À chacun ses spécificités ! - L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006

 

Europe

Dossier

Malgré les nombreuses disparités existantes, une politique européenne de santé mentale est-elle envisageable ? Tour d'horizon.

Devant l'ampleur et la complexité du sujet, il a fallu faire des choix. Les pays retenus sont remarquables par une ou plusieurs expérimentations sur leur territoire (France, Italie, Angleterre, Irlande, Allemagne, Suède...). À l'intérieur de chaque pays, les prises en charge peuvent varier : certaines équipes sont avant-gardistes, d'autres conservatrices.

Contrastes

Approfondir ce sujet révèle l'importance de l'histoire et de la culture de chaque pays sur sa politique de santé, et plus encore sur sa politique de santé mentale. Les comparaisons entre les pays ne sont donc pas toujours faciles à établir.

En Allemagne, chacun des seize Länder détient le pouvoir de réglementation, différent de l'un à l'autre. En Suisse, l'organisation du système de santé passe par la compétence de ses vingt-deux cantons... En Italie, les régions sont autonomes, leur gestion aussi. Et ce sont les communautés autonomes régionales espagnoles qui gèrent l'organisation des soins en Espagne.

Ajoutez à cela des démographies médicales et paramédicales différentes, des formations initiales plus ou moins longues d'un pays à l'autre et une articulation entre le secteur psychiatrique et le social plus ou moins réussie. Sans oublier que les données de chaque pays sur la psychiatrie proviennent de systèmes différents et non comparables...

Les spécificités de chacun se rencontrent toutefois autour de quelques grands courants historiques qui ont largement contribué à façonner la psychiatrie « moderne ». Donc, un peu d'histoire.

À partir des années cinquante, la tendance de fond est à la désinstitutionnalisation, c'est-à-dire à la fermeture d'un plus ou moins grand nombre de lits d'hospitalisation dans les structures dites « asilaires » et à l'ouverture de structures de soins en ambulatoire ou en semi-hospitalier. Pour Serge Kannas, psychiatre et délégué à la Mission nationale en santé mentale, « cela ne fait pas de doute, le déclin de l'asile est en marche partout ». Motivé par l'enthousiasme de certains médecins progressistes de l'époque, le processus de désinstitutionnalisation s'est mis en place avec des colorations culturelles, techniques et idéologiques différentes.

Certains pays ont fait leur « révolution » et ont fermé les hôpitaux psychiatriques de façon plus (Italie) ou moins (Angleterre et pays nordiques) radicale. D'autres pays occidentaux comme la France, la Belgique ou l'Allemagne accusent un retard dans ce domaine car ils ont opté pour d'autres voies.

Désinstitutionnalisation

« En France, tout a commencé avec François Tosquelles, Lucien Bonnafé, Philippe Paumelle et Paul Balvet », explique Gérard Milleret, psychiatre au CHS départemental La Chartreuse à Dijon. Ce quatuor travaille déjà différemment en 1942-1943 et est à l'origine de l'extériorisation du travail psychiatrique sur le terrain ainsi que de la circulaire de 1960 sur la sectorisation. La France a fait le pari d'une désinstitutionnalisation douce, progressive, équilibrée et consensuelle : « La politique de secteur, remarque Serge Kannas, a jeté une sorte de masque positif sur l'hôpital psychiatrique, parce qu'elle a été considérée comme le "nec plus ultra" de la psychiatrie. Elle proposait sur tout le territoire, autour d'une attache hospitalière, la création de structures externes (CMP et CATTP). Mais alors que cette politique se voulait égalitaire, elle a été appliquée différemment selon les régions et certains secteurs ont fonctionné très tardivement. Cependant, on est passé en cinquante ans de 120 000 lits à 60 000. »

Culture et psychiatrie

Le Royaume-Uni a sans doute plus que tout autre pays une culture du libre accès à l'hospitalisation psychiatrique. Jacques Hugard, interne en psychiatrie au CHU de Dijon affecté à La Chartreuse, précise que « dès la fin du XIXe siècle, on développe autour des théories du "No Restraint" la voie de "l'Open Door", ou méthode de non-coercition de Conolly ». Le Mental Health Act de 1959 définit la maladie mentale comme « une maladie comme les autres », ce qui aura pour effet de favoriser le développement de la prise en charge psychiatrique dans les hôpitaux généraux et de fermer des lits en services spécialisés. Cette évolution se répercute sur le taux d'hospitalisation libre au Royaume-Uni, qui passe de 75 % en 1930 à 90 % en 1957, puis à 95 % à la fin des années quatre-vingt.

Sur fond du mouvement d'antipsychiatrie ambiant, la loi pose les jalons des Psychiatric Community Care, unités dans les services généraux assurant soin et réinsertion sociale, développant soins ambulatoires et « activités occupationnelles » dans la communauté(1). Les travailleurs sociaux sont nommés « délégués municipaux d'aide aux malades mentaux » : leurs tâches sont variées et leurs responsabilités plus grandes, allant du conseil à la gestion de bénévoles. Ces derniers sont beaucoup plus intégrés dans le système qu'en France et gèrent par exemple cafés et maisons communautaires.

Les différentes cultures ont laissé leur empreinte sur la gestion des politiques de soins psychiatriques. Ainsi, l'approche britannique a ceci d'original que le législateur définit et classe les troubles mentaux, et que l'obligation de traitement à l'hôpital ne touche que les cas les plus graves, caractérisés par une conduite « agressive et irresponsable », et uniquement lorsqu'il est établi que le traitement peut être efficace. Au Royaume-Uni, l'hospitalisation sans le consentement des personnes ne concerne officiellement que 5 % des admissions, dont les médico-légaux ne constitueraient qu'une faible proportion, moins de 10 %.

De même, l'acte suicidaire est moins connoté négativement et les adultes sont davantage considérés comme responsables de leur propre existence : « Ils ont le droit de refuser des opérations chirurgicales, fussent-elles vitales », ajoute Jacques Hugard. Aujourd'hui, l'une des expériences phares conduites à Birmingham, met l'accent sur les soins à domicile basés sur la relation triangulaire entre le patient, le médecin généraliste et l'équipe de réseau.

Responsabilisation

Yvain Piketty, éducateur spécialisé dans un secteur psychiatrique lillois, a eu l'occasion de se rendre avec ses collègues dans les pays anglo-saxons. Il dit son étonnement devant certaines pratiques, mais aussi la difficulté de comparer : « On ne peut pas dire si nous sommes en avance ou en retard, tant les choses sont différentes. Au Royaume-Uni, on est dans un système de responsabilisation à l'anglo-saxonne. Si la personne ne va pas bien, rien ne l'oblige à se faire soigner. En revanche, s'il se passe quelque chose de grave, on ne transige pas et ce n'est pas le service médical qui s'en charge mais le service judiciaire. »

S'étonnant du fait que la région où il séjourne ne compte aucun lit d'hospitalisation, il découvre que les personnes hospitalisées d'office sont comptabilisées « à part ». « Nous avons visité ces structures, bien plus fermées que les nôtres et faites pour que les gens n'en sortent pas. Nous nous sommes interrogés, en visitant ces unités, sur les cas de certains patients que nous n'aurions pas considérés en France comme dangereux et qui seraient suivis chez nous dans des structures ouvertes... Cela renvoie à une image archaïque et sévère des asiles anglais ! Je me souviens aussi d'une post-cure pour personnes toxicomanes qui m'avait impressionné par la motivation et le savoir-faire des équipes. Mais toutes les personnes soignées étaient volontaires. En France, le public est plus disparate et les patients sont là sur décision judiciaire ! »

Malgré les efforts entrepris, l'offre de soins dans la cité se révèle insuffisante, et la séparation existant entre les services sociaux (gérés par les collectivités locales) et les soins hospitaliers (dépendant du gouvernement central) compliquent les choses. Une violente campagne dénigrant les soins communautaires et dénonçant la liberté accordée à des patients homicides s'est déchaînée dans le pays depuis le milieu des années quatre-vingt-dix.

Aux États-Unis, la désinstitutionnalisation achevée vers la fin des années soixante-dix a été suivie par une série de réformes économiques qui ont affecté l'ensemble du champ psychiatrique. Aujourd'hui, le soin psychiatrique est dominé par un nouveau système administratif de financement privé au cas par cas, le « managed care »(2).

Certains pays, comme l'Italie et l'Espagne, ont opéré depuis les années soixante-dix une avancée en flèche dans le domaine de la psychiatrie, après avoir longtemps été à la traîne des réformes européennes.

« Peau de léopard »

En Italie, dans le climat passionné des mouvements contre les institutions autour de 1968, Franco Basaglia, psychiatre et meneur charismatique, entreprit à Gorizia, petite ville proche de Trieste, la transformation de l'institution psychiatrique en suivant le modèle des « communautés thérapeutiques » londoniennes créées par Maxwell Jones. D'autres expériences de transformation et de rénovation furent menées à Arezzo, Pérouse, Reggio d'Émile... Au début de l'année 1977, Basaglia, fondateur du mouvement professionnel et politique d'extrême gauche Psichiatrica Democratica, annonça la fermeture du premier asile, à Trieste. L'opinion était prête pour une réforme générale.

En 1978, est votée la loi 180 (intégrée la même année dans une loi plus générale 833) décrétant la fermeture des hôpitaux psychiatriques. La loi, incitative, laissait la responsabilité de l'organisation aux régions et prévoyait qu'en cas de nécessité et pour des périodes brèves, les hospitalisations seraient effectuées dans de petites divisions aménagées dans les hôpitaux généraux. Elle envisageait surtout la création d'un réseau de services territoriaux qui pourraient donner des réponses évitant la marginalisation et seraient plus efficaces pour la résolution des problèmes de la souffrance psychique. Basaglia meurt en 1980, et près de trente ans après, on peut dire que cette loi a été appliquée de façon très inégale d'une région à l'autre. Ainsi, la métaphore, employée aux journées d'études sur la psychiatrie(3), « la psychiatrie italienne ressemble à une peau de léopard » illustre bien la grande disparité existant entre les régions.

« Globalement, reprend Gérard Milleret, l'Italie et l'Espagne font un travail communautaire important qui permet d'éviter beaucoup d'hospitalisations. Leur politique de soins psychiatriques est moins lourde que chez nous, mais elle comporte également de grandes inégalités. »

Limites

Dans la plupart des pays, l'organisation de soins préventifs et curatifs est centrée sur une région géographique, appelée « localité » au Royaume-Uni et « secteur » dans la plupart des autres pays d'Europe. La démographie des secteurs varie de 15 000 à 50 000 personnes en Suède, jusqu'à 250 000 en Allemagne. Quelle que soit la politique d'alternative à l'hospitalisation retenue, on constate des inégalités de traitements d'une région à l'autre et un manque général de moyens. En Finlande, le nombre de lits n'a cessé de diminuer et le nombre de patients d'augmenter : les services sont continuellement surchargés, le taux d'occupation atteint les 150 %. Erreur d'appréciation ? Si l'on a mal mesuré l'investissement en moyens que requérait la désinstitutionnalisation, on a aussi mésestimé les risques encourus par un accompagnement insuffisant : « Dans nombre de pays (Angleterre, Italie, France, Hollande, Allemagne, États-Unis...) sont apparus des phénomènes inquiétants : judiciarisation croissante, errance accrue (des personnes SDF en rupture avec les dispositifs, faute de réactivité ou d'adaptation de ceux-ci) et mécanisme de "portes tournantes" (des patients décompensant dans la communauté, hospitalisés pour des phases aiguës, sortant, puis réhospitalisés quelques mois plus tard...).

En France, la politique de secteur n'a pas été appliquée jusqu'au bout, déplore Gérard Milleret. On a l'impression d'être dans une institution qui devient folle. Il faudrait faire un gros travail avec les familles et réduire le clivage qui existe avec le social. »

Une psychiatrie européenne ?

En France, les soignants se déplacent assez peu. La pratique des langues étrangères est encore trop peu répandue et lors des formations initiales, la validation d'un stage réalisé à l'étranger relève de l'impossible : « La France n'a pas vraiment la volonté de se mettre à l'Europe, estime Stéphanie Colin, déléguée européenne à l'Affep (cf. encadré p. 8). On peut mesurer l'écart avec les Anglo-Saxons et les pays nordiques qui s'efforcent constamment de standardiser leurs pratiques pour les rendre comparables à d'autres... En France, peu d'organismes recueillent des données et les diffusent. L'une de nos revendications est de pouvoir librement opter pour un stage à l'étranger. Mais pour cela, il faudrait d'abord que la durée des stages soit identique partout... » Et également qu'écoles et universités favorisent les voyages, d'ailleurs toujours très appréciés par les supérieurs hiérarchiques, puisque enrichissant les connaissances et les pratiques.

Stéphanie Colin, interne en psychiatrie, et Cécile Hanon, praticienne hospitalière, ont choisi de s'investir dans des associations internationales. À leurs frais, sur leur temps libre et au prix d'une formation personnelle en anglais : « Je donne des cours d'anglais à mes internes pour désacraliser la langue, note Cécile Hanon. Je les invite à parler, à faire leurs présentations en anglais pour se familiariser au vocabulaire psychiatrique, pas si complexe. Je suis partie un an en Inde, interrompant mon internat et sans être payée, bien entendu... Voyager, se former ailleurs, c'est possible grâce au système D ! On pourrait imaginer que la faculté nous finance nos frais de déplacements lorsque nous représentons la France... C'est le cas des pays nordiques, de l'Angleterre (via le Royal College of Psychiatry), ou de l'Italie (par l'hôpital). En France, les seuls fonds que l'on peut espérer pour soutenir ce type d'initiative sont des fonds privés de l'industrie pharmaceutique, ce qui pose la question du conflit d'intérêt et de l'indépendance intellectuelle du médecin... »

Infirmières en première ligne

Le centre collaborateur de l'OMS (CCOMS) en France incite toutefois à l'optimisme. Cet organisme fait valoir les politiques de santé de l'OMS en France et permet le partage des expériences internationales, notamment grâce au Réseau des centres collaborateurs de l'OMS et au Réseau international des expériences pilotes en santé mentale communautaire. Le CCOMS est issu d'un hôpital-secteur de psychiatrie (EPSM Lille métropole) qui a pour originalité d'avoir complètement intégré la psychiatrie dans la cité.

Depuis une trentaine d'années, le service a mis en route un travail d'échanges avec d'autres secteurs français et avec l'international, inscrivant dans le budget formation de l'hôpital des voyages d'observation à l'étranger. C'est ainsi que des groupes pluridisciplinaires, de médecins, infirmières, éducateurs, psychologues, usagers... et élus, ont visité différents services européens, notant les pratiques intéressantes pour ensuite les adapter dans le secteur : « Le fonctionnement de notre service est complètement inspiré par les expériences de Madison, Birmingham, Trieste, ou Oviedo, précise Jean-Luc Roelandt, directeur du CCOMS. Lors de nos voyages dans ces endroits, nous avons vu les choses s'accélérer et aller vers une prise en charge des usagers en ville quand cela peine à se produire en France. En Mauritanie, j'ai vu les infirmières en première ligne prescrire : les soignants y sont peu nombreux... Nous nous en sommes inspirés chez nous : nous avons mis les infirmières en première ligne dans la ville avec les généralistes. »

Le travail infirmier repose sur une étroite collaboration avec les généralistes, une pratique inspirée de la visite à Monaghan en Irlande et renforcée encore par l'instauration de réunions de synthèse au domicile de la personne, réunissant psychiatres, infirmières, généralistes, aidants...

Avit Meaux, cadre supérieur de santé du secteur, confirme que les infirmières sont plus autonomes : « Les entretiens de première demande, lorsque l'on se présente dans le service, sont menés par une infirmière. Ce type de pratique responsabilise énormément le service infirmier, développe les compétences, motive et aiguise leur intérêt. Une connaissance empirique se crée et génère plus d'échanges dans l'équipe, puisque les savoirs et les compétences ne sont pas cantonnés aux mêmes professionnels. »

Cette évolution des métiers non médicaux relativise la place du psychiatre et se vérifie aussi hors de nos frontières : « Au Canada, dans certains États des États-Unis, dans le service des urgences psychiatriques de Bruxelles (où les infirmières sont chargées du tri et de la première intervention avec un médecin régulateur) ou encore en Angleterre, les aspects médico-centriques sont moins marqués, remarque Serge Kannas. Mais le manque de délégation de compétence est une constante invariable, ici comme ailleurs... »

Échanges d'idées

Yvain Piketty travaille dans le service de Jean-Luc Roelandt depuis trois ans et demi. Il a été initialement embauché pour faire du suivi éducatif : « Notre but est de faire en sorte que la personne, une fois sortie de l'hôpital, ait des conditions de vie correctes pour ne pas "redécompenser"... Mon travail se rapproche de celui que les infirmières font de plus en plus, favoriser le lien dans la cité. Nous intervenons en appartements, pour des entretiens, pour un accompagnement lors d'une démarche administrative, ou pour des courses afin d'apprendre à gérer un budget... » À présent, Yvain gère le parc locatif de 37 appartements (150 personnes sont logées grâce à une association formée par les sept communes du secteur), une pratique peu répandue en France et inspirée des maisons communautaires italiennes, rattachées aux hôpitaux : « Nous avons vu au Royaume-Uni des équipes qui travaillent en bon accord avec leurs partenaires dans la cité, quand pour nous c'est plus difficile. Même si dans notre secteur, nous y sommes parvenus avec les foyers et les bailleurs sociaux. »

La forte dynamique de projets est stimulée encore par les voyages d'études à l'étranger qu'accomplit l'équipe pour y « piocher » ses idées : « Alors que nous montions notre projet de "soins intensifs intégrés dans la communauté", qui correspond à de l'hospitalisation à domicile, raconte Avit Meaux, nous sommes partis quatre jours en Irlande. Là-bas, nous avons vu un hôpital quasi vidé de ses lits, et étions en contact avec l'équipe : cadres, psychologues, infirmières... C'était intéressant de voir mis en place ce que nous souhaitions réaliser chez nous. Cela a même permis de repérer et reproduire certains outils infirmiers pertinents : des détails, comme un panneau mural à double entrée, où les informations sont sans cesse réactualisées. »

Cette façon de travailler nécessite un important investissement : Avit Meaux s'est remis à l'anglais avec ses collègues, pour voyager et accueillir les nombreux groupes de soignants qui viennent visiter le service... Une logique d'échange inspirée de l'entreprise (Bench marking), où plutôt que de garder jalousement un secret de fabrique, on regarde ce qui se fait de bien chez les autres, pour améliorer ses pratiques.

En 2005, un groupe d'une trentaine d'Anglais et d'Irlandais se sont montrés intéressés par l'accueil familial thérapeutique alternatif à l'hospitalisation (Aftah) mis en place à Lille depuis 2000. Un accueil familial classique dans une famille d'accueil rémunérée et embauchée par l'établissement. Dans le secteur, le dispositif est utilisé pour des durées courtes (six mois) pour éviter l'hospitalisation. Dix familles sont ainsi employées. Une pratique elle-même repérée à Madison, aux États-Unis.

Depuis quelques années, la plupart des états membres de l'Union européenne tendent à rapprocher leurs législations nationales des prescriptions de la Convention européenne, notamment dans son article 5 concernant l'information et le recours du patient.

Réalité difficile

N'est-il pas légitime de s'interroger, comme le fait Bernard Martin, médecin chef de service secteur 94, sur les raisons de la non-généralisation de ces expériences dans chacun des pays qui les ont conçues ? Quel sens peut avoir en termes de santé publique une expérience, aussi passionnante soit-elle, qui reste isolée ? Et pourquoi remettre sempiternellement en cause la politique de secteur française au nom de telles expériences ? Yves Guigou, cadre supérieur de santé dans le même secteur(4), s'interroge aussi sur les directives à prendre pour tenter d'harmoniser les (grands) écarts existant entre les équipes. La réalité plus ou moins difficile du terrain a une influence sur les équipes et détermine leurs priorités, voire leur façon de prendre soin des malades... Alors par où faut-il commencer ?

1- Le vocabulaire des soins communautaires est spécifique. On parle de réhabilitation « médicale, psychologique, occupationnelle, sociale et résidentielle ».

2- Source : L'Information psychiatrique, octobre 1997.

3- Organisées par la Ddass du Val-de-Marne, du 23 au 28 mars 2003.

4- Secteur 94 G 17 (cf. compte rendu des journées d'études sur la psychiatrie organisées par la Ddass du Val-de-Marne du 23 au 28 mars 2003).

formation

LES INTERNES PARLENT L'EUROPÉEN

L'Affep (Association pour la formation française et européenne en psychiatrie)(1) siège à l'EFPT (European Federation for all Psychiatric Trainees), « trainees » se traduisant par internes. L'EFTP regroupe des internes de 22 pays européens et sa vocation est l'amélioration et l'harmonisation de la qualité de la formation des psychiatres. Les délégués recueillent des informations dans leur pays, se rencontrent une fois par an lors d'un forum européen, au cours duquel ils mettent en commun leurs données et votent des recommandations pour une formation idéale : le droit, pour chaque interne à des bases dans chacun des trois grands courants psychothérapiques (thérapie cognitive et comportementale), l'analyse (ou psychodynamique et familiale systémique), des temps de formations harmonisés (ils peuvent varier de dix ans en Angleterre à deux en Bosnie-Herzégovine), des rémunérations lors des gardes, le choix de son lieu de stage, etc.

1- Site Internet : http://www.afffep.net.

statistiques

PLUS D'UN QUART DES EUROPÉENS

Les troubles mentaux touchent chaque année plus de 27 % des Européens d'âge adulte. Ils sont à l'origine de la plus grande partie des 58 000 décès annuels dus au suicide. La dépression et les troubles anxieux sont les problèmes mentaux les plus courants et, selon certaines études, d'ici 2020, la dépression devrait être la première cause de morbidité dans le monde développé. Le nombre de suicides pour 100 000 habitants va de 44 en Lituanie à 3,6 en Grèce, tandis que le nombre de placements non volontaires en établissement psychiatrique est 40 fois plus élevé en Finlande qu'au Portugal. En ce qui concerne la part du budget national de santé dédiée à la santé mentale, sur 28 pays ayant transmis leurs dépenses, les chiffres oscillent entre 13 % au Luxembourg et 2 % à peine en Slovaquie. Quatre pays allouent plus de 10 % du budget de la santé à la santé mentale et les budgets inférieurs à 2 % se situent tous dans les pays de l'ex-Union soviétique.

Archaïsme

En Europe, des prises en charge innovantes cohabitent avec des systèmes archaïques :

> En Lituanie, il y a 5 ans, la psychiatrie n'existait pas ; on ne compte aujourd'hui que 17 internes dans ce petit pays.

> En Roumanie, le séjour d'une personne en psychiatrie est mentionné sur le passeport...

> En Turquie, le protocole, qui partout ailleurs prévoit une anesthésie générale pour les électrochocs, n'est appliqué que dans 50 % des hôpitaux.

en chiffres

PSYCHIATRES ET TRAITEMENTS

On note une évolution générale en Europe vers une baisse de la démographie médicale et vers une diminution du nombre de psychiatres : le Portugal compte 830 psychiatres pour 10 millions d'habitants, la Finlande 870 pour une population de 5 millions (la densité y est très faible), l'Autriche 800 pour 8 millions, l'Espagne plus de 3 000 psychiatres pour 40 millions d'habitants, la Belgique 350 pour 10 millions, et la Suisse 1 500 pour un peu plus de 7 millions de personnes... C'est le pays d'Europe - avec la France - qui dispose du plus grand nombre de psychiatres par habitant. La consommation des psychotropes et neuroleptiques y est également supérieure à tous les autres. La France, suivie de près par la Belgique, consomme trois fois plus de médicaments psychotropes que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, et deux fois plus que l'Italie. Avec 11 % de la population déclarant en prendre régulièrement, elle se place au premier rang mondial des consommateurs(1)...

1- Cf. Le Prix du bien-être, psychotropes et société, Édouard Zarifian, Odile Jacob, 1996.

Plan d'action

Les propositions exposées dans un « livre vert de la santé mentale en Europe » ont été adoptées lors de la conférence ministérielle sur la santé mentale, sous l'égide de l'OMS à Helsinki début 2005. Y ont participé les 52 États membres de la région européenne de l'OMS et de la Commission européenne. Après consultation, cette dernière s'appuiera sur les réponses reçues pour élaborer une proposition de stratégie communautaire sur la santé mentale.

En savoir plus

> Sur la santé mentale dans l'UE : http:// europa.eu.int/comm/health/ph_determinants/life_ style/mental_health_fr.htm

> Projet atlas de cartographie des ressources de santé mentale dans le monde: http://www.who.int/mental_health/evidence/atlas/

> Sur les réseaux internationaux pour la déstigmatisation de la maladie mentale : http://www.exclusion.net/

> Santé mentale en Europe, revue Pluriels, n° 34, éditée par la Mission nationale d'appui à la santé mentale.

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