« Un manque criant d'infirmières » - L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 214 du 01/03/2006

 

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Santé

Trois infirmiers de métropole partis soutenir les victimes du Chikungunya pendant deux semaines témoignent.

Fin janvier, les quatre services des urgences de La Réunion étaient pris d'assaut. Dix-neuf médecins et vingt-cinq infirmières de métropole ont été envoyés en renfort. Nathalie, Rolande et Christophe ont passé quinze jours sur l'île pour donner un coup de main à leurs collègues. Nathalie exerce à Saint-Antoine en SICS (service infirmier de compensation et de suppléance) ; Rolande à Cochin (en réanimation polyvalente). Christophe est cadre de santé. Ancien cadre des maladies infectieuses, il travaille à la direction des soins de l'hôpital Paul-Brousse et participe à l'organisation du siège de la paix de l'Assistance publique.

Comment s'est passé votre mobilisation ?

Christophe : depuis la guerre du Kosovo, l'Assistance publique a monté une liste de soignants volontaires, disponibles pour se rendre rapidement sur un lieu de crise. En 1999, des infirmiers français sont allés s'occuper des réfugiés albanais. L'an dernier, nous avons soutenu les survivants du Tsunami. Grâce à cette liste, la mobilisation est rapide et efficace.

Rolande : le samedi 28 janvier, j'ai reçu un coup de fil en début d'après-midi. Le lendemain, j'étais dans l'avion pour La Réunion. J'ai dû prendre la décision en quelques heures. Je connaissais le principe car j'étais déjà allée en Albanie en 1999.

Qu'est-ce qui vous a poussé à vous inscrire sur cette liste ?

Rolande : j'ai toujours eu envie de faire de l'humanitaire. C'est difficile de partir pour des missions de six mois. Se rendre disponible pour de courtes missions, c'est un bon compromis.

Christophe : c'est aussi l'envie de rompre avec la routine, le goût du voyage. Mais il faut être indépendant dans sa vie pour partir du jour au lendemain...

Vos premières impressions, après dix jours aux urgences de l'hôpital de Bellepierre à Saint-Denis ?

Nathalie : arrivés à l'aéroport le lundi 30 janvier à 8 heures du matin, à 16 heures, nous étions aux urgences sans avoir dormi. On a enchaîné jusqu'à minuit. En 24 heures, on a mis en place le service de médecine de crise uniquement destiné aux malades du Chikungunya.

Rolande : il y a un manque criant d'infirmières ici. Notre arrivée a permis au personnel de se reposer. Les soignants étaient épuisés : le service fonctionnait déjà à flux tendu, mais le Chikungunya, c'est la goutte qui a fait déborder le vase.

Nathalie : 70 % du personnel hospitalier est en arrêt maladie. Certains d'entre eux travaillent avec des douleurs articulaires.

Comment s'est passé le contact avec le personnel local, les patients ?

Rolande : les Réunionnais sont des gens chaleureux. S'ils doivent attendre des heures avant qu'on s'occupe d'eux, il n'y a jamais d'esclandre. Les personnes âgées souffrent beaucoup mais gardent le sourire. L'infirmier est respecté. Les familles des malades sont plus indulgentes qu'en métropole. Elles n'appellent pas vingt fois par jour. Elles aident leur proche à manger, elles n'attendent pas que l'infirmière le fasse. Il y a beaucoup d'entraide familiale.

Nathalie : c'est parfois tendu avec certains médecins. Ils sont peu reconnaissants envers les infirmières. À Paris, les médecins ne parlent pas ainsi aux infirmières. Ici, le personnel local encaisse beaucoup plus.

Seriez-vous prêts à rester ou à repartir ailleurs ?

Christophe : cette mission casse la routine. Mais au bout de quinze jours, on est sur les rotules. C'est l'intérêt de ces courtes missions ! Et puis, pendant qu'on est à La Réunion, on manque dans nos services. Ils sont obligés d'embaucher des intérimaires. Ça suscite aussi de la jalousie. Là-bas, certains vont nous dire qu'on a pris des vacances !

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