Diabète et exercice physique - L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006

 

endocrinologie

Conduites à tenir

Grâce à l'activité physique, les personnes diabétiques peuvent mieux contrôler leur glycémie, réduire leur insulinorésistance, améliorer leur santé cardiovasculaire, maintenir leur poids et éviter de nombreuses complications(1). Un exercice physique régulier ou au quotidien constitue un élément essentiel de leur traitement.

L'EXERCICE PHYSIQUE, POURQUOI ?

De nombreuses études montrent que des niveaux modérés ou élevés d'exercice physique et cardiorespiratoire sont associés à une réduction considérable des taux de mortalité et de morbidité. Par exemple, il a été observé lors d'une étude de cohorte portant sur le diabète de type 1 (DID), que le taux de mortalité sur 7 ans était 50 % moins élevé chez les sujets ayant dépensé au moins 2 000 kcal par semaine (l'équivalent d'au moins 7 heures de marche rapide) comparativement à ceux ayant dépensé moins de 1 000 kcal dans le même temps(2). Des études similaires portant sur le diabète de type 2 (DNID) montrent une baisse de 45 à 70 % de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité globale sur une période de 12 à 14 ans. Par ailleurs, les études épidémiologiques attestent que le DNID est deux fois plus fréquent dans les populations urbaines sédentaires que dans les populations rurales actives. Quant aux études de prévention, elles ont prouvé qu'il est possible de prévenir ou retarder l'apparition du DNID chez les personnes à risque grâce à un programme d'activité physique structuré et prolongé(3). Au-delà de ces arguments épidémiologiques, il est important d'encourager les patients diabétiques à faire quotidiennement de l'exercice physique pour des raisons physiopathologiques et cliniques.

Arguments physiopathologiques. Très importants pour le métabolisme du glucose, les muscles oxydent et stockent environ 70 % des sucres ingérés. Chez le diabétique inactif, le sucre n'est ni correctement assimilé (par défaut de production d'insuline par le pancréas) ni régulièrement dépensé. Il s'accumule, entraînant l'augmentation de la glycémie. L'exercice physique permet à l'inverse de mieux utiliser le sucre au niveau des muscles et de diminuer les besoins en insuline (le sucre entre plus vite et en plus grande quantité dans les cellules pour une quantité plus faible d'insuline)(4).

Arguments cliniques. Par ailleurs, l'activité physique a un effet hypoglycémiant net pour un effort soutenu d'au moins 30 minutes(3). Il est important de le rappeler aux diabétiques de type 2. Ces derniers ont souvent tendance à oublier que la pratique d'une activité physique fait partie intégrante de leur traitement. Les activités d'endurance (marche à un rythme soutenu, natation, vélo de promenade ou d'appartement, danse...) doivent être privilégiées car elles agissent sur l'ensemble des paramètres du syndrome d'insulinorésistance et en particulier sur ses conséquences cardiovasculaires (HTA) et métaboliques (baisse des triglycérides et du LDL cholestérol, augmentation du HDL2-cholestérol). L'effet hypoglycémiant de l'exercice physique peut facilement être évalué par le patient grâce à l'autosurveillance glycémique avant et après l'effort (une à deux heures après). Cette pratique, particulièrement importante pour les diabétiques traités par insuline, vaut aussi pour les diabétiques de type 2, car elle permet d'adapter le traitement à la demande et favorise un bon équilibre glycémique.

EXERCICE PHYSIQUE ET DID

Règles de base. La glycémie idéale pour commencer un effort sportif se situe entre 1,30 g et 2 g. « Au-dessus de 2 g, précise le Pr Vexiau, chef du service de diabétologie-endocrinologie de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), il convient de renoncer à l'activité prévue ou de la retarder car la carence en insuline dont témoigne l'hyperglycémie va entraîner une surconsommation de graisses, alors seule source d'énergie. Cela va conduire à l'augmentation du catabolisme du tissu adipeux à une hyperproduction de corps cétonique avec un risque de cétose, voire d'acidocétose. » Si la glycémie est inférieure à 1,30 g, il faut prendre une collation afin de remonter la glycémie à ce niveau avant de commencer l'activité sportive. Ce postulat acquis, le diabétique insulinodépendant doit apprendre à connaître l'influence exercée par l'activité physique sur sa glycémie en réalisant son profil glycémique à l'effort. Celui-ci peut être obtenu en pratiquant à plusieurs reprises une glycémie capillaire :

- avant l'exercice ;

- toutes les heures si l'exercice dure ;

- à l'arrêt de l'exercice ;

- une à deux heures après, « voire plus tardivement, ajoute le Pr Vexiau, car, en cas d'effort prolongé, l'organisme va reconstituer ses réserves musculaires en glycogène à partir du glucose circulant dans les heures qui vont suivre, ce qui peut entraîner des hypoglycémies trois à six heures après l'activité physique ».

Lorsque le patient connaît bien ses réactions à l'effort, il peut espacer ces contrôles mais doit renouveler ce protocole complet régulièrement pour vérifier que son profil glycémique n'évolue pas, en particulier si l'intensité du sport pratiqué augmente. Ceci est indispensable pour prévenir les crises d'hypoglycémie en adaptant les doses d'insuline et en prenant, si nécessaire, quelques précautions sur le plan alimentaire.

Adaptation de l'insulinothérapie. La pratique soutenue d'une activité physique entraîne une diminution des besoins en insuline, justifiant d'adapter les injections d'insuline de la manière suivante :

- baisser la dose d'insuline précédant l'activité sportive de 4 à 8 unités, voire de moitié (procéder par tâtonnement) ;

- faire l'injection 2 à 3 heures avant l'exercice musculaire et avant le dernier repas ;

- diminuer la dose qui suit l'effort car l'augmentation du transport intramusculaire du glucose (effet hypoglycémiant) persiste 6 à 12 heures après un effort suffisamment intense ;

- ne pas réaliser l'injection dans la zone la plus soumise à l'activité physique.

Précautions alimentaires. En cas d'exercice physique prolongé (> à 45 min) ou de compétition, l'alimentation du DT1 doit être adaptée de la manière suivante :

- enrichir le repas de la veille au soir en sucre lents (riz, pâtes ou céréales) pour restaurer les réserves ;

- prendre 3 heures avant l'exercice un repas léger pauvre en graisses et en sucres rapides mais comportant des sucres lents pour compléter les réserves. Il est important de respecter ce délai car la déviation du sang vers la région intestinale est incompatible avec une performance physique de haut niveau ;

- absorber des sucres rapides (15 à 30 g) dès le début de l'effort et durant l'effort à intervalles réguliers (30 à 45 min) en fonction des glycémies capillaires contrôlées au doigt toutes les 30 minutes environ. Pendant l'effort, la glycémie doit être maintenue au-dessus de 1,30 g ;

- à la fin de l'effort, prendre une ration de boisson sucrée avec une boisson bicarbonatée (Vichy, Badoit...) pour éviter l'hypoglycémie et les crampes durant la récupération. Enrichir aussi le repas suivant en sucres lents pour reconstituer les réserves.

En cas d'exercice plus modeste, on peut se contenter d'un petit déjeuner complet avec des sucres variés d'action rapide et prolongée associés à des protéines (oeuf ou jambon) et des graisses (beurre ou fromage). Un exercice modéré de courte durée (15 à 20 min) peut être fait après le repas sans précautions particulières. Dans tous les cas (DT1 ou DT2), la pratique d'un sport, quelle qu'en soit l'intensité, doit toujours être précédée d'un échauffement non violent de 5 à 10 minutes et suivie d'un arrêt progressif jusqu'à normalisation du rythme cardiaque.

EXERCICE PHYSIQUE ET DNID

Le traitement du diabétique de type 2 repose non seulement sur la diététique et les hypoglycémiants oraux, mais aussi et surtout sur une activité physique régulière. Celle-ci doit être médicalement encadrée afin de s'assurer préalablement que le patient ne présente pas un risque de maladie cardiovasculaire ou une pathologie susceptible de s'aggraver à l'effort (cf. encadré). Les soignants doivent aussi vérifier que certaines règles et consignes sont acquises.

L'activité physique n'a d'intérêt thérapeutique que si elle est suffisante et régulière. En pratique, cela doit se traduire par au moins 30 minutes d'exercice comportant une suée (jogging par exemple) ou une heure de vélo ou encore deux heures de marche trois fois par semaine au minimum. Chez les personnes âgées ou ayant une surcharge pondérale importante, la prescription initiale de trois séances de kinésithérapie hebdomadaire pendant quelques mois permet de favoriser l'acquisition d'une pratique « réflexe » de l'activité physique. Pour être durable, celle-ci ne doit pas seulement être associée à un effort de volonté mais procurer du plaisir et du bien-être.

Les sports d'endurance doivent être privilégiés par rapport aux sports de résistance comportant une activité physique violente (anaérobie contre-indiquée en cas d'HTA isolée). En général, il doit être possible de continuer à parler durant l'exercice.

La plupart des sulfamides hypoglycémiants ont une durée d'action suffisamment prolongée pour permettre leur administration en deux prises, voire une seule prise. Ils sont par ailleurs souvent responsables d'hypoglycémie en fin d'après-midi y compris si la glycémie du matin est élevée (2 g/l par exemple). Il est donc indispensable d'aménager le traitement en fonction du nombre de prises, du profil glycémique et du type d'activité pratiquée. Cet aménagement doit être réalisé en relation avec le médecin à l'aide des relevés glycémiques répertoriés sur un carnet d'autosurveillance mentionnant par ailleurs les éventuelles modifications alimentaires et les périodes d'activité physique. Ensuite, le patient pourra lui-même diminuer la posologie des hypoglycémiants dans les périodes d'activité quotidienne importante (vacances par exemple) ou à la demande en fonction de l'intensité de l'activité pratiquée plus régulièrement.

Avoir toujours à disposition trois sucres (éventuellement renouvelables, donc six dans la poche) à prendre immédiatement en cas de malaise hypoglycémique.

« En tout état de cause, quel que soit le type de diabète, conclut le Pr Vexiau, il est fondamental que le patient choisisse une activité physique qui lui plaise car, dans le cas contraire, c'est l'abandon assuré. »

1- À lui seul, le sucre peut être responsable de complications telles que la microangiopathie (atteinte des petits vaisseaux avec rétinopathie, glomérulopathie, neuropathie diabétique). Associé à d'autres facteurs (HTA, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, surcharge pondérale, tabagisme, stress, sédentarité, vieillissement), il peut entraîner des complications cardiovasculaires et macroangiopathiques (insuffisance coronarienne, artérite des membres inférieurs, accidents vasculaires cérébraux).

2- Source : http://www.diabets.ca/cpgfrancais/downloads/

Lactivitephysique.pdf.

3- Source : Guide pratique du diabète, 2e édition actualisée, André Grimaldi et coll., Masson.

4- L'insuline est un médiateur indispensable à la pénétration du sucre dans les cellules des organes. Seul le cerveau fait exception à la règle.

Exercice physique et diabète : les prérequis médicaux

Lorsque le diabétique (DNID en particulier) est âgé de plus de 50 ans et fumeur ou lorsqu'il présente deux facteurs de risque (HTA, antécédents de maladies cardiovasculaires...) associés au diabète, il est important de réaliser un bilan cardiaque (ECG d'effort, voire scintigraphie myocardique) avant de conseiller la pratique ou la reprise soutenue d'un sport(1). Il convient également de réaliser un examen du fond d'oeil pour écarter la présence d'une rétinopathie proliférante qui contre-indiquerait temporairement les activités physiques violentes susceptibles de déclencher une hémorragie rétinienne. D'une manière générale, les sports dangereux ou comportant des efforts brefs et intenses sont déconseillés après 40 ans. Enfin, l'examen des pieds doit être rigoureux afin d'écarter une artérite ou une neuropathie susceptible de causer des blessures indolores pouvant évoluer rapidement à l'insu du patient.

1- Source : Guide pratique du diabète, 2e édition actualisée, André Grimaldi et coll., Masson.