Esprit d'éthique - L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006

 

Formation

Éthique

Si l'éthique fait partie intégrante de l'enseignement initial dispensé en Ifsi, l'offre de formation continue demeure pauvre et géographiquement très inégale.

Comment évoquer l'ivg, la greffe d'organe, la réanimation... sans aborder le questionnement éthique que recouvrent ces pratiques ? Tout soin, tout acte et toute prise en charge comporte deux questions essentielles - pourquoi ? et comment ? -, fondements de l'éthique soignante.

un état d'esprit

De fait, ces dimensions du soin sont approchées de manière transversale dans les cours dispensés au sein des Ifsi. Mais, depuis 1992, l'éthique fait également l'objet d'un enseignement inclus dans un module spécifique, aux côtés de la législation et de l'organisation du travail. « Nous y consacrons une soixantaine d'heures au total, indique Florence Picot-Taillardas, cadre de santé et formatrice à l'Ifsi d'Auxerre, qui anime ce module. Cette approche pose les bases de ce qu'est l'éthique au regard des valeurs morales, des règles déontologiques et du droit. L'objectif est de faire en sorte que les étudiants acquièrent des connaissances théoriques communes. »

Dans la pratique, cet enseignement est fondé sur la réflexion, le débat et l'étude de cas afin de faire émerger ce qui relève de l'éthique et, a contrario, ce qui n'en relève pas. « Cela dit, ajoute la formatrice, l'éthique est d'abord un état d'esprit. Je note d'ailleurs que certains étudiants sont naturellement inscrits dans cette démarche, même s'ils formulent leurs questionnements de manière différente de la nôtre. »

donner envie

D'autres y seraient moins sensibles, selon Florence Picot-Taillardas. « À nous de leur donner envie, dit-elle. Au cours de ces trois ans de formation, ils ont avant tout soif d'engranger un savoir technique alors que l'éthique est d'abord une pratique qui suppose une confrontation directe. C'est quand ils sont dans un service que cette dimension leur apparaît. »

maigre choix

L'offre de formation continue pour les infirmières en poste est restreinte. Seules quelques universités (Paris, Lille, Marseille) et l'Espace éthique de l'AP-HP les accueillent dans le cadre de diplôme d'université, voire ensuite dans leur cursus licence-mastère-doctorat. De manière plus diffuse, mais ces initiatives sont formatrices, de nombreux établissements, notamment les CHU, organisent tout au long de l'année rencontres, conférences, colloques, consacrés aux enjeux éthiques et ouverts à tout soignant. Certains comités d'éthique locaux(1) mettent sur pied des journées de réflexion thématique.

Cependant, pour les quelque 450 000 infirmières en France, et dont nombre souhaiteraient approfondir et nourrir leur réflexion et enrichir leur pratique professionnelle, le choix est maigre. Bref, alors que les infirmières sont de plus en plus sollicitées sur la façon de penser le soin, il appartiendrait aux pouvoirs publics de s'interroger sur cette carence.

1- Cf. L'Infirmière magazine, n° 213, février 2006, p. 23.

TÉMOIN Pierrette Rivals

« L'éthique n'est pas qu'une affaire d'experts ! »

« Lorsque j'ai débuté, il y a plus de vingt ans, j'ai été troublée par certaines pratiques médicales et soignantes », explique Pierrette Rivals, infirmière volante au service de gériatrie de l'hôpital Broca et membre de l'équipe mobile gériatrique à l'hôpital Cochin. « J'ai longtemps cherché à formuler ce malaise et à vouloir construire une réflexion qui me permettrait d'organiser mes idées par rapport à ce ressenti. Je me suis donc engagée dans la formation universitaire de l'Espace éthique. » Après un DU, Pierrette Rivals prépare un mastère d'éthique. « Aujourd'hui, ces connaissances me permettent d'assumer pleinement ce qui relève du rôle propre de l'infirmière, m'aident à définir mes priorités de soignante. J'ai confiance dans mon jugement et pris conscience que mes propos étaient dignes d'être entendus. L'éthique n'est pas qu'une affaire d'experts. Elle nous concerne tous, car elle interroge ce que nous sommes, ce que l'on attend de soi et de son travail. Et quel regard nous posons sur l'autre. »