Les accidents vasculaires cérébraux - L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006

 

neurologie

Cours

Première cause de handicap physique acquis, l'accident vasculaire cérébral (AVC) représente aussi la troisième cause de mortalité après les cancers et les cardiopathies ischémiques. Cette urgence médicale requiert une prise en charge multidisciplinaire hautement spécialisée pour assurer les soins aigus et favoriser la récupération des patients.

Chaque année, environ 130 000 nouveaux AVC et 25 000 récidives sont recensés en France, ce qui représente un AVC toutes les quatre minutes. Quatre-vingt-cinq pour cent de ces accidents résultent de l'occlusion d'une artère (accident ischémique ou infarctus cérébral) et 15 % d'une hémorragie (accident hémorragique), méningée dans 5 % des cas. Les AVC sont plus fréquents après 65 ans (75 % d'entre eux surviennent après cet âge). Néanmoins, ils frappent aussi des individus plus jeunes (entre 10 000 et 15 000 personnes de moins de 45 ans par an). Il s'agit d'accidents graves(1), grevés d'une forte mortalité à court terme (10 % des patients décèdent dans le mois qui suit l'accident et 25 % dans l'année suivante) et d'une importante morbidité.

RÉAGIR VITE

Les lésions occasionnées entraînent un déficit localisé à un territoire artériel plus ou moins important, responsable de séquelles chez 75 % des survivants : 50 % des patients gardent une hémiparésie, 22 % ne marchent plus, entre 25 et 50 % sont partiellement ou totalement dépendants (troubles de la marche, altération des fonctions supérieures) et 20 % doivent être institutionnalisés. En outre, à distance, l'AVC multiplie par cinq le risque de développer une démence. Un bilan lourd et d'autant plus regrettable qu'une prise en charge diagnostique et thérapeutique spécialisée et précoce (dans les trois à six premières heures suivant l'apparition des signes) permet de stabiliser plus facilement l'état neurologique du patient et de limiter les séquelles. Or, de nombreux spécialistes constatent que l'AVC est aujourd'hui encore victime d'un déficit d'information, très préjudiciable aux patients.

« Il est donc indispensable de multiplier les actions visant à faire connaître les signes d'alerte (cf. encadré p. V) et à informer le public qu'en cas de troubles suspects, le pronostic dépend en grande partie de la rapidité de réaction du patient et de sa famille, explique le Dr France Woimant, praticien hospitalier, responsable de l'unité neurovasculaire (UNV) de l'hôpital Lariboisière à Paris (AP-HP) et présidente de la Société française neurovasculaire (SFNV). Leur promptitude à faire appel à un service de transfert d'urgence médicalisé (le 15) est capitale car elle permet au patient, au-delà des mesures de sauvegarde, de bénéficier des premières investigations et d'une orientation optimale vers une équipe hospitalière spécialisée disposant d'un plateau technique comprenant IRM (imagerie par résonance magnétique), scanner, angio-RM, écho-doppler. »

AVC ISCHÉMIQUE ET AVC HÉMORRAGIQUE

Compte tenu des enjeux vitaux et fonctionnels, prescrire vite et juste est une nécessité dans le contexte d'un AVC. Il est donc très important de pouvoir déterminer avec le maximum de certitude l'origine ischémique ou hémorragique de l'AVC car un traitement antithrombotique spécifique (cf. encadré p. VII) doit être instauré au plus vite en cas d'ischémie mais est formellement contre-indiqué dans un contexte hémorragique. Cette précision est apportée par l'imagerie cérébrale. Les sociétés savantes et la HAS (Haute autorité de santé) recommandent de préférence l'IRM, lorsqu'elle est accessible, car elle permet un diagnostic sûr dès la première heure ainsi que l'évaluation du caractère récent ou ancien de l'étendue et de la sévérité des lésions. Dans le cas contraire, un scanner cérébral sans injection constitue l'examen préconisé en première intention.

« L'imagerie scanner permet de circonscrire la localisation des lésions et nous donne des indications permettant d'orienter le diagnostic vers une origine hémorragique ou ischémique, explique le Dr Catherine Oppenheim, neuroradiologue (centre hospitalier Sainte-Anne). Dans 70 à 80 % des cas, ces images sont suffisamment typiques pour poser le diagnostic sans hésitation. Toutefois, lorsque ce n'est pas le cas (difficultés d'interprétation), il existe un risque de prendre la décision de thrombolyser des patients qui ne relèvent pas de cette indication. Raison pour laquelle l'IRM doit être privilégiée car elle apporte une réponse formelle sur la pathologie elle-même et sur son origine ischémique ou hémorragique. » En fonction de l'origine présumée de l'AVC, un certain nombre d'examens complémentaires (examens biologiques, électrocardiogramme, écho-doppler, angio-RM, cf. encadré p. IX) doivent être réalisés pour affiner le diagnostic (préciser la ou les causes) et la prise en charge thérapeutique.

PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE

Au-delà des traitements médicaux administrés en phase aiguë pour éviter l'aggravation des lésions et augmenter les chances de récupération, la prise en charge thérapeutique des AVC repose sur un ensemble de mesures faisant appel à des compétences plurielles. Ces mesures ont pour objectif de prévenir les complications (métaboliques, thromboemboliques, infectieuses, cutanées et orthopédiques), d'aider le patient à recouvrer un maximum de fonctions (marche, usage de la main ou d'un membre, langage, vision...) et de l'accompagner dans son travail d'acceptation des handicaps résiduels.

« Dans les UNV, ces mesures sont mises en oeuvre par des personnels paramédicaux spécialisés (infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes), dont les actions coordonnées permettent de diminuer de 30 % le risque de décès ou d'institutionnalisation par rapport à des services classiques », explique le Dr Woimant.

Parmi ces personnels, les infirmières et les aides-soignantes jouent un rôle prépondérant car elles assurent, 24 heures sur 24, la continuité des soins, l'observation des patients, l'entretien du travail de rééducation réalisé par le kinésithérapeute et l'orthophoniste. Omniprésentes, elles sont aussi beaucoup plus proches des patients et de leur famille. Elles peuvent ainsi saisir et valoriser les moindres progrès mais aussi appréhender les moindres signes de découragements précurseurs de troubles anxiodépressifs. Véritables sentinelles de l'état des patients, elles font preuve d'une expertise qui se traduit aussi par une récupération plus importante et une réduction des handicaps et de la dépendance.

Malheureusement, avec 40 UNV à travers la France (il en faudrait plus de 200), plus d'un AVC sur deux est hospitalisé dans un service non spécialisé. « Il est donc important que les équipes de ces services s'informent et se forment afin d'optimiser les chances de récupération des patients, commente le Dr Woimant. C'est dans ce but que nous avons organisé pour la première fois cette année, une réunion paramédicale dans le cadre des dixièmes journées de la SFNV (24 et 25 novembre 2005). Nous sommes par ailleurs en pourparlers avec le ministère pour mettre en place un diplôme interuniversitaire permettant aux paramédicaux d'acquérir par une formation théorique et pratique (stages en UNV) des compétences spécifiques à la prise en charge des AVC. »

SPÉCIFICITÉS DU RÔLE INFIRMIER

Dès son arrivée dans le service, l'infirmière, assistée de l'aide-soignante, procède à l'accueil et à l'installation du patient, évalue ses fonctions vitales et met en oeuvre les mesures de sauvegarde et de prévention sans lesquelles des complications multiples (troubles de la conscience, aggravation des déficits, crise d'épilepsie, agitation...) pourraient aggraver les lésions ischémiques et compromettre le pronostic vital et fonctionnel du patient.

« C'est un moment particulièrement délicat car nous devons tout à la fois gérer l'urgence de la situation sans négliger l'état de stress, voire de panique, dans lequel le patient et la famille se trouvent, expliquent Erika Cortès, Bénédicte Lavogiez et Hélène Petit, infirmières de l'UNV de l'hôpital Lariboisière. Nous essayons d'établir un contact rassurant en assortissant nos soins d'informations et d'explications sur les mesures et précautions que nous mettons en oeuvre pour stabiliser l'état du malade et sécuriser au maximum sa prise en charge. »

MESURES ET PRÉCAUTIONS D'URGENCE

Évaluation et surveillance des fonctions vitales et de l'atteinte neurologique. Cette évaluation initiale livre des repères permettant d'apprécier l'évolution du patient. « Nous vérifions l'ensemble des constantes (rythme et fréquence cardiaques, rythme et fréquence respiratoires, pression artérielle, saturation en oxygène, température corporelle, glycémie) ainsi que le niveau de vigilance (conscient, réactif aux stimuli sonores, à la douleur, somnolent, obnubilé, coma) et les déficits (trouble du langage, de la vision, de la sensibilité, paralysie...), explique Erika Cortès. Nous contrôlons également les pupilles (symétrie, dilatation, réaction), l'état de coloration de la peau à la recherche d'une éventuelle cyanose (signe d'encombrement pulmonaire) et l'apparition de clonies, voire de crises comitiales. En cas de troubles respiratoires, nous assurons la liberté des voies aériennes (retrait des appareils dentaires, aspiration des mucosités et sécrétions) et surveillons en continu la saturation en oxygène. Si nécessaire (en cas de désaturation), nous procédons à l'oxygénation du patient à l'aide d'un masque ou d'une sonde nasale. »

Tous ces contrôles font l'objet d'une surveillance rapprochée toutes les heures jusqu'à ce que le patient présente une stabilité neurologique. L'ensemble des données colligées permet de quantifier l'impact des déficits à l'aide d'échelles fonctionnelles (Barthel, Glasgow, Rankin)(2). Il existe également des échelles analytiques type NIHSS (National Institute of Health Stroke Scale) permettant de mesurer les déficiences neurologiques. « Ces échelles permettent d'objectiver et de signaler au médecin toute amélioration ou aggravation de l'état neurologique et des fonctions vitales des patients », poursuit Erika Cortès.

Mise à disposition du matériel indispensable. Pour faciliter cette surveillance rapprochée, voire continue (rythme cardiaque), le matériel de surveillance et d'intervention d'urgence (équipement d'aspiration, masque à oxygène, sonde nasale, moniteurs de surveillance cardiaque et tensionnel, oxymètre de pouls) doit être installé à demeure dans la chambre du patient. Un fauteuil confortable à hauteur variable et muni d'accoudoirs amovibles, d'un repose-tête à hauteur variable, d'une assise et d'un dossier inclinable avec tablette intégrée, stable et à larges rebords, devrait idéalement équiper toute chambre accueillant des patients atteints d'AVC. À défaut, il faut impérativement éviter les fauteuils trop bas, trop profonds ou trop mous. Ce détail est très important car un fauteuil confortable et accueillant encouragera le patient à passer du lit au fauteuil et favorisera le retour de la motricité.

Prévention des escarres, des phlébites et des algoneurodystrophies. La paralysie qui atteint et immobilise partiellement toute victime d'un AVC impose d'équiper le lit d'un matelas anti-escarres et de matériels de positionnement (cales de décubitus, cales de position latérale...) et de transfert (lève-malade avec pesée intégrée, planche de transfert, releveurs...) adaptés. Ceci afin d'installer confortablement et mobiliser facilement le patient. Parallèlement, celui-ci doit être systématiquement équipé de chaussons anti-escarres et de bas de contention prescrits par le médecin et retirés pour la toilette ou lorsque le patient se lève.

« Ces précautions sont indispensables à plusieurs titres, explique Laurence Josse, kinésithérapeute (hôpital Avicenne, Bobigny). D'une part, parce qu'il est important de ne pas surajouter aux handicaps, la douleur et l'inconfort occasionnés par des escarres. D'autre part, parce que le positionnement du patient constitue un traitement à part entière qui, dès la phase aiguë, aide à lutter contre les troubles du tonus, les troubles trophiques et les troubles orthopédiques et algiques. Autant de complications susceptibles de générer un retard considérable dans la rééducation et la récupération globale des patients. »

L'emploi d'aides techniques facilitant les manipulations et les transferts du malade préserve le dos des soignants et évite qu'ils exercent des tractions intempestives délétères, en particulier sur les épaules des malades. « Quarante pour cent des patients victimes d'AVC quittent les services de neurologie avec une lésion de l'épaule et 70 % feront une syndrome algoneurodystrophique dans les trois mois qui suivent ! », confirme Laurence Josse.

Évaluation de l'état nutritionnel. Dans les 48 heures qui suivent son admission, le patient doit être pesé et bénéficier d'une évaluation de son état nutritionnel. Son poids de référence et son index de masse corporel (IMC) doivent être consignés dans son dossier et régulièrement contrôlés (en moyenne une fois par semaine) afin de dépister une éventuelle détérioration de son statut nutritionnel.

Prévention des fausses routes et des complications infectieuses. En général, tous les patients sont perfusés d'emblée, le temps d'apprécier leur état et la tendance évolutive. Ensuite, quand leur état de vigilance le permet, un test de déglutition doit être réalisé avec de l'eau gélifiée en veillant à avoir le matériel d'aspiration à disposition en cas de problème. Si le test est concluant, le patient bénéficie d'une alimentation par voie naturelle discutée avec la diététicienne et dont la consistance (pâteuse, semi-liquide) peut être adaptée au cas par cas en fonction des contraintes liées à ses handicaps et à sa position (par exemple, si le patient est complètement allongé, cette alimentation permet de faciliter l'irrigation du cerveau).

Lorsque des troubles persistent, le patient doit bénéficier d'une rééducation utilisant en plus des modifications de texture des aliments, des techniques posturales, des exercices oro-faciaux et des manoeuvres de déglutition. Elle est planifiée par l'orthophoniste ou le masseur kinésithérapeute en collaboration avec l'infirmière et/ou l'aide-soignante. Ces précautions sont d'autant plus importantes que les fausses routes constituent le principal facteur de complication infectieuse pulmonaire.

Parmi les autres risques infectieux, les infirmières doivent particulièrement surveiller les patients porteurs de matériel intraveineux. Le site d'insertion du cathéter veineux périphérique doit être systématiquement changé toutes les 72 heures et l'ensemble des tubulures de perfusion toutes les 48 heures. Par ailleurs, compte tenu du risque infectieux induit par le sondage urinaire, celui-ci est proscrit à l'exception de quelques indications (aggravation de l'état neurologique, rétention urinaire aiguë, voire autres troubles urodynamiques). En cas d'incontinence, les patients sont munis de protections ou d'étuis péniens reliés à une poche et un programme de réapprentissage de la propreté associé à la planification des prises de liquides et des mictions(3).

PRÉSERVER L'AUTONOMIE ET FACILITER LA RÉCUPÉRATION

Tous les moyens entrepris par l'équipe soignante d'une UNV poursuivent un seul et même objectif : permettre au patient de préserver et d'entretenir ses capacités résiduelles et favoriser la récupération des fonctions déficitaires. « À cet effet, explique Bénédicte Lavogiez, les infirmières doivent veiller à ce que le membre ou la main déficitaire soit toujours dans le champ de vision du patient. Elles doivent également tout mettre en oeuvre pour le faire participer aux soins et lui apprendre à faire les gestes qu'il peut réaliser. Dans la mesure du possible, il ne faut jamais faire à sa place. C'est un postulat de base qui réclame une grande disponibilité et une grande discipline car on est souvent tenté de faire soi-même pour aller plus vite. »

Cette stimulation permanente des fonctions motrices contribue à la rééducation menée par le kinésithérapeute. « En fonction des patients, nous mettons rapidement en place une mobilisation passive ou active afin de prévenir les rétractions tendineuses et articulaires et les complications du décubitus, explique Valérie Briens, kinésithérapeute (hôpital Lariboisière). Par ailleurs, nous encourageons les patients hémiplégiques à s'automobiliser à l'aide du membre sain et à se fixer des objectifs fonctionnels les obligeant à utiliser leurs capacités motrices afin qu'ils récupèrent en force et en contrôle. » Ce travail doit naturellement être encouragé par les soignants qui assurent, d'après les consignes des kinésithérapeutes, la continuité des soins rééducatifs entre les séances de kinésithérapie. « Cela permet de maintenir les acquis, d'éviter les régressions et de multiplier les chances de récupération des fonctions résiduelles, commente Hélène Petit. Cela permet également d'apprendre aux patients dont le handicap persiste à se mobiliser seuls dans de bonnes conditions en limitant leurs efforts et en évitant qu'ils ne provoquent, par des mouvements réalisés en force ou brutalement, des désordres (contractures, douleurs, hématomes) susceptibles d'alourdir le handicap préexistant. »

Les kinésithérapeutes assistent au premier lever et veillent, toutes précautions prises par l'équipe soignante (bas de contention, surveillance tensionnelle), à expliquer soigneusement au patient et à sa famille la manière dont doit se dérouler le transfert. « Si, d'un patient à l'autre, le contexte (capacités fonctionnelles, poids du patient, taille de l'aidant, aides techniques disponibles...) peut être très différent et nécessite d'adapter les consignes au cas par cas, explique Laurence Josse, certains conseils sont universels. Il faut notamment organiser l'espace pour faciliter le transfert en toute sécurité, ne jamais exercer de traction sur l'épaule ou la hanche, mais préférer l'emploi d'aides techniques même improvisées (drap, alèse...) et s'assurer que l'installation du patient au fauteuil respecte un positionnement d'innocuité. » Cela signifie que le bassin doit être stabilisé, les appuis bien équilibrés et la hanche en flexion à 90°. Les pieds doivent reposer au sol ou sur un support pour ne pas priver le patient des informations fournies par les appuis. « Plus on offre aux patients d'occasions de saisir des informations, plus on stimule ses fonctions motrices et plus on favorise la récupération », insiste la kinésithérapeute.

Le même principe vaut également lorsque le patient présente une héminégligence et des troubles attentionnels. « Dans ce cas, indique Erika Cortès, tous les soins prodigués par les aides-soignantes ou les infirmières doivent être réalisés du côté héminégligent, de manière à obliger le patient à prendre conscience de l'espace qu'il néglige. Dans le même but, nous plaçons le téléphone et la télévision du côté négligé et demandons aux familles de participer à ce travail de stimulation en parlant et en se plaçant systématiquement de ce côté. Seule la sonnette doit rester à portée de la main valide. »

Les patients victimes de troubles de la parole bénéficient d'une prise en charge orthophonique. Selon les cas, elle aura pour but de démutiser les malades, d'éviter la survenue de stéréotypies (répétition invariable de certains mots) ou de canaliser certaines aphasies fluentes (expression orale abondante mais incompréhensible). « Ce travail doit être entretenu par les soignants entre deux séances, explique Bénédicte Lavogiez. Mais, paradoxalement, alors que nous sommes plutôt dans une logique de stimulation, cela se traduit souvent par l'obligation d'empêcher le patient de parler pour éviter qu'il s'enferme dans un système de réponses stéréotypées (« oui » ou « non » à toute question ouverte ou fermée par exemple) ou dans une fluence verbale inintelligible. En fait, il s'agit de mettre en place un mécanisme de stimulation à retardement car en inhibant la réponse immédiate, on stimule par réaction l'envie de rétablir la relation dans un mode verbal classique. »

PRÉPARER LE RETOUR AU DOMICILE

Bien entendu, tous ces efforts sont mis en oeuvre de manière interdisciplinaire dans la perspective du retour à domicile. Dans un premier temps, cela motive beaucoup les patients et leur famille. Néanmoins, la récupération est rarement à la hauteur de leurs attentes et beaucoup présentent des signes anxiodépressifs (30 % des patients font une dépression).

« La brutalité de l'AVC et de ses handicaps constitue un choc que certains patients n'arrivent pas à surmonter, commente Hélène Petit. Lors du retour à domicile, en maison de retraite ou dans les unités de soins de suite, ce contexte dépressif est souvent exacerbé et nuit à la bonne observance des traitements et à la prise en charge des cofacteurs de risque (HTA, hyperlipidémie, diabète, tabac, alcool...)(4), ce qui favorise les récidives. » Ce constat a conduit le Dr Woimant à mettre en place un suivi infirmier des patients assuré par Erika Cortès depuis mars 2004.

« Ce suivi permet d'assurer une bonne continuité des soins à distance et d'optimiser la prévention des récidives », explique le médecin. L'infirmière assure non seulement l'éducation et l'accompagnement des patients mais aussi la coordination de la prise en charge entre les différents acteurs médicosociaux hospitaliers et libéraux. « Je reprends avec le patient et son aidant principal, toutes les informations concernant la maladie, ses causes, les facteurs de risque, les traitements et la surveillance (INR - International Normalized Ratio -, tension...), indique Erika Cortès. Toutes ces informations ont pour but de lui faire comprendre que l'observance des traitements et le respect des prescriptions, y compris celles concernant les cofacteurs de risque vasculaires, sont déterminants quant à l'évolution (récidives) ou au contrôle de sa maladie. »

Parallèlement à ce travail d'éducation thérapeutique, l'infirmière répond aux mille et une questions et problèmes que se pose un patient à son retour chez lui. Elle lui remet un livret comprenant 101 questions/réponses(5) et, si nécessaire, le met en relation avec les bons interlocuteurs (assistante sociale, ergothérapeute, diététicienne, consultation de sevrage tabagique ou alcoolique, psychologue...). Un bilan est établi après un, trois, six et douze mois. Entre ces contrôles, Erika Cortès reçoit beaucoup d'appels concernant des problèmes matériels ou la conduite à tenir face à des signes inquiétants (palpitations, somnolence...). Ce travail de proximité permet de corriger des comportements à risque (traitement antihypertenseur négligé, surveillance INR ignorée, rendez-vous non respectés...) et apporte, dans la majorité des cas, une meilleure connaissance de la maladie, et un soutien moral essentiel.

1- Les 15 à 20 milliards de cellules nerveuses qui composent le cerveau ne peuvent stocker ni oxygène ni énergie et meurent en quelques minutes ou quelques heures lorsqu'elles ne sont plus irriguées.

2- Ces échelles permettent de mesurer les capacités fonctionnelles du patient. Par exemple, l'échelle de Rankin comporte cinq scores allant de « symptômes minimes sans limitation fonctionnelle » (score 1) à « handicap sévère avec nécessité d'un nursing permanent » (score 5). Un score de 3 signifie que le patient présente un handicap modéré associé à une restriction significative de l'autonomie.

3- Afin de stimuler l'autonomie sphinctérienne, le bassin (ou la mise sur les toilettes) est proposé à heures fixes.

4- L'HTA (hypertension artérielle : pression artérielle > 140/90 mmHg), constitue le principal facteur de risque vasculaire. Elle multiplie par quatre le risque d'AVC. Les autres facteurs multiplient le risque par deux, voire trois. Le diabète représente un facteur de mauvais pronostic en phase aiguë. La présence de deux facteurs triple le risque.

5- Document publié par France AVC, association d'aide aux victimes d'AVC. Tél. : 04 74 21 94 58 ou mél : http://www.france-avc.asso.fr.

En chiffres

> 155 000 AVC par an en France.

> 85 % des AVC résultent de l'occlusion d'une artère, 15 % d'une hémorragie.

> 75 % des AVC surviennent après 65 ans.

> 10 % des victimes d'AVC décèdent dans le mois suivant.

Les signes d'alerte

Un AVC se manifeste par la survenue brutale de différents symptômes variables en nature et en intensité selon le siège et l'étendue de la lésion. Leur intensité peut être maximale d'emblée ou évoluer de façon progressive en quelques minutes ou quelques heures.

> Principaux signes cliniques d'apparition brutale

L'apparition d'un déficit moteur (faiblesse musculaire, paralysie d'un membre ou de la face, hémiplégie), d'un trouble du langage touchant l'expression ou la compréhension (dysarthrie, aphasie), d'une perte de sensibilité (engourdissement, anesthésie d'une partie du corps), d'un trouble visuel (perte de la vision dans une moitié du champ visuel, perte de la vue unilatérale ou bilatérale, vision double), doit déclencher l'appel immédiat du Samu.

> Autres symptômes associés

Ces principaux signes d'alerte peuvent être plus ou moins associés entre eux et à d'autres symptômes : troubles de l'équilibre ou de la coordination, vertiges, céphalées inhabituelles accompagnées de nausées et de vomissements, troubles de la conscience pouvant aller de la somnolence au coma. Hormis les céphalées, ces signes ne sont pas douloureux, ce qui entraîne souvent un retard de prise en charge préjudiciable au pronostic.

Séquelles

> Hémiparésie.

> Troubles de la marche.

> Altération des fonctions supérieures.

> Risques accrus de démence.

Antithrombotiques et fibrinolyse

En cas d'AVC ischémique (AVCI), les cellules de la région située autour de la zone d'ischémie sévère (pénombre) peuvent être sauvées par un traitement médical rapidement instauré pour rétablir la perméabilité des vaisseaux. Jusqu'à ce que la fibrinolyse par rt-PA (altéplase = Actilyse®) soit autorisée en France (janvier 2003), ce traitement reposait uniquement sur les antithrombotiques (aspirine, héparines). Aujourd'hui, les praticiens disposent de trois options thérapeutiques :

> L'aspirine (160 à 300 mg/j)

Son efficacité est avérée lorsqu'un traitement thrombolytique n'est pas indiqué ou ne peut pas être mis en oeuvre (délai > 3 heures).

> L'héparine (non fractionnée, HBPM*, héparinoïdes)

À doses curatives, elle peut être utilisée dans des indications sélectives présumées à haut risque d'extension ou de récidives (cardiopathies à haut risque embolique, sténose artérielle sévère...). Toutefois, le bénéfice potentiel doit être mis en balance avec le risque hémorragique cérébral particulièrement important en cas d'AVCI étendu et d'hypertension artérielle non contrôlée. Les essais thérapeutiques n'ayant pas ciblé toutes les situations étiologiques, son utilisation n'est pas recommandée en phase aiguë de l'AVC (source : HAS).

* HBPM : héparines de bas poids moléculaire.

> La fibrinolyse

Recommandée chez les patients ayant un AVCI, elle ne peut être instaurée que si les conditions suivantes sont réunies :

- prescription et induction du traitement réalisées par une équipe spécialisée dans les 3 heures qui suivent l'apparition des symptômes ;

- patient de moins de 80 ans ;

- pas d'hypertension incontrôlée supérieure à 185-110 mmHg. La pression artérielle (PA) doit être maintenue à ce niveau pendant le traitement et durant les 24 heures suivantes ;

- pas de diabète incontrôlé ;

- pas de troubles de la coagulation ;

- pas d'hématome sur le scanner ou l'IRM ;

- pas de signes d'infarctus étendu sur le scanner ou l'IRM ;

- pas d'antécédents d'AVC ou d'intervention chirurgicale sur le crâne au cours des trois derniers mois.

La dose de rt-PA est de 0,9 mg/kg (maximum : 90 mg) administrée par voie veineuse à raison de 10 % en bolus et 90 % en perfusion sur une heure. Les essais cliniques ont montré un rapport bénéfice/risque (5 % de complications hémorragiques) en faveur de ce traitement. Il permet de guérir 40 % des patients (contre 25 % sans fibrinolyse) et de diminuer les handicaps de 20 % et la mortalité de 30 %*. Ce traitement reste sous-utilisé car le délai conditionnant sa mise en oeuvre est trop souvent dépassé.

* Source : Pr Jean-Michel Vallat - http://www.esculape.com/urgence/avc.

Dépression

> De nombreux patients ne parviennent pas à surmonter la brutalité de l'AVC et de ses handicaps. 30 % des personnes atteintes d'accident vasculaire cérébral sont ensuites victimes de dépression.

Examens complémentaires

> AVC ischémique

Hormis la biologie et l'électrocardiogramme qui sont systématiques, d'autres examens peuvent être prescrits en fonction des antécédents, du contexte, de l'examen clinique, de l'âge du patient et des étiologies possibles, plusieurs causes pouvant être associées :

- Examens biologiques (numération formule sanguine [NFS], plaquettes, fibrinémie, taux de prothrombine, temps de céphaline activé, VS, protidémie). Ils permettent d'orienter vers une cause (polyglobulie, thrombocytémie, coagulopathie, vascularite) et d'évaluer les facteurs de risque vasculaire (glycémie, cholestérol, triglycérides) ;

- Électrocardiogramme dans le but de déceler un trouble du rythme, un accident cardiaque et/ou le retentissement d'une HTA ;

- Échocardiographie afin de détecter une source cardiaque d'embolie (caillot, malformation, anomalie de fonctionnement telle la fibrillation auriculaire) ;

- Écho-doppler cervical et transcrânien afin de visualiser une éventuelle sténose ou occlusion des artères cervicales et intracrâniennes et d'en préciser la cause (dissection, thrombus endoluminal, athérome) ;

- Angio-RM pour étudier les vaisseaux intracrâniens et extracrâniens en cas d'indication chirurgicale (chirurgie carotidienne en cas de sténose de la carotide).

> AVC hémorragique

Les investigations complémentaires à l'imagerie comportent essentiellement des examens biologiques : NFS, numération plaquettaire, temps de céphaline activée, taux de prothrombine, temps de saignement, dosage du fibrinogène et des différents facteurs de coagulation. D'autres explorations (artériographie notamment) sont discutées au cas par cas.