Les soins de bouche - L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006

 

Fin de vie

Thérapeutiques

Indispensables au confort du malade en fin de vie, les soins de bouche doivent constituer une priorité pour tous les soignants.

À la fin de la vie, l'état de la bouche doit devenir une des préoccupations principales des soignants car cette cavité est vecteur de communication et de plaisirs. Elle peut devenir source de souffrance si elle se dessèche, s'ulcère ou devient nauséabonde.

prévention

Un traitement par corticoïdes ou antibiotiques, l'existence d'une dénutrition ou d'une immunodépression, une respiration bouche ouverte, sont autant de facteurs de risque d'altération de l'état de la bouche.

Des mesures de prévention adaptées sont à mettre en oeuvre :

- Maintenir une bonne hydratation du malade avec des produits adaptés à ses capacités de déglutition (eau gélifiée, fruit, glace, apports hydriques...) ;

- Réaliser des soins d'hygiène buccale dans la journée, au moins trois fois ou après chaque prise alimentaire (brossage des dents, Givalex®...). Nettoyer les prothèses dentaires ;

- Lutter contre la sécheresse buccale, à l'aide de corps gras (vaseline, bâtonnets glycérinés, huile goménolée...) dont on enduit les muqueuses (palais, langue, gencives) et les lèvres ;

- En cas de mycose, prescrire un traitement spécifique.

troubles installés

> Mycoses buccales : langue dépapillée, vernissée, framboisée, ou avec des dépôts blanchâtres ou brunâtres... Les traitements sont les suivants :

- soins de bouche avec du bicarbonate de sodium à 14 ä ou de la Fungizone®(1) ;

- traitement par voie générale (Triflucan®) ;

- traitement des prothèses dentaires (la nuit, bain de bicarbonate ou de Fungizone®).

> Sécheresse buccale. Les mesures préventives déjà évoquées seront poursuivies en augmentant leur fréquence dans la journée (au moins toutes les quatre heures). On peut y associer la pulvérisation régulière d'eau minérale si le malade est encore capable de déglutir. La salive artificielle (Artisial spray®, Syaline®) est un recours si le malade mange et parle encore.

L'existence d'une oxygénothérapie contre-indique en théorie le recours aux corps gras. Daktarin gel® (hors AMM), alternative intéressante, s'applique généreusement sur la muqueuse (même sans mycose).

Le Sulfarlem S25® est parfois prescrit lors de sécheresses buccales d'origine iatrogène.

> Bouche « sale », malodorante. L'hygiène buccale est capitale. Il faut aider le malade à se laver les dents ; ne pas hésiter à brosser également la langue.

Les soins de bouche au Flagyl® aident à lutter contre les infections aux anaérobies, responsables de mauvaise haleine. Les bains de bouche à l'eau oxygénée 10 volumes (100 cc dans 300 cc de sérum physiologique) sont efficaces. Ananas et boissons à base de cola sont de bons compléments, en l'absence d'ulcération buccale.

> Saignements. Aux soins de bouche classiques, on peut ajouter des bains de bouche avec de l'Exacyl amp buvable® (une ampoule dans un verre d'eau) ou de l'alginate (Algostéril®), soluble dans de l'eau bicarbonatée, en gargarismes, ou du Coalgan®.

> Ulcérations buccales.

- Attention à l'alimentation : éviter les fruits, vinaigrette, etc. ;

- Faire des bains de bouche (sans alcool, type Paroex®) ;

- Pour soulager la douleur, appliquer de la Xylocaïne® visqueuse à 2 % en respectant un intervalle de deux heures avant alimentation (risque de fausse route). Le Pansoral® est une alternative en cas d'ulcérations en nombre limité. Certains utilisent aussi de l'aspirine diluée dans de l'eau, en bains de bouche ;

- L'Ulcar® en suspension (un sachet dilué dans un verre d'eau) peut être utilisé en bains de bouche (effet « pansement ») ;

- Ne pas hésiter à recourir aux antalgiques par voie générale, si les douleurs ne sont pas contrôlées par les soins locaux.

à retenir

Les protocoles doivent être adaptés à l'état clinique du malade, ses capacités de participation active et son espérance de vie. Maintenir une bouche en bon état permet au malade de s'alimenter et boire jusqu'aux derniers jours. En fin de vie, les soins de bouche sont beaucoup plus importants, pour le confort du patient, qu'une hydratation par voie veineuse ou sous-cutanée car la sensation de soif dépend de l'état de la bouche.

1- Le mélange de ces deux produits n'est pas stable : à utiliser séparément.

Les fondements

Trois mots clés définissent les soins de bouche en fin de vie :

- précoces ;

- réguliers ;

- non traumatisants.

Le soignant doit être guidé par trois objectifs :

- assurer le confort ;

- prévenir les complications ;

- donner « jusqu'au bout » la possibilité au malade de parler, manger, boire, embrasser selon son désir.

Références

> Importance du soin de bouche en gérontologie et soins palliatifs, Valérie Pedro da Silva, Martine Smarest, Christophe Trivalle, Soins gérontologie, n° 51, janvier-février 2005, pp. 36-39.

> Soins de bouche : essentiels pour les patients en fin de vie, P. Vassal et coll., La Revue du praticien médecine générale, tome 16, n° 574, mai 2002, pp. 727-732.

Bibliographie générale

> Le traitement des douleurs chez les vieillards, Sylvie Lefebvre-Chapiro, Renée Sebag-Lanoë, Le Concours médical n° 118, 1996, pp. 81-84.

> Aspects pratiques des soins palliatifs en gériatrie, Sylvie Lefebvre-Chapiro, Renée Sebag-Lanoë, La Revue du praticien médecine générale, tome 11, n° 402, 1997, pp. 11-14.