Surveillance d'un antihypertenseur | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006

 

pharmacologie

Conduites à tenir

Le traitement de l'hypertension artérielle nécessite une surveillance régulière. L'infirmière exerce, dans ce domaine, un rôle essentiel en termes de contrôle et de conseils. Mise au point.

OBJECTIF

L'hypertension artérielle correspond à une pression trop élevée du sang dans les artères. Un traitement antihypertenseur consiste à normaliser les chiffres tensionnels, c'est-à-dire stabiliser la tension au repos et à l'effort. Elle doit être abaissée, pour limiter l'élévation de tension lors des crises d'hypertension.

Les chiffres à maintenir sont :

- Sujet jeune : 120-130 mm de mercure pour le systolique et 80 mm de mercure pour la diastolique ;

- Sujet âgé : 140-160 mm de mercure pour le systolique et 95 mm de mercure pour la diastolique.

PRINCIPAUX HYPOTENSEURS

Un traitement est mis en place par le médecin lorsque trois prises de tension consécutives révèlent une tension systolique permanente supérieure à 160 mm de mercure. Les antihypertenseurs agissent à différents niveaux et de différentes manières.

Inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC). Ils bloquent l'enzyme qui assure la transformation (conversion) de l'angiotensine I en angiotensine II active. L'angiotensine est hypertensive. Elle jouera un rôle moindre et la tension sera abaissée. Par ce mécanisme, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion sont anti- hypertenseurs.

Diurétiques. Ils activent l'élimination rénale. Ils favorisent le départ d'eau et de sels organiques. L'action antihypertensive résulte de l'élimination du sodium car celui-ci participe à la rigidité des artères. Le volume de liquide circulant diminue, ce qui limite la pression intra-artérielle sur la paroi des artères.

Bêtabloquants. L'activité du système sympathique est freinée. Ainsi, les artères sont moins réactives, donc plus souples. La fréquence cardiaque diminue.

Autres antihypertenseurs. Les inhibiteurs calciques et les antagonistes de l'angiotensine augmentent le diamètre des artères. Les alphabloquants ont une activité sur le centre de contrôle cérébral de la tension.

ACTIONS DE SURVEILLANCE

L'infirmière dispose de moyens de surveillance qui dépendent de son rôle propre ou sont à réaliser sur prescription.

Constater l'efficacité du traitement.

Disparition des signes physiques de l'hypertension. L'état général du patient doit être amélioré par le traitement. On doit observer la disparition des signes de l'hypertension :

- céphalées (en casque, occipitale, matinale) ;

- épistaxis (parfois fréquents) ;

- troubles oculaires (mouches volantes blanches, voire brouillard) ;

- bourdonnements d'oreille.

Absence de signes de complications. Les complications apparaissent lorsque l'hypertension n'est pas encore stabilisée par un antihypertenseur.

Neurologiques. L'obstruction des artères cérébrales ou leur rupture engendrent des accidents vasculaires cérébraux, des hémorragies cérébrales et des paralysies totales unilatérales ou transitoires (paralysie, perte de la parole, baisse intellectuelle).

Sensorielles. Ce sont des vertiges par hémorragie labyrinthique, des hémorragies rétiniennes, avec perte de la vision d'un oeil par décollement rétinien.

Cardiaques. La pompe cardiaque se fatigue et provoque sa défaillance, s'exprimant par une insuffisance cardiaque et un oedème du poumon.

Le dépôt de graisses sur la paroi des artères coronaires (athérosclérose) entraîne des accidents coronariens (angine de poitrine et infarctus du myocarde).

Rénales. L'obstruction des artères rénales par athérosclérose occasionne la destruction progressive des reins avec insuffisance rénale. Il existe un risque d'hématurie et d'augmentation de l'urée sanguin.

Mise en place de la surveillance.

Prise de la tension.

Tension artérielle. Elle est le reflet de la pression du sang dans les artères. Le premier chiffre, le plus élevé, correspond à la pression du sang lorsque le coeur se contracte et propulse le sang dans l'aorte et l'artère pulmonaire. Le second chiffre, le plus bas, correspond à la pression du sang lorsque le coeur se relâche et les ventricules se remplissent.

Modalité de prise. La tension se mesure couché ou assis. À l'aide de son stéthoscope et du manomètre de l'appareil, l'infirmière repère les valeurs de pression maximale et minimale. Ces valeurs sont exprimées en millimètres de mercure « 140-85 », ou dans le langage courant, en centimètres de mercure « 14-8,5 ». La mesure du matin doit être faite avant la prise des médicaments afin d'évaluer la durée d'action du traitement. Les résultats sont notés dans le dossier du patient.

Analyse des résultats. Les résultats seront interprétés par le médecin qui décidera d'une éventuelle modification du traitement :

- la tension est normale au-dessous de 140-90 ;

- l'hypertension est limite quand elle est comprise entre 140-160/90-95 ;

- l'hypertension est dite légère au-dessus de 160/95 ;

- l'hypertension est modérée à sévère au-dessus de 180/105 mm de mercure.

Comme « l'effet blouse blanche » fait monter la tension, elle doit être prise après un petit moment de repos, au calme. Les chiffres tensionnels varient pour un même individu en fonction de sa position (debout, couché, fatigué), en cas d'effort physique ou en situation de calme et de détente. L'état psychique a également de l'importance (chagrin, colère, joie, anxiété...).

Prise du pouls. Elle permet de rechercher la présence de tachycardie (insuffisance cardiaque) ou de bradycardie (bêtabloquant...).

Mesure du poids. En présence d'une surcharge pondérale, il faut que le patient perde du poids. Un risque athéromateux, conséquence de l'hypertension, est lié au poids. Une perte de poids abaisse la pression artérielle.

Électrocardiogramme. Il est nécessaire pour évaluer les perturbations du rythme cardiaque.

Fond d'oeil. L'état des artères du cerveau peut être en partie apprécié par l'analyse de l'état artériel de la rétine au fond d'oeil.

Surveillance biologique. Plusieurs examens permettent d'effectuer une surveillance biologique.

Protéinurie. Elle permet de rechercher une élévation anormale d'albumine dans les urines. L'hypertension artérielle (HTA) est un facteur d'aggravation de l'insuffisance rénale en raison des lésions artériolaires du parenchyme rénal qui se créent.

Cholestérol et triglycérides. Ces recherches sont faites dans le contexte de complications coronariennes de l'hypertension. En effet, cholestérol et triglycérides sont responsables de la formation de plaques d'athérome. Celles-ci sont la cause d'accidents coronaires et cérébraux.

- Cholestérol total : 1,5 à 2,4 g/l de sang ;

- Triglycérides : 0,5 à 1,3 g/l de sang ;

- HDL (bon cholestérol) : 0,4 à 0,5 g/l de sang.

Ionogramme. Il permet de rechercher les taux de potassium et de sodium sanguins ou urinaires susceptibles de varier. L'excès de sodium est responsable de la dureté des vaisseaux. L'augmentation des taux de potassium accroît le risque d'arythmie.

- Sodium : 135 à 148 mEq/L ;

- Potassium : 3,5 à 5,3 mEq/L.

Créatinine. Sa variation est le signe d'une insuffisance rénale.

Dépister les effets secondaires. L'activité en excès d'un antihypertenseur génère de l'hypotension et provoque l'émergence d'effets secondaires spécifiques à chaque antihypertenseur.

Hypotension orthostatique. Il s'agit d'une baisse prolongée de la pression artérielle. La pression artérielle systolique est inférieure à 105 mm de mercure. Elle s'exprime par de l'asthénie, des vertiges passagers, des malaises et elle peut être responsable de chutes. La position assise ou couchée ne doit pas être quittée brutalement.

Elle est due à une trop forte posologie ou une potentialisation médicamenteuse. Les posologies doivent être progressives au début du traitement.

Effets spécifiques de chaque antihypertenseur.

- Déshydratation pour les diurétiques ;

- Bradycardie pour les bêtabloquants ;

- Toux des IEC, etc.

CONSEILS AUX PATIENTS

Le rôle de l'infirmière est essentiel en termes de conseils. Elle assure le relais des informations apportées au patient par le médecin.

Améliorer l'observance. Le traitement est de longue durée. Pour qu'il apporte toute son efficacité, il doit être pris régulièrement.

Respect de la prescription. Le traitement de l'hypertension dure toute la vie. Il est important que le patient adhère au traitement. L'arrêt d'un traitement provoque un effet rebond avec crise hypertensive.

Respect des prises et des posologies. En cas d'intolérance ou d'apparition d'effets secondaires gênants, il faut prévenir au plus vite le médecin mais surtout, ne pas stopper de soi-même le traitement.

Visites régulières chez le médecin. Elles ont pour but de surveiller la tension et de dépister l'apparition de complications de l'hypertension.

Le médecin pourra prescrire si nécessaire des examens complémentaires, un bilan sanguin (cholestérol, triglycérides...), un bilan hépatique et rénal, etc.

Utilisation d'un autotensiomètre. La prise de tension par autotensiomètre permet une surveillance régulière par le patient lui-même, entre deux visites chez le médecin. L'autotensiomètre est un appareil électronique qui fait office à la fois de tensiomètre et de stéthoscope. La tension peut être prise au bras, au poignet ou au doigt.

Il faut s'asseoir devant une table et se reposer plusieurs minutes avant la prise de tension. Le bras est posé sur la table pour que le brassard soit à hauteur du coeur. Le brassard est positionné à quelques centimètres du pli du bras ou du poignet. Le gonflement du brassard est automatique ou manuel.

Les mesures se pratiquent à horaires réguliers. Trois mesures seront prises à quelques minutes d'intervalle (la première est souvent aberrante, il faut alors l'éliminer), trois fois par jour et trois jours de suite. Lors de la consultation suivante, le médecin interprétera les chiffres notés pour décider d'une éventuelle modification du traitement.

Règles hygiéno-diététiques. Pour augmenter la réussite du traitement, il est utile de modifier son hygiène de vie, de surveiller son poids et de faire régulièrement de l'exercice.

Alimentation. L'alimentation doit être équilibrée et axée sur un apport pauvre en graisses. Le régime est normosodé si la tension est régularisée ou hyposodé en début de traitement. Il faut éviter alors les fromages, les charcuteries, les apéritifs et les plats trop salés. Les boissons ou aliments contenant de la réglisse (antésite, pastis sans alcool) sont hypertensifs. Il est recommandé de consommer cinq fruits et légumes ainsi que trois laitages légers (yaourts, produits allégés) par jour.

Tabac. L'arrêt de la consommation du tabac est nécessaire pour limiter le risque coronarien. L'alcool est considéré comme hypertensif direct.

Pilule. La pilule peut révéler ou aggraver une hypertension préexistante, surtout en association avec le tabac.

Exercices physiques. Ils doivent être réguliers, modérés et sans compétition, comme la marche, la gymnastique, le cyclisme ou la natation. La marche permet une adaptation progressive du coeur et de la respiration à l'effort.

Stress. La vie au calme est nécessaire ! Les émotions ou les colères sont des sources d'élévation de tension. Un sommeil régulier est réparateur. L'anxiété et l'insomnie prédisposent à l'hypertension artérielle.

Articles de la même rubrique d'un même numéro