Une horloge ranime le temps - L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 213 du 01/02/2006

 

Invention

Du côté des associations

Pierre Molis, un Quimpérois à la retraite, a imaginé une horloge pour aider les malades d'Alzheimer à se resituer dans le temps. Depuis un an, la Mémorielle équipe plusieurs maisons de retraite dans toute la France.

« C'est une question toute bête posée par ma mère qui a tout déclenché, raconte Pierre Molis. Elle m'a demandé l'heure. Je la lui ai donnée, mais ensuite, elle a voulu savoir si l'on était le matin ou l'après-midi ! Aussitôt, je me suis dit qu'il y avait un problème. » Des signes reviennent à l'esprit de ce cadre commercial à la retraite : des affaires que sa mère ne retrouve plus, des objets qu'un visiteur lui aurait volés... Le diagnostic d'une maladie d'Alzheimer finit par être posé.

Mais cette histoire douloureuse, et surtout le long chemin parcouru avant que ne soit identifiée la maladie de sa mère, va pousser Pierre Molis à se pencher sur « le problème du tout début de la maladie. Car la personne concernée vit alors dans une grande souffrance. Elle comprend très bien ce qui est en train de se passer mais n'en parle pas. Je sais que ma mère ressentait ces troubles temporels depuis un moment sans avoir osé m'en parler plus tôt. »

de nombreux prix

Comme la capacité de se repérer dans le temps constitue un gage d'autonomie et que le temps devient une préoccupation permanente, Pierre Molis cherche alors un outil qui pourrait aider sa mère. Mais rapidement, le constat s'impose : il n'existe rien de tel.

« Je me suis dit que comme elle gardait sa mémoire ancienne, elle devait être capable d'utiliser les bases de son apprentissage scolaire, à savoir les couleurs et le sens de lecture, de gauche à droite. »

Croquis après croquis, le concept est présenté à un concours pour des idées nouvelles en gérontologie, organisé par le conseil général du Finistère. Le projet, primé, suscite l'intérêt de directeurs de maison de retraite car il répond à une forte préoccupation des professionnels. Il obtiendra également, en 2003, le prix du jury Hôpital expo à Paris et la médaille d'or du concours Lépine. Pierre Molis, qui crée une association pour porter le projet(1), poursuit le chantier engagé et contacte l'école d'horlogerie de Morteau (Doubs).

horloge interne externe

Un professeur prend une part active à la concrétisation de ce qui va devenir la Mémorielle. Quatre prototypes seront nécessaires. Respecter les normes de sécurité, trouver le matériel adéquat pour que l'horloge, d'un mètre de long, soit vue de loin. La prouesse technique - car c'en est une - a pris forme, il y a seulement un an.

Dans sa version finale, l'horloge propose plusieurs niveaux de lecture. Chaque jour de la semaine est inscrit en haut, sur toute la largeur, et s'éclaire successivement. Sur la ligne du dessous, chaque tranche de la journée s'allume, d'une couleur différente, selon l'heure. La fine bande qui rougit progressivement représente l'avancée du temps dans la journée. En bas, la date complète est inscrite. À sa place, on peut entrer d'autres informations, par exemple le mot « repas », qui s'affiche à l'heure souhaitée. À l'extrême droite, l'heure apparaît.

des échos positifs

Le projet a pu se réaliser grâce à des rencontres fructueuses, avec notamment le Dr Renée Sebag-Lanoë, alors chef du service de gérontologie et de soins palliatifs de l'hôpital Paul-Brousse à Paris, et avec la secrétaire d'État aux personnes âgées de l'époque, Paulette Guinchard-Kunstler. Les médias en parlent. Un industriel du Doubs propose même de fabriquer la Mémorielle.

Depuis un an, 46 de ces horloges ont été vendues à 33 Ehpad et à l'Institut médico-éducatif d'Argenteuil. Les échos sont très positifs. Sylvie Bonillo, cadre de santé de l'Ehpad de Corrèze, où l'horloge a été installée dans l'unité dédiée aux malades d'Alzheimer, écrit ainsi dans un courrier adressé à Pierre Molis : « La Mémorielle permet de resituer [les résidents] dans le temps, leur assurant une certaine autonomie. Des résidents se demandent si le repas servi est celui du midi ou du soir. Nous les invitons à regarder la pendule et à lire les indications. Le repérage des couleurs est très utile à tous ceux pour qui la lecture est impossible. [...] Tous les matins, une aide médicopsychologique les invite à découvrir la date sur l'horloge et ils parlent ensemble de la saison. »

un repère central

L'horloge devient, telle la pendule de gare, le repère central autour duquel s'articule la vie.

La Mémorielle est désormais vendue (près de 1 000 Euro(s)ht) avec un jeu de mémoire qui permet une gymnastique de l'esprit, et sert de moyen d'évaluation.

1- Orientation des personnes handicapées d'Alzheimer. Tél. : 06 88 60 72 96. Fax : 02 98 55 37 20.

Mél : contact@lamemorielle.com.

Internet : http://www.lamemorielle.com.

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