Des musiciens en chambre stérile - L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006

 

Culture à l'hôpital

Du côté des associations

Depuis 1990, l'association Tournesol favorise la rencontre entre artistes professionnels et personnes hospitalisées. À l'hôpital Saint-Louis (Paris), elle intervient au chevet d'enfants hospitalisés en chambre stérile pour y faire souffler « l'air de la rue ».

Sur la porte, la photo d'un tournesol, cette fleur lumineuse qui se tourne instinctivement vers le soleil. C'est le logo de l'association Tournesol, artistes à l'hôpital. Une association qui existe depuis 17 ans.

l'art à l'hôpital

Sa directrice actuelle, Élisabeth de la Genardière, en est l'initiatrice. Animatrice culturelle dans le milieu social, elle s'est toujours passionnée pour l'univers hospitalier. Elle réfléchit à la manière de faire pénétrer l'art dans les hôpitaux (idée novatrice au début des années 90). Naît alors l'idée de Tournesol. Où des artistes professionnels feraient la démonstration de leur talent au chevet des malades hospitalisés. L'aventure commence... Dix-sept années plus tard, le succès est toujours là.

artistes professionnels

« Nous sommes un médiateur entre l'artiste et l'hôpital », explique Élisabeth. Une centaine d'artistes professionnels, dont la plupart sont musiciens ou comédiens, interviennent régulièrement dans les 25 hôpitaux avec lesquels l'association travaille. « Nous payons nos artistes qui sont de vrais professionnels, contrairement à d'autres associations qui travaillent avec des bénévoles. Nous proposons à l'établissement hospitalier qui nous accueille un projet culturel adapté. Car nous aurons identifié au préalable avec lui ses besoins : concerts, spectacles, ateliers, conférences, expositions... Et l'hôpital nous paie pour nos prestations, environ un tiers du prix du concert », poursuit Élisabeth.

approche intimiste

Les artistes sont fidèles, certains sont là depuis les débuts de Tournesol. Ils font l'expérience d'une vraie connaissance de leur public, dans une intimité rarement vécue dans le cadre de spectacles traditionnels. Rares sont les artistes uniquement motivés par l'argent. Pour les patients, cette approche intimiste de la musique permet à un public très diversifié dans ses habitudes culturelles, d'avoir accès aux grandes oeuvres classiques ou de découvrir des musiques de différents pays.

En juin 2004, c'est une grande première à l'hôpital Saint-Louis, dans le Xe arrondissement de Paris. Le service de greffe de moelle dirigé par le Pr Gluckman a sollicité Tournesol pour des rencontres musicales au chevet d'enfants hospitalisés en chambre stérile pour une longue durée.

soins plus faciles

« À chaque fois, ces rencontres sont très riches émotionnellement », poursuit la directrice de l'association, dont un membre accompagne toujours les artistes sur le terrain. Ces enfants sont enfermés dans quelques mètres carrés, les musiciens leur apportent l'air de la rue. » Une infirmière du service raconte que les enfants attendent avec impatience et excitation ces moments. « Ça leur permet de dédramatiser, explique-t-elle. Ils oublient leur maladie pendant quelques instants. Ils sortent ainsi de leur bulle. Après le passage des musiciens, les soins sont plus faciles. Une fois, un petit garçon m'a dit de ne pas lui remettre l'oxygène, les musiciens lui en ayant apporté une grande bouffée ! »

Deux fois par mois, un duo de musiciens arpente ce service si particulier. « Je trouve ça naturel d'offrir ce temps à ces enfants malades. Mais c'est plus facile de le faire à deux ! On cherche des morceaux joyeux, ce doit être une fête pour eux. C'est très émouvant de voir la joie des enfants et l'émotion de leurs parents », raconte un jeune flûtiste qui travaille régulièrement avec Tournesol.

partager

Malgré tout, avant de commencer, les musiciens ont parfois des appréhensions, des doutes. « À chaque fois, avant d'arriver dans leurs chambres, je me demande si ça sert à quelque chose, puisque je ne peux pas les guérir ! Mais la joie que je vois dans le regard des enfants m'enlève très vite ces doutes », poursuit le musicien. Si cette présence musicale est bénéfique pour les enfants, elle l'est également pour les soignants. « Les infirmières nous racontent que cela bonifie la relation entre le patient, le soignant et la famille. Pour une fois, ils vont partager autre chose que la douleur... », conclut Élisabeth de la Genardière.

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