Parler ou... se taire ? - L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006

 

Information au patient

Juridique

Textes de portée différente, situations ambiguës, exigence accrue des malades, difficile souvent pour le médecin d'informer à bon escient.

Le Code de déontologie médicale autorise le médecin à laisser un malade « dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave ». Cette faculté est en total désaccord avec la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades et son esprit. En effet, selon l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique, « la volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée ». Ce n'est plus là une faculté offerte au médecin mais une obligation que lui impose le patient. L'esprit n'est absolument plus le même. Quoi qu'il en soit, dans la hiérarchie des textes, la loi du 4 mars a évidemment une force juridique supérieure à un Code de déontologie, simple décret. Pour autant, s'il est légitime de revendiquer un droit à l'information absolu, tout individu n'est pas apte à assumer un tel droit. Pourquoi alors lui imposer une vérité potentiellement préjudiciable, à lui et par conséquent au médecin ? Si le mensonge n'a pas sa place dans l'éthique médicale, la vérité varie et n'est pas univoque.

persuasion

En outre, le Code de déontologie, comme la loi du 4 mars, prévoit une exception à cette faculté de laisser un malade dans l'ignorance. L'information est obligatoire en cas de risque de contamination. Mais, comment savoir quelle attitude adoptera le malade, informé des risques de contagion de sa maladie vis-à-vis des tiers ? Le rôle de persuasion du médecin occupe ici une place primordiale, puisque dans tous les cas, la règle de la confidentialité s'impose.

Par dérogation aux principes du Code civil relatifs à l'autorité parentale, l'article 1111-5 du Code de la santé publique (issu de la loi du 4 mars 2002), autorise tout mineur hospitalisé à refuser que ses représentants légaux soient informés de son état de santé, lorsque cette information a pour but la recherche de leur consentement. Le médecin doit toutefois s'efforcer de convaincre le mineur de la nécessité de consulter ses parents, ou ses représentants légaux. Si le mineur persiste dans son opposition, le médecin doit alors respecter la confidentialité demandée. Mais, si le traitement ou l'intervention chirurgicale envisagés sont sans finalité thérapeutique (chirurgie esthétique), les représentants légaux doivent en être informés.

mineur accompagné

L'absence d'information des représentants légaux oblige tout de même le mineur à être accompagné d'une personne majeure de son choix, à condition que cette personne soit extérieure à l'établissement de soins. Enfin, cette personne ne joue que le rôle « d'accompagnateur » et il ne s'agit pas de lui délivrer des informations concernant l'enfant et son état de santé.

En cas de refus par le mineur de voir ses représentants légaux informés sur son état de santé et les soins ou l'intervention pratiqués, seul le mineur dispose évidemment du droit d'accès à son dossier médical, à l'exclusion de ses représentants légaux. L'application stricte de la loi conduit parfois à des aberrations, face à des mineurs à peine doués de discernement du fait de leur tout jeune âge.

en cas d'ivg

Les règles posées peuvent paraître encore plus ambiguës en cas d'interruption de grossesse, puisque la loi exige un double consentement : celui de la mineure elle-même à interrompre sa grossesse, et celui de son représentant légal. Lorsque la mineure souhaite garder le secret sur l'interruption de sa grossesse, le médecin doit s'efforcer d'obtenir son consentement pour que ses représentants légaux soient informés et décident eux-mêmes de la poursuite ou non de la grossesse. Si la mineure persiste dans sa volonté de secret, l'interruption peut tout de même avoir lieu et l'accompagnement par une personne majeure (autre que les représentants légaux) reste facultative.

À RETENIR

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf en cas de risque de contamination. Le mineur peut refuser que ses représentants légaux soient informés de son état de santé, lorsque cette information a pour but la recherche de leur consentement. Cependant, si le traitement ou l'intervention chirurgicale envisagés sont sans finalité thérapeutique, lesdits représentants légaux doivent être informés.

CE QUE DIT LA LOI

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différents traitements, investigations ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (...). » Article L. 1111-2 du Code de la santé publique

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