Mon beau miroir, dis-moi qui a le plus embelli ? - L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 215 du 01/04/2006

 

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Horizons

L'Embellie est une boutique dédiée aux femmes atteintes de cancer. Elles peuvent trouver dans ce lieu conçu par Anne Matalon, naguère victime de cette maladie, accessoires et vêtements à la mode, adaptés au traitement.

« Parce qu'une femme malade n'est pas que malade ! » Guidée par ce credo, Anne Matalon s'est lancée dans l'aventure de L'Embellie. Guérie d'un cancer des ovaires, cette ancienne chargée de communication veut changer de vie et repartir à zéro. « Mais, je ne voulais pas faire n'importe quoi. J'ai d'abord pensé à une association pour venir en aide aux malades du cancer dans les hôpitaux, explique cette femme qui déborde d'énergie et d'idées. Mais, c'était trop compliqué et surtout, je ne pouvais pas en vivre. » Elle se souvient alors quand, malade, elle a dû courir aux quatre coins de la ville pour trouver une perruque qui ne fasse pas trop « mémère », des chapeaux adaptés à la chute des cheveux ou du maquillage adéquat... Ces petits désagréments ont leur l'importance lorsqu'on est fatiguée par le traitement. En avril 2005, elle décide alors de créer L'Embellie, une boutique pour aider les femmes à mieux vivre le cancer.

plus coquette

« Pendant la maladie, on a envie de s'embellir, observe-t-elle. Le cancer nous enlaidit : on maigrit et on perd nos cheveux. On a envie d'aller dans l'autre sens. On est d'ailleurs souvent bien plus coquette qu'avant. Même si j'ai rencontré des personnes extraordinaires à l'hôpital, j'avais l'impression que le temps s'y arrêtait. Je voulais créer un lieu qui soit l'inverse de l'hôpital, un lieu empli de gaîté et de douceur. Mon objectif était donc de réunir, dans un lieu non médicalisé agréable, tous les accessoires pour oublier l'hôpital et rester féminine. »

Dans cette boutique lumineuse, on trouve en effet des perruques à des prix abordables et des prothèses mammaires que les clientes peuvent essayer dans des cabines isolées, aidées par Bénédicte, une orthopédiste embauchée deux mois après la création de L'Embellie. Sur les rayons, à droite, des maillots de bains et des soutiens-gorge « sexy », sont pendus aux côtés de vêtements colorés aux formes atypiques. Quelques mètres plus loin, c'est le coin « hôpital », un kit pour « être mieux à l'hôpital » (cf. encadré ci-contre) y est exposé avec une gamme d'accessoires utiles pour les longs séjours. En face, le rayon « chapeaux » regorge de châles, rubans, turbans, écharpes, foulards, tous plus chatoyants et originaux les uns que les autres.

soin des cheveux

Au fond de la boutique, une étagère est dédiée aux produits de beauté et au soin des cheveux avec des kits de maquillage pour redessiner les sourcils qui tombent et spécialement adaptés aux peaux sensibles fragilisées par les traitements. Enfin, sur la droite, une petite bibliothèque expose plaquettes d'informations, romans et témoignages pour se documenter sur la maladie.

Au centre de la pièce, une table et des fauteuils en velours très confortables, où l'on peut se reposer autour d'un thé. Marie-José vient d'ailleurs de s'y asseoir. C'est sa première visite dans la boutique. « J'avais à nouveau besoin d'une perruque, confie cette conceptrice pédagogique qui se bat contre un cancer du sein depuis quinze ans. Ce qui est appréciable, ici, c'est qu'on n'a pas l'impression d'être dans un magasin paramédical et surtout qu'on n'a pas besoin de raconter sa vie. On évite les attitudes blessantes. L'an dernier, lorsque je cherchais une perruque, j'ai été conseillée par un jeune homme qui semblait dégoûté de voir un crâne chauve, c'était plutôt désagréable. Ici, on sait que l'on est comprise. J'ai décidé de prendre une perruque plus féminine, cela m'a toujours plu, mais je n'ai jamais osé. Cette fois-ci, c'est l'occasion ! »

Derrière elle, Annick, 58 ans, en fin de traitement, scrute le rayon shampoing. « Je viens voir ce que l'on propose pour la repousse et l'entretien des cheveux, explique-t-elle en saisissant un flacon. Au départ, j'ai été très perturbée par la chute des cheveux. L'ablation du sein a été encore plus difficile. » Mais, à L'Embellie, les clientes ne viennent pas que pour « acheter ». C'est aussi un lieu de vie où l'on peut se confier ou participer aux ateliers, accessibles aux adhérentes de l'association : groupes d'échanges et de paroles, ateliers maquillage, autohypnose, art-thérapie, yoga, danse contemporaine, sophrologie... « Les ateliers maquillage pour apprendre à masquer ses cernes et sa pâleur remportent un franc succès », se réjouit Anne Matalon.

projets en commun

Patricia, 45 ans, vient juste de sortir de l'atelier sophrologie. Opérée en mai 2005, cette technicienne de laboratoire qui a découvert la boutique en octobre dernier, est depuis devenue une fidèle. « Je viens acheter de la lingerie, des prothèses, des maillots de bains... Mais, je viens surtout pour assister aux ateliers : ce sont de petits groupes de personnes, nos attentes sont identiques et nous sommes toutes sur la même longueur d'ondes. » Joëlle, une fidèle de la première heure ajoute : « C'est vraiment un endroit où on se sent bien. Cela permet aussi de rencontrer des gens et d'avoir des projets en commun : comme celui de l'exposition de photos. »

Une vingtaine de femmes se sont en effet mobilisées autour de cette belle initiative : publier dans un livre et exposer des photos de femmes touchées par un cancer. Un projet proposé par une jeune photographe toulousaine, Dominique Tépé, qui a immédiatement enthousiasmé Anne : « Être coquette, se maquiller, poser, dans une période où on se sent "sans image", c'est une manière aussi d'exister. »Joëlle se souvient : « Nous avons toutes apporté un vêtement, quelque chose qui a un sens pour nous, certaines ont posé torse nu avec un seul sein ». Patricia, qui a aussi participé avoue : « D'habitude, j'ai horreur d'être prise en photo. Mais, je me suis lancée, c'était un challenge ! »

Anne s'est prêtée au jeu. « Sur ces photos, on est embellies et ces clichés révèlent quelque chose de très vrai, c'est-à-dire quelque chose de nous. C'est une expérience très émouvante. »

lever le tabou du cancer

Une expérience émouvante et motivante : « Il s'est vraiment produit une émulation, un besoin de prouver des choses. Après un cancer, on n'a pas envie de retourner à "métro, boulot, dodo", on a besoin de se lancer des défis ! » affirme Anne. « On veut se recentrer sur des désirs qu'on n'avait pas su exploiter » ajoute Joëlle. En attendant de trouver un éditeur, les photos ont été exposées lors des Rencontres infirmières en oncologie organisées par l'Association française des infirmières en cancérologie (Afic) à la Maison de la Chimie. Une première victoire pour ces femmes en quête de challenge. Ce mois-ci, c'est aussi celui de la sortie d'Apprivoiser le crabe, un livre dans lequel Anne Matalon(1) dialogue avec sa cancérologue Elizabeth Lucchi-Angellier, chef de service à l'hôpital de Chartres sur la maladie, le soin, la relation patient-médecin. Dans cette boutique, on ne semble décidément pas manquer d'idées pour lever le tabou du cancer...

1- Anne Matalon est aussi l'auteur de Chimiofolies, HB éditions, 2000, un témoignage poétique sur sa chimiothérapie et de nombreux romans, dont Petit abécédaire des entreprises malheureuses, Alba Capra, Conférence au club des intimes.

zoom

« Mieux à l'hôpital »

Un des coins de la grande boutique colorée est consacré à l'hôpital ou « comment se créer une bulle à l'hôpital » : chauffe-tasse, tisane, trousses de toilette... Anne Matalon, qui a connu les désagréments du long séjour à l'hôpital, a pensé à tout. Elle a aussi eu l'idée de créer un kit « être mieux à l'hôpital ». Dans ce coffret, elle propose une série de petits gadgets pour rendre son séjour plus agréable. D'abord, un petit papier est glissé dans le joli sac de toilette, où sont listées toutes les choses à ne pas oublier avant de partir. On trouve aussi des boules Quiès, « utiles la nuit dans les services de réanimation où le bruit est incessant » et un masque pour se protéger les yeux de la lumière. Quand le temps paraît long, elle a aussi prévu une mini-radio avec écouteurs, un jeu de patience et « pour emporter avec soi ceux qu'on aime », un petit porte-photo. Dernière bonne idée : un carnet pour noter tout ce que l'on veut demander au médecin. Le prix du kit « être mieux à l'hôpital » varie entre 24 Euro(s) et 51 Euro(s) selon le sac choisi.

contact

L'Embellie, 29, boulevard Henri IV,

75004 Paris. Tél. : 01 42 74 36 33.

Ouverte du mardi au samedi

de 11 heures à 19 heures.

Internet : http://www.embellieboutique.com.