Moustique dévastateur - L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006

 

La Réunion

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Santé

L'épidémie de Chikungunya qui se développe à grande vitesse à La Réunion suscite de vives inquiétudes.

« Ça a été très douloureux pendant trois jours : alitée, je ne pouvais plus bouger. Avec 39° de fièvre et des éruptions cutanées sur tout le corps , cela avait l'aspect d'un coup de soleil, puis cela a évolué en plaques très irritantes. Le quatrième jour, j'ai pu me lever », raconte Mathilde, infirmière à Saint-Denis.

Comme beaucoup de Réunionnais, elle a attrapé le Chikungunya, ce « mal qui casse les os » en Swahili, dialecte africain.

Considéré comme bénin au départ, le Chikungunya a entraîné chez certains malades de graves complications neurologiques (myéloméningo-encéphalite, syndrome de Guillain-Barré). Le virus a été cité sur 29 avis de décès comme cause indirecte de la mort de personnes fragiles (personnes âgées, nourrissons, personnes malades).

« On a peu d'informations sur la maladie, son évolution, son traitement. On ne se sent pas soutenu. On ressent une grande solitude. Démuni, je ne peux rien dire aux patients », fait remarquer Rémy Mamias, médecin généraliste. Le décès brutal, en janvier, d'un enfant de 9 ans sème la panique chez les professionnels de santé et dans la population. Après examens, le Chikungunya serait à l'origine de sa mort. La famille ayant refusé l'autopsie, la cause du décès ne sera pas élucidée.

douleurs articulaires

Autre grande inconnue, la durée de la maladie : de quelques jours à plusieurs mois. Les malades se plaignent de fatigue et de douleurs articulaires bien après la fièvre.

« Après avoir été K.-O. pendant deux mois, j'ai aujourd'hui régulièrement mal aux poignets », explique une étudiante. « Les rares écrits existants décrivent des douleurs articulaires, qui durent de un mois à quatre ans », précise le Dr Mamias.

Négligence ?

Près d'un an après les premiers cas, l'épidémie a pris une ampleur inattendue. On dénombre à l'heure où nous mettons sous presse 75 000 personnes touchées. Plus de 25 000 nouveaux cas sont déclarés chaque semaine. Venu d'Afrique de l'Est via les Comores, le virus du Chikungunya se transmet par le moustique ®des albopictus. Lors de piqûres, le moustique vecteur prélève le virus sur une personne infectée et le transmet à une personne saine. En mai 2005, 460 cas étaient recensés par le dispositif de surveillance mis en place par la Drass(1). Devant la baisse du nombre de cas, les autorités sanitaires prévoyaient la fin de l'épidémie pour l'hiver austral. Mais en octobre, la recrudescence du nombre de malades a fait craindre l'installation prolongée du virus. Fin 2005, les élus locaux, relayés par la presse locale, ont largement dénoncé une insuffisance de moyens de la part de l'État. Mi-janvier, l'épidémie s'est intensifiée, obligeant enfin les services de l'État à déployer en urgence de gros moyens, et ce d'autant plus tardivement que la chaleur et les pluies des mois de janvier et février favorisent la prolifération des moustiques...

NOÉMIE COLOMB

1- Direction régionale des affaires sanitaires et sociales.

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