santé... sont passés par là. La loi du 4 mars 2002 officialise cette « démocratie sanitaire ». Logiquement, on retrouve ce mot d'ordre dans le paysage régional de la santé. Un voeu pieux pour le moment. L'expression des usagers, plus largement des citoyens, renvoie à des questions de légitimité. Qui parle et au nom de qui ? Surtout, l'agence régionale de l'hospitalisation est encore le seul maître à bord. Au terme des conférences, des comités, des forums... pour préparer concrètement les cinq prochaines années, l'ARH tranche, tenue de respecter à la lettre les contraintes (notamment financières) très fortes dictées par le ministère. Alors, de quelle marge de manoeuvre disposent les acteurs régionaux quand les uns parlent « emploi » et les autres « excédent de lits »(1) ?

1- Cf. document du Sénat : « les agences régionales de l'hospitalisation ont largement échoué à mettre en oeuvre les restructurations de l'offre de soins qui demeure marquée par un important excédent de lits (29 000 en 2001) associé à de fortes inégalités territoriales ».

points de vue

« un marché de dupes ! »

Maria Vadillo (PS), présidente de la commission des solidarités à la région Bretagne.

« Le Conseil régional de Bretagne s'est prononcé contre la possibilité offerte aux régions de financer les équipements sanitaires. L'État se désinvestit dans plusieurs domaines (TGV, personnels techniques des lycées, formations sanitaires, etc.) sans que le coût de ce transfert de compétences ne soit chiffré. Il est indécent de la part de l'État de donner aux régions qui acceptent d'investir une voix délibérative dans l'ARH ! C'est une négociation de dupes ! »

« nous le faisons déjà ! »

Michel Autes (Verts), délégué à la santé au sein de l'Association des régions de France.

« Au Conseil Nord-Pas-de-Calais, nous finançons des équipements sanitaires depuis plus de 20 ans ! Les mauvais indicateurs de santé régionaux et notre sous-équipement hospitalier latent nous ont poussé à le faire. D'autres régions n'ont pas attendu non plus la loi de 2004 pour investir à travers les contrats de plan État-région. Quand on achète un Pet Scan ou un IRM, l'État doit alors mettre les moyens humains pour les faire fonctionner. Cela contribue à une meilleure équité dans l'accès aux soins. »

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