Un réseau autour des patients séropositifs

« Et pour Vincent, est-ce que vous avez pu faire venir une aide ménagère pendant les vacances ? » Vendredi, 8 h 45 : premier coup de fil. Au cours de la journée, Geneviève Colin aura en ligne, outre cette association d'aides à domicile, l'assistante sociale d'un patient, la tutrice d'un autre, des infirmières libérales, des secrétaires médicales, des médecins, etc.

malades isolés

Infirmière de formation, Geneviève Colin s'est spécialisée dans l'infection à VIH/sida et coordonne depuis 1998 le réseau VIH de Dordogne. Les infectiologues du département sont à l'époque confrontés à des patients souvent précarisés, isolés, parfois atteints de troubles psychiatriques, qui, dans ces circonstances, suivaient très mal leurs traitements. « Ces spécialistes ne pouvant se consacrer à la situation sociale des patients, il est apparu qu'il fallait désigner une personne relais, capable de faire le lien entre les médecins et les acteurs sociaux », témoigne Geneviève. C'est ainsi que son poste est né. Aujourd'hui, le suivi des patients commence dès l'hôpital. « Je travaille en étroite collaboration avec l'infectiologue de l'hôpital de Périgueux, le Dr Lataste, explique-t-elle. Il m'avertit dès qu'un de ses patients souhaite me rencontrer et je viens me présenter. »

Geneviève propose aux patients des séances d'éducation thérapeutique - destinées à faciliter l'observance des traitements - et, dans les cas les plus lourds, la mise en place d'un réseau d'acteurs médicaux et sociaux autour du malade. Elle réunit alors avec l'accord du patient, et à son retour de l'hôpital, un ensemble de professionnels (médecin généraliste, infirmière libérale, aide ménagère, kinésithérapeute si nécessaire), voire des proches, susceptibles de l'aider dans sa vie quotidienne. Afin qu'ils fassent connaissance et essaient chacun de trouver des solutions à leur niveau. Geneviève se charge ensuite de planifier les soins et les services prodigués au patient.

Les mardis et vendredis, Geneviève pratique les visites à domicile, auprès de ses patients maintenus à domicile ou non motorisés. Les autres personnes dont elle coordonne les soins se rendent à son bureau de Périgueux. « Le vendredi est consacré aux situations lourdes. Ce sont souvent des personnes qui se mettent en danger », souligne-t-elle. À 9 h 30, Vincent reçoit Geneviève avec un sourire rayonnant. La quarantaine, il est atteint d'une encéphalopathie à VIH, causant pertes de mémoire et moments de confusion. Depuis quelque temps, il va mieux cependant. « J'ai vu le Dr Lataste, mes résultats sont merveilleux », lance-t-il. Geneviève le félicite pour sa charge virale désormais indétectable. L'infectiologue, qu'elle a croisé à l'hôpital ce matin même, a qualifié d'inespérée l'évolution de son patient : « À son arrivée en Dordogne, il était ingérable ! Aujourd'hui, il vient à l'heure aux consultations et prend ses traitements correctement. »

auxiliaires de vie

Pour le docteur, nul doute que le réseau VIH y est pour beaucoup. Geneviève a instauré la venue d'une infirmière trois fois par jour pour faire prendre à Vincent ses médicaments antirétroviraux. Elle l'a également mis en contact avec une travailleuse sociale qui l'aide à gérer ses problèmes administratifs - pension d'invalidité, gestion des impayés... Une aide à domicile lui est envoyée par le biais du réseau, qui reçoit de la Ddass, de la CPAM et du conseil général, une enveloppe à cet effet. Ces auxiliaires de vie, sensibilisées au respect du secret médical, sont un élément essentiel du dispositif de soutien aux patients. Volontaires, elles sont régulièrement formées par des acteurs du réseau VIH de Dordogne et suivies tous les mois par un psychologue. Au-delà de leurs tâches ménagères, ces femmes sont chargées d'apporter aux patients un soutien en matière d'hygiène de vie : éducation à la propreté, encouragement à faire du sport et à s'alimenter de façon équilibrée et en plusieurs prises, deux conditions indispensables à la bonne ingestion des médicaments. Elles les aident à faire leurs courses et leur offrent leur écoute et leur présence, si précieuses pour certains patients isolés. Et puis, il y a, auprès de Vincent, la présence hebdomadaire de Geneviève qui prend de ses nouvelles, appelle ses médecins, écoute attentivement ses projets de déménagement ou lui demande s'il a assez de traitements en réserve.

moins de chutes

Cette douceur et cette attention à l'essentiel comme aux détails, Geneviève les a dans la peau. Jeanne, qui l'accueille à 10 h 15, s'empresse de le résumer, à sa manière : « C'est une coquine ! », prononce-t-elle avec difficulté, mais non sans plaisir, en désignant la coordinatrice du réseau. Jeanne souffre, en plus de sa séropositivité, d'une tumeur du tronc cérébral. Son élocution et son audition sont très réduites. Elle se déplace en fauteuil roulant. Geneviève est une coquine car elle a chargé un ergothérapeute d'aménager l'appartement de Jeanne, pour qu'elle fasse moins de chutes. Elle réunit mensuellement les professionnels et la famille qui s'occupent de la patiente pour dresser un bilan de son état et de sa prise en charge.

« Nous avons eu des soucis par rapport à l'approvisionnement de Jeanne en traitements, relate Geneviève. J'ai mis en place un semainier et j'ai chargé une seule infirmière de la responsabilité des médicaments. » C'est également Geneviève qui tient Jeanne informée des avancées de son assistante sociale pour lui trouver un logement adapté à son handicap ou qui, chez un autre patient vu plus tard dans la matinée, prendra note d'une demande de colis alimentaires. Le statut de référente et de coordinatrice oblige Geneviève à cette polyvalence, qui garantit une cohérence dans le suivi des patients.

à bout de bras

Avec chacun d'eux, Geneviève prend des notes sur son cahier, pour ne rien oublier, passe ses coups de fil d'emblée pour régler les questions sur place. Elle a de l'énergie pour quatre, et c'est nécessaire ! Geneviève dit avoir rencontré ces derniers mois un nombre croissant de patients, souvent atteints de troubles neuropsychiatriques, confrontés à des problèmes de logement. Et puis, ceux qu'il faut soutenir à bout de bras pour qu'ils ne décrochent pas du système de soins. Comme Julien qu'elle reçoit dans son bureau ce vendredi après-midi parce qu'il a manqué, comme souvent, un rendez-vous à l'hôpital et qu'il n'arrive pas à en obtenir un autre. Un coup de téléphone à la secrétaire médicale pour débloquer la situation. Geneviève annonce que, cette fois-ci, elle l'accompagnera elle-même. Pour l'aider à faire face, un psychologue vient la voir tous les mois pour une supervision. « Ça me soulage et ça me fait réfléchir sur ma pratique. » De quoi recharger les batteries pour un nouveau mois à plein régime.