Mission de transmission - L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006

 

maladies rares

Enquête

Au sein d'un laboratoire, Nicole Bénévise forme ses paires au traitement de certaines maladies rares. Pathologies méconnues, traitements coûteux, nécessitant une longue préparation et une surveillance attentive, soignants sous-informés... Sa mission est d'importance.

Les maladies rares sont victimes d'un double problème : elles sont peu connues des médecins et infirmières - aussi bien libéraux qu'hospitaliers - puisque très peu répandues, et les traitements spécifiques à chacune d'elles ne sont pas enseignés lors du cursus théorique. Les conséquences de ces maladies sont pourtant graves.

La maladie enfin nommée !

« J'ai pu participer directement à la préparation de l'initiation de nouveaux traitements accordés aux enfants atteints de la maladie de Pompe. Il s'agit d'une glycogénose très hétérogène, au spectre clinique allant de la forme de la maladie de Pompe classique avec atteinte musculaire et cardiomyopathie hypertrophique de pronostic sévère à des formes musculaires de l'adulte de révélation tardive », explique Nicole Bénévise, infirmière au sein d'un laboratoire qui consacre ses travaux aux maladies rares.

Ces traitements sont un peu un miracle. C'est souvent de cette façon que le ressentent les parents de ces enfants malades. « La reconnaissance est importante. Ils se sont battus d'abord pendant des mois, des années parfois, pour qu'on donne enfin un nom à la maladie de leur enfant. Mais aucun traitement n'existait alors. » Le témoignage de Nicole Bénévise permet de comprendre le véritable parcours du combattant vécu par toutes les personnes touchées un jour de près ou de loin par une maladie rare.

Des coûts « intimidants »

La difficulté à faire avancer ou évoluer la situation alors que Nicole Bénévise exerçait pendant de nombreuses années en milieu hospitalier a fini par la convaincre que sa vie professionnelle pouvait aussi être utile ailleurs. « Je me suis rendue compte que les meilleures idées, sans moyens, n'allaient nulle part. J'ai donc décidé de partager mon expérience et de mettre mon savoir-faire au service de l'accompagnement de ces nouveaux traitements. » Aujourd'hui, elle fait partie de ces rares infirmières qui travaillent au sein d'un laboratoire pour former les équipes soignantes aux traitements de certaines maladies rares. Elle occupe une fonction transversale sur quatre traitements développés par ce laboratoire pour la prise en charge des maladies de Gaucher, de Fabry, de Hurler (MPS1) et de Pompe. Cette fonction est un gage de sécurité et de qualité pour les infirmières hospitalières et libérales. « J'ai acquis une observation plus fine sur la surveillance de ces traitements et la gestion de la survenue d'éventuels effets indésirables. J'ai beaucoup travaillé avec les équipes soignantes et médicales en vue d'optimiser les conduites à tenir. Dans un premier temps, j'accompagne les infirmières lors des différentes étapes du traitement. Elles savent aussi qu'en cas de problème, elles peuvent m'appeler. Il faut garder à l'esprit qu'elles n'ont souvent jamais entendu parler de ces traitements et que le coût important n'est pas fait pour les détendre. »

La formation, qui répond à la demande des médecins, se dispense en plusieurs étapes. La première consiste à présenter la pathologie aux infirmières, de la clinique à la préparation du traitement, théoriquement. Elles veulent connaître la symptomatologie clinique, les particularités, leurs modes de transmission génétique : l'évolution de la maladie...

Sensation de chaleur

La deuxième étape se déroule le jour du traitement. Il s'agit alors d'aider les infirmières à préparer le traitement enzymatique substitutif (TES) la première fois, de leur donner des conseils.

« La technique n'est pas difficile, mais il y a des "trucs" à connaître pour ne pas faire mousser le traitement et optimiser le temps de préparation. Je livre aux infirmières des informations sur la conduite à tenir et la surveillance. Je réponds aussi aux questions concernant les dosages, la surveillance, la traçabilité. Le but est que le patient bénéficie de la meilleure prise en charge possible. »

La troisième étape concerne le suivi du traitement, les questions, voire les problèmes. « Une infirmière peut m'appeler pour savoir si la sensation de chaleur que ressent le patient est normale ou pour connaître le solvant utilisable. Inutile de vous dire que nous appliquons toujours les normes de pharmacovigilance les plus exigeantes (respect absolu du résumé des caractéristiques du produit). Nous participons à la diffusion de ces recommandations. »

Perfuser d'abord !

Parfois, les équipes soignantes hésitent à augmenter le débit car elles craignent de voir apparaître des effets indésirables du fait de l'augmentation de la charge protéique. Nicole se rend disponible pour rencontrer les équipes qui le souhaitent. Elle transmet les éléments de surveillance afin de rassurer et passer le pas. « Augmenter le débit signifie une diminution de la durée de la perfusion, ce qui représente un plus considérable pour le patient. Ainsi, le malade ne reste pas immobilisé pendant des heures et peut plus facilement gérer à sa guise sa vie, son activité professionnelle ou scolaire. »

Le coût de ces traitements renforce la nécessité d'une formation pointue : « Le risque d'une perfusion "ratée" peut être angoissant. Une infirmière de domicile m'a appelée un jour, paniquée, car elle n'arrivait pas à piquer son patient et elle avait déjà préparé le traitement. Les veines du patient éclataient à chaque tentative. Je lui ai conseillé de revenir le lendemain, de ne pas s'acharner sur les bras du patient. Cela dit, une fois préparé, le traitement ne se garde que 24 heures au réfrigérateur, elle devait donc impérativement réussir le lendemain. » La brève conservation du traitement préparé est l'une des raisons pour lesquelles Nicole Bénévise conseille toujours de perfuser d'abord, et de préparer le traitement après.

Guide de préparation

De passage dans un hôpital de Bordeaux pour un nouveau patient mis sous traitement et diagnostiqué maladie de Gaucher, Nicole commence par expliquer les spécificités de la pathologie à la surveillante du service. Elle poursuit les explications sur la préparation, la conduite à tenir et la surveillance du traitement à mettre en place, à l'aide d'un guide de préparation et de reconstitution du produit qu'elle laisse à l'équipe. Les effets du traitement à six mois, comme la réduction de la rate et du foie de 50 à 70%, la forte remontée des plaquettes et l'anémie sont exposés. Une éventuelle prémédication et les effets secondaires possibles après les premières perfusions sont analysés. Lors de la préparation, Nicole aide l'infirmière désignée, car il faut parfois prévoir plusieurs flacons dont le nombre varie en fonction du poids du malade. L'une des consignes est de reconstituer la poudre de chaque flacon avec une seringue remplie d'eau PPI(1) très doucement afin d'éviter que la préparation ne mousse. Éviter de faire mousser permet de récupérer l'ensemble de la solution reconstituée dans chaque flacon et de respecter ainsi la posologie correspondant à la prescription médicale avant de l'injecter dans une poche de solution isotonique de sérum physiologique.

Une organisation sans faille

L'ensemble de la préparation d'un traitement peut varier de 30 minutes à plus d'une heure pour une infirmière. L'infirmière du service ne s'attendait pas à un temps de préparation aussi long. « Le patient, le médecin, ne mesurent pas toujours le temps que cela prend. Il faut penser à tous les autres malades du service qui attendent. Il est important de prévoir avec la surveillante et son équipe une autre infirmière pour organiser la prise en charge des patients du service pendant le temps de préparation du traitement de cette maladie... », évoque-t-elle.

Nicole intervient aussi auprès des patients qui, traités à l'hôpital, reviennent à leur domicile. Elle se rend par exemple dans un grand hôpital parisien, dans le service d'immunologie. Elle explique à la surveillante du service le déroulement des événements. Si le patient n'est pas déjà en relation avec une infirmière libérale, Nicole se charge de contacter un prestataire de service. Ce dernier propose un cabinet infirmier libéral proche du domicile du patient, afin d'organiser la première visite lors de laquelle elle formera l'infirmière à la maladie de Gaucher. Elle donne au service l'information sur les quatre ordonnances à rédiger par le médecin prescripteur. Ces ordonnances sont destinées au prestataire de service du matériel, à l'infirmière chargée de la réalisation du soin à domicile, au pharmacien de l'hôpital et à l'officine de ville.

Portes ouvertes

Si Nicole Bénévise forme aussi bien les infirmières hospitalières que les libérales, certains traitements comme ceux de la maladie de Gaucher et de la maladie de Fabry se dispensent de plus en plus souvent à domicile. « Chez lui, le patient bénéficie d'un plus grand confort. Il n'attend pas car l'infirmière passe à l'heure convenue, ce qui lui donne une souplesse pour gérer son emploi du temps. Le traitement de la maladie de Hurler (MPS1) ainsi que celui de la maladie de Pompe sont encore réalisés et suivis à l'hôpital. Nous n'avons pas encore suffisamment de recul pour pouvoir les pratiquer au domicile du patient, et ce, en toute tranquillité. La surveillance de la tolérance au TES, la durée de la perfusion et la survenue d'éventuels effets indésirables demandent des moyens disponibles seulement en milieu hospitalier. »

Nicole est amenée à rencontrer différentes équipes ou infirmières libérales en France chaque semaine. « Lorsque je viens former les infirmières à l'hôpital, je suis très bien accueillie car j'apporte des informations sur des domaines méconnus, voire inconnus ; les infirmières sont donc très attentives. Pour elles, c'est exceptionnel. En devenant formatrice de mes paires sur les traitements des maladies rares, je me suis rendue compte à quel point les portes sont ouvertes aux infirmières ! Il y a tellement de secteurs où elles sont demandées, tellement de possibilités, mais je crois qu'elles n'ont pas toujours connaissance de ces perspectives nouvelles. »

1- PPI : pyrophosphate inorganique.

en savoir plus

> Vivre avec la maladie de Gaucher, DVD édité par le laboratoire Genzyme.

> Vivre avec la maladie de Fabry, DVD édité par le laboratoire Genzyme.

Pour se les procurer, téléphoner au 08 25 82 58 63 ou consulter Internet : http://www.genzyme.fr.

définition

LES MALADIES LYSOSOMIALES

Les maladies lysosomiales regroupent une quarantaine de maladies génétiques rares, autosomiques et récessives. La maladie de Gaucher, la maladie de Fabry, la maladie de Hurler ou MPS de type 1 (mucopolysaccharidose) et la maladie de Pompe en font partie. Ces maladies sont caractérisées par une anomalie du gène codant d'une enzyme lysosomiale. Cette anomalie rend la production de l'enzyme difficile, voire impossible. Ces enzymes étant chargées de cataboliser des métabolites - ou substances organiques - séquestrés dans le lysosome des cellules, leur déficit engendre une accumulation de substrat non dégradé d'où le nom de « maladie de surcharge ». Il en résulte des lésions cellulaires, tissulaires et organiques irréversibles.