À l'heure du choix... - L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006

 

profession

Dossier

Pas assez nombreuses sur le marché du travail, les infirmières peuvent se payer le luxe de choisir. Si la gériatrie ou la psychiatrie font figure de mal-aimées, le manque d'attractivité se mesure plus au niveau d'un établissement que d'un service...

Les infirmières sont des professionnelles déterminées : elles savent généralement dans quel type de services elles souhaitent travailler et ceux dans lesquels elles préféreraient ne pas mettre les pieds. L'état du marché de l'emploi infirmier, aussi difficile à cerner soit-il, se ressent forcément des conséquences de ces préférences et aversions professionnelles, même si elles évoluent parfois avec l'expérience, les opportunités et la réversibilité des préjugés.

Est-ce une inclination personnelle, la conséquence du contenu de leurs études et de leurs stages ? En tout cas, on retrouve dans les aspirations des infirmières le vieux clivage entre infirmière « relationnelle » et infirmière « technicienne » que la démarche de professionnalisation du métier a vu naître, selon Françoise Acker, directrice de recherche au Cermes(1), dans les années 1960. « L'un souhaitait fonder la spécificité professionnelle sur l'approche de la personne, l'aide au développement de son autonomie et la relation, écrit-elle dans Les Infirmières, une profession en crise ?(2). Il s'inscrivait dans la continuité de la fonction sociale de l'infirmière au début du XXe siècle. L'autre prônait la valorisation sociale à partir de la qualification technique et de la spécialisation. Le constat d'écartèlement possible du groupe entre une infirmière technicienne et une infirmière travailleuse sociale, établi par Antoinette Chauvenet en 1974, est toujours d'actualité. » Les témoignages des infirmières le confirment.

Relationnel ou technique ?

Blandine, de son propre aveu, se sent plus à l'aise dans les gestes techniques que dans la gestion des relations avec les patients ou leurs proches. Pendant ses études, elle se voyait plutôt travailler au Samu ou aux urgences. « Je ne voulais pas d'un service trop routinier », raconte-t-elle.

La gériatrie ne l'attire pas : face aux personnes âgées démentes d'un hôpital de proximité où elle fait un stage, elle imagine ses parents.

La psychiatrie exige aussi d'elle un investissement relationnel pour lequel elle ne s'estime pas faite, pour l'instant du moins. Finalement, elle travaille depuis un an et demi en réanimation pédiatrique dans un CHU, alors qu'elle ne voulait surtout pas travailler auprès d'enfant lorsqu'elle était à l'Ifsi (cf. encadré p. 28). Comme nombre de jeunes diplômés, elle privilégie la dimension technique des soins, très présente en réanimation.

Les attraits de la technique ont aussi leurs limites. Beaucoup d'infirmières reculent devant la possibilité d'exercer au bloc - à part éventuellement en tant qu'Ibode. D'une part parce que la relation avec le patient y est, justement, trop réduite, mais aussi à cause d'un fort sentiment de subordination vis-à-vis des chirurgiens. Cette relation étroite, fortement hiérarchisée, laisse trop peu de place à l'autonomie et certaines y voient même un « DE vaisselle »...

Subordination

Marion, toute jeune diplômée de la région lyonnaise, a exploré, comme beaucoup, de nombreux services avant de se faire une opinion. À la recherche d'un équilibre à sa mesure entre relationnel et technique, elle a écarté certaines disciplines : le bloc, justement, « trop technique », la psychiatrie, qui ne l'est pas assez, la maternité, « parce que le travail infirmier est trop restreint du fait du rôle de la sage-femme » et, comme beaucoup, la gériatrie. Non qu'elle n'apprécie pas le travail au contact des personnes âgées - elle a au contraire rédigé son mémoire de fin d'études sur ce sujet - mais pour des raisons qu'elle juge liées aux structures. Dans les maisons de retraite, résidences pour personnes âgées ou en long séjour, elle déplore le manque de personnel, des conditions de travail difficiles et l'idée trop répandue, « à tort, qu'il n'y a pas besoin de projet de soins avec les personnes âgées ». Aujourd'hui, elle travaille en dermatologie, ravie en dépit de ses craintes de départ vis-à-vis de ce qu'elle aurait à y voir... Car les soins, techniquement variés, sont propices à la relation. « Nous faisons par exemple beaucoup de bains thérapeutiques, raconte Marion. Ce sont des moments privilégiés car ces soins durent longtemps. On a le temps d'entrer en relation avec le patient et on surmonte mieux ce qui est difficile. »

Après un an d'équipe de suppléance, Carole, infirmière à l'AP-HP, a fait son choix : la psychiatrie, où elle travaille depuis huit ans. Repoussée par nombre de ses consoeurs et confrères, la psychiatrie répond à ses aspirations. « Je me suis épanouie dans la dimension relationnelle [de l'exercice dans ce service], confie-t-elle. Certes, il y a le soin mais on n'est pas séparé du patient par le soin, qui est souvent un frein à la communication. » En fait, « j'ai vite compris les services où je ne voulais pas aller ». Pas de bloc pour elle, donc, ni de réanimation, ni, là encore, de gériatrie où la relation devrait pourtant trouver une place prépondérante, plus pour des raisons structurelles que personnelles. « Parce que déjà, il y a dix ans, c'était une discipline dévalorisée, avec peu de personnel, beaucoup de patients, peu de moyens, un environnement très déshumanisant. C'est un problème politique : on dénombre parfois une infirmière pour 40 patients. »

Secteur dénigré

Pour Françoise Gaps, directrice de soins de l'hôpital de Castres-Mazamet (550 lits pour personnes âgées), le peu d'estime pour l'activité en gériatrie (et le service de nuit) a conduit à considérer à certaines périodes ces services comme peu exigeants en termes de qualité du personnel. Il en résulte une image très dévalorisée de cette activité, alors que, pour elle, « le travail en gériatrie est une vraie spécialité, qui demande une clinique, une connaissance du vieillissement, des personnes âgées, des pathologies et exige un véritable projet de soins ». Pour Martine Mozer, cadre en gériatrie dans le même hôpital, « il faut être sérieusement armée en termes de connaissances et être capable de réfléchir sur ce qui nous anime, ce que l'on projette sur le patient, ce que sont nos motivations conscientes et inconscientes ».

Difficile de déterminer précisément les disciplines les plus mal-aimées. Déjà, les données sur la pénurie d'infirmières sont rares et souffrent de graves défauts méthodologiques, soulignés par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, dans son rapport de 2004 (cf. encadré : « En savoir plus »). Tout au plus la Fédération hospitalière de France estime-t-elle entre 10 000 à 15 000 le nombre de postes d'infirmières vacants - un critère de portée limitée - pour le secteur public. On évoque aussi souvent 10 % de postes vacants pour la seule Île-de-France. Ces données lacunaires ne se déclinent pas, au niveau national, par discipline. L'Observatoire souligne que, selon les études régionales sur le sujet (ainsi que « les entretiens avec des responsables hospitaliers des ressources humaines »), « certains secteurs d'activité font l'objet d'une désaffection particulière ». Il manque beaucoup d'Ibode (20 % de postes vacants en Auvergne, 35 % en Bourgogne) mais « les services de gériatrie semblent faire l'objet d'une désaffection plus importante que d'autres ». Les auteurs du rapport relèvent que les hôpitaux de l'AP-HP dont les taux de vacance de postes demeurent les plus élevés sont les établissements à vocation gériatrique (et dans une moindre mesure les hôpitaux psychiatriques, sauf en Île-de-France où le taux de vacance était de 14,8 % fin 2003). « La situation de déficit semble exacerbée dans les établissements médicosociaux » pour personnes âgées.

Conditions de travail

La vaste étude Presst-Next sur la santé et la satisfaction des soignants au travail en Europe et en France (cf. encadré p. 29) indique ce point dans la partie consacrée à l'hôpital local, qui reste à l'écart de la technicisation croissante des établissements hospitaliers et accueille principalement des personnes âgées. « Le manque de moyens et de personnel, surtout dans les unités où sont hospitalisées des personnes âgées, souvent perturbées psychologiquement, rend difficile la mise en oeuvre d'un véritable rôle propre soignant », confirment les auteurs de cette étude. Peu satisfaits de leurs conditions de travail (pas le temps de parler aux patients, travail « à la chaîne », standardisation des soins, etc.), les soignants de ces hôpitaux sont pourtant 75,5 % à estimer que leur travail a beaucoup de sens (contre 70,5 % en général) et se disent aussi motivés que les autres. Mais, « le désir de faire un métier que l'on sent utile et riche en rapports humains se heurte aux contraintes liées à une charge de travail très élevée », poursuit le rapport Presst-Next.

Au final, les jeunes diplômés débutent donc leur carrière à l'hôpital, indique l'ONDPS, « pour ne pas perdre en technique » et, logiquement, « les services plus techniques semblent trouver davantage preneurs », ajoutent les auteurs du rapport 2004 sans pouvoir préciser davantage. Tout au plus expliquent-ils plus loin que « de plus en plus, les conditions de travail et les conditions de vie [semblent être] prioritaires » et deviennent le critère unique de choix de nombre d'infirmières. « Il est probable qu'à l'avenir, l'attractivité de la profession se jouera moins sur [la] dimension altruiste et de plus en plus sur ses atouts en termes d'accomplissement professionnel, de déroulement de carrière, de conditions de travail et de rémunération », résume le rapport de l'ONDPS.

Aversion et attraction

L'enquête européenne pointe les facteurs qui interviennent dans les départs prématurés de la profession d'un nombre non négligeable d'infirmières et qui ne peuvent qu'influer, en amont, sur les opinions - jamais étudiées globalement - des soignants vis-à-vis des différentes disciplines. Lorsqu'elles souhaitent quitter leur établissement, les infirmières avancent plusieurs raisons : manque de soutien psychologique, personnel en nombre insuffisant, attentes professionnelles non satisfaites, pression du temps, dégradation des conditions de soins et manque de temps pour les soins, pour les plus fréquentes (entre 42 et 40 %). Ces griefs se retrouvent-ils plus dans certains services que dans d'autres ? Les témoignages l'évoquent mais l'étude ne le dit pas. En tout cas, les efforts déployés par les responsables hospitaliers pour résoudre leurs difficultés de recrutement ne portent pas sur certaines disciplines en particulier mais sur les établissements dans leur globalité.

C'est le choix qui a été fait au centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency. Quand Danielle Cadet, directrice des soins, a été chargée de recruter sur les postes vacants, elle dit « ne pas avoir voulu favoriser un service plutôt qu'un autre mais faire en sorte que chacun ait son dû de reconnaissance ». La politique de recrutement tous azimuts (même via les panneaux lumineux des villes) s'est associé à une meilleure communication sur les actions menées et un « énorme travail » sur les projets professionnels. Au final, le rapport entre départs et arrivées s'est inversé entre 2003 et 2005. Danielle Cadet constate aujourd'hui qu'il n'y a plus de poste vacant. « Un luxe » avant une série de départs en retraite et même si les secteurs gériatrie, psychiatrie et nuit sont les moins faciles à pourvoir. Revers de la médaille : cette politique a un coût répercuté sur les finances de l'hôpital.

Une démarche participative a présidé à l'élaboration du projet social et du projet de soins : « chaque équipe a défini les valeurs qu'elle souhaitait défendre pour le patient, l'équipe et l'institution », note Danielle Cadet. Le soin personnalisé, la qualité et la sécurité des soins, le développement des compétences, l'information, la formation et la recherche y sont inscrits ainsi que le respect à la personne et la solidarité. « Cela donne du sens au travail et contribue à la fidélisation » du personnel, souligne-t-elle. Les échanges au sein des équipes et entre services ont été multipliés à cette occasion et une nouvelle dynamique d'encadrement, centrée sur l'information, s'est développée.

Jouer sur l'attractivité

Une attention particulière est accordée au déroulement des carrières. « Si un agent veut être affecté à un nouveau service, note Danielle Cadet, il peut y passer trois jours. Ce temps est comptabilisé en temps de formation continue. » La formation a aussi été développée, y compris en psychiatrie. Pour elle qui a découvert la richesse de la gériatrie après avoir quitté les urgences, il faut montrer aux agents qu'ils peuvent être amenés à travailler dans un service ou un autre. La désaffection pour certaines disciplines relève plus selon elle du leitmotiv que de la réalité. « Depuis les 35 heures, d'une manière générale, on n'a plus le même rapport au travail, on compte beaucoup plus le temps, souligne Danielle Cadet, également présidente de l'Association française des directeurs de soins (AFDS). Et puis, il n'y a pas eu de création de postes à la hauteur des besoins créés. » Du coup, on gagne du temps sur ce qui ne relève pas du soin(3) et les transmissions sont mieux organisées. « On peut toujours gagner en organisation », insiste-t-elle.

Aux Magnolias, hôpital privé (PSPH) gériatrique de Ballainvilliers (91), des postes de secrétaires hospitalières ont été créés pour libérer le temps infirmier de certaines tâches administratives, un projet de service a été mis en place ainsi qu'une politique « très réactive » de remplacement en cas d'atteinte de l'effectif minimum défini avec les services. Avec des résultats positifs sur le recrutement et l'absentéisme !

Profil de carrière

Le secteur personnes âgées du groupe privé commercial Orpea a aussi déployé une politique de ressources humaines dynamique afin d'attirer soignants et infirmières. « Un protocole d'intégration régit l'arrivée des nouvelles recrues, suivies et évaluées en interne à l'issue de leur période d'essai », explique le Dr Linda Benattar, directrice médicale en gériatrie. Les horaires sont adaptés à la vie de famille et un profil de carrière est présenté dès l'embauche : Orpea a mis l'accent sur la formation (mini-formations internes, formation validante pour aides-soignantes souhaitant devenir infirmières, VAE ou formation au management). Même jeunes, les salariés participent au tutorat des étudiants « et se mobilisent pour qu'ils restent », ajoute la directrice médicale. Chacun dispose d'une fiche de poste et d'un plan de travail précis, les infirmières, « chevilles ouvrières de la démarche qualité », contribuent à la définition des protocoles de prise en charge et des plans de soins. Des balises qui permettent, selon elle, de ne pas perdre d'information : « C'est rassurant ! ». La crainte de faire des erreurs est souvent avancée comme motif d'insatisfaction dans l'étude Presst-Next. De plus, tous les salariés ont été invités à prendre part à la définition des sept valeurs qu'ils attribuent à leur métier. Ce travail a abouti à la rédaction d'une charte dans chaque établissement, et une semaine dédiée à chaque valeur est organisée. Les attentes des résidents ont aussi été synthétisées sous la forme d'un engagement affiché dans tous les établissements et qui fait l'objet d'un baromètre de satisfaction et de plans d'actions...

Management participatif

La pédiatrie ne figure pas dans le peloton des disciplines les moins demandées. Mais l'hôpital Trousseau, aux prises avec de trop nombreux départs, a pris des mesures d'amélioration de son attractivité et de fidélisation qui ont porté leurs fruits (baisse des départs de 50 % en 3 ans) et semblent transposables. « Ces départs induisaient des pertes de savoir, de compétences et de qualité des soins énormes et donc des coûts importants. Ils avaient aussi abouti à une taylorisation du travail, estime Catherine Duboys Fresney, directrice des soins. Les infirmières faisaient des soins techniques et la relation d'aide en pâtissait, au prix d'une insatisfaction de tout le personnel. » Ici encore, l'accent a été mis sur le recrutement, avec une routine précise et efficace, l'intégration des nouveaux lors d'une journée d'accueil et d'un stage d'intégration de trois semaines assorti de cours sur les spécificités des soins pédiatriques, de l'organisation et des techniques dans les services. Des « conférences du savoir » sont organisées et les valeurs du soin en pédiatrie ont été travaillées service par service. La synthèse de ce travail a servi de socle au projet de soins. « Les candidats que nous recevons sont emballés par ce projet de soins, souligne-t-elle. Il affirme qu'ils ont des capacités, qu'on a besoin d'eux. Il est clair, formalisé, structuré et il affiche une philosophie de soin humaniste qui correspond à leurs motivations. » D'autant qu'il mise aussi sur l'autonomie et la responsabilité des personnels : par exemple, les infirmières sont invitées à s'exprimer davantage et ce sont elles qui gèrent les plannings à partir des règles définies par les cadres. Enfin, une journée d'innovation et de valorisation du personnel a été instaurée l'année dernière pour souligner l'apport des différentes actions engagées dans le service.

Certains directeurs de soins et cadres imaginent donc des solutions aux difficultés de recrutement et aux départs de soignants en misant sur leurs projets professionnels et leur aspiration grandissante pour des conditions de travail moins difficiles mais aussi sur l'émulation et la responsabilisation. La mise en place des pôles offre l'opportunité de remettre à plat les organisations. Aux établissements de la saisir pour (re)devenir des lieux où il fera bon travailler.

1- Centre de recherche médecine, sciences, santé et société.

2- La Crise des professions de santé, Jean de Kervasdoué, 2003.

3- Par exemple, les livraisons se font dans les services, l'enregistrement des entrées est établi en direct...

À retenir

L'aversion des infirmières pour telle discipline dessine deux ensembles : celles qui cherchent la relation et celles qui préfèrent la technique. Mais, la qualité des conditions de travail est devenue la priorité. Insuffisantes sur le marché du travail, donc en position de force dans les zones en déficit, elles obligent les responsables hospitaliers à mettre en oeuvre des moyens pour les attirer et les faire rester. Protocoles d'accueil, mobilité et formation, management participatif et mise en cohérence des soins...

témoignages

ELLES ONT CHANGÉ D'AVIS

Blandine (diplômée en mai 2004),

travaille en réanimation pédiatrique.

« Avant même d'entrer à l'Ifsi, je ne voulais surtout pas travailler en pédiatrie. Je pensais que ce serait trop difficile de voir souffrir des enfants. Et puis, le stage obligatoire en pédiatrie avec des patients atteints de maladies chroniques m'a fait changer d'avis. J'avais pourtant très peur d'y aller car ces enfants étaient très demandeurs mais l'ambiance du service, très bonne, m'a fait voir cette discipline sous un autre jour, moins dramatique... Il y avait beaucoup de communication avec les parents. Finalement, l'intérêt professionnel a pris le pas sur la charge émotionnelle. »

Marion (diplômée en novembre 2005),

travaille en dermatologie.

« Pendant mes études, j'ai eu de bonnes surprises. J'appréhendais beaucoup le stage en réanimation et en fait, j'ai été agréablement surprise. J'aime avoir le temps de tisser une relation de confiance avec le patient alors je me demandais ce qu'elle allait pouvoir être avec des patients sédatés, intubés. Certains ne voyaient que le côté technique du soin. C'est un combat de tous les jours pour ne pas se laisser envahir par la technique et oublier le patient. Mais j'ai découvert avec surprise qu'on peut communiquer avec lui, par la voix, le toucher... »

En savoir plus

> Le rapport Presst-Next (France) sur Internet : http://www.webisis.com/docs/Brochure_PRESST-NEXT.pdf.

> « Analyse de trois professions, sages-femmes, infirmières, manipulateurs d'électroradiologie médicale », tome 3 du rapport 2004 de l'Observatoire national des professions de santé, La Documentation française, 2004.

insatisfaction

PRESST-NEXT DIT POURQUOI

L'enquête européenne Presst-Next s'est attachée à comprendre les raisons du départ des soignants. En France, les motifs d'insatisfaction les plus souvent avancés concernent le manque de soutien psychologique au travail (66 %), des temps de chevauchement trop courts pour les transmissions (54 %), de mauvaises conditions physiques de travail (52 %), la difficulté à délivrer des soins adéquats (49 %), le niveau de salaire (44 %), l'insuffisance des perspectives professionnelles (37 %) et la mauvaise utilisation de leurs compétences (36,7 %). Les auteurs de cette étude soulignent également la crainte de l'erreur, qui pèse fortement sur les soignants, faute d'information sur les techniques ou de cadre aux soins. Mais l'étude révèle surtout une forte demande de soutien psychologique. Elle insiste sur plusieurs pistes d'amélioration : favoriser les échanges entre professionnels, promouvoir l'esprit d'équipe, accompagner les nouveaux par le tutorat, rapprocher les cadres des soignants, encourager la cohérence des soins, favoriser la santé au travail et développer « la mise en oeuvre participative d'améliorations », à laquelle les « démarches locales de progrès » soutenues par le fonds de prévention de la CNRACL peuvent contribuer. Mais, les démarches participatives n'ont véritablement fonctionné que lorsqu'il existait parmi les partenaires une « culture » de la concertation.

initiative

POUVOIR MAGNÉTIQUE...

Un hôpital « magnétique » qui recruterait suffisamment d'infirmières grâce à son pouvoir d'attraction... Un rêve ? Le concept de Magnet Hospitals est apparu aux États-Unis pendant une période de forte pénurie infirmière. Il se fonde sur le « leadership infirmier » (diagnostic infirmier notamment) et l'excellence des prestations pour attirer et fidéliser les personnels et créer un sentiment d'appartenance. Cette démarche n'existe « pas encore » en France, constatent le Dr Madeleine Estryn-Béhar (responsable du service central de médecine du travail de l'AP-HP) et Jean-François Négri (directeur des soins, vice-président de l'Anfiide et directeur de l'Institut de soins infirmiers supérieurs). Cependant, la question de l'attractivité des hôpitaux est essentielle et, pour Jean-François Négri, elle se pose plus au niveau de tout l'établissement qu'à celui d'un type de service. « Quand on a des problèmes de recrutement, c'est un processus sans fin, souligne-t-il. Les arrêts de travail se multiplient, puis ce sont les départs. Les infirmières savent qu'à 50 km la situation est différente. » Avec Madeleine Estryn-Béhar et Olivier Le Nézet, il propose dans un article(1) à paraître plusieurs pistes d'actions qui, sans calquer le concept de Magnet Hospitals, pourraient contribuer à attirer les soignants : améliorer les conditions et l'ambiance de travail par la communication entre soignants et avec la hiérarchie, travailler sur les horaires, etc.

1- Le concept de « Magnet Hospitals, Évaluation sur les 15 CHG et CHU de l'étude Presst-Next », M. Estryn-Béhar, J.-F. Négri, O. Le Nézet.

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