Comment évaluer l'efficacité d'un pansement ? - L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006

 

pansements

Modes opératoires

Bien utilisés et sauf rares exceptions, les pansements modernes sont tous susceptibles de nous aider à faire cicatriser une plaie. Trop souvent, ils sont jugés efficaces par les soignants sur des seuls critères subjectifs et des expériences passées. Les évaluations proposées par les différents laboratoires sont indicatives mais ne peuvent en aucun cas se substituer à notre propre jugement. En effet, elles mettent toujours en valeur le produit au profit d'une démarche commerciale.

Afin de se faire une opinion propre et choisir le produit qui répond le mieux à nos attentes, nous pouvons évaluer nous-mêmes ces pansements en prenant garde de ne pas tomber dans les petits pièges des non-initiés.

POSER UN OBJECTIF

On ne peut pas tout attendre d'un seul pansement.

L'objectif de l'évaluation doit être précis, au risque d'être restrictif. La construction de l'ensemble du travail d'observation (ou d'étude) est bâtie autour de lui.

Il est « l'objectif principal », sorte de « fil conducteur » de l'évaluation.

Exemple d'une évaluation sur un pansement à l'argent

- Objectif principal : traitement de l'infection locale de l'ulcère veineux.

Il peut être accompagné « d'objectifs secondaires ».

Exemple du pansement à l'argent

Objectifs secondaires : facilité d'utilisation, confort, souplesse, etc.

CHOISIR UN OU DES PARAMÈTRES D'EFFICACITÉ

Observer l'évolution d'une plaie par des commentaires libres dans le but d'en tirer des conclusions est bien souvent inexploitable.

Les paramètres d'évaluation doivent être déterminés avec méthode pour que les résultats puissent être analysés et comparés entre eux (sans variations interévaluateurs).

Exemple du pansement à l'argent

- Paramètre d'efficacité principal : prélèvement bactériologique avant et après 10 jours de soins.

- Paramètres d'efficacité secondaires : aspect local (par exemple : présence de pus), prise de température, photo...

IDENTIFIER UNE POPULATION HOMOGÈNE

L'évolution d'une plaie vers la cicatrisation (quand elle est possible !) dépend de son type, son site, ses facteurs associés de retard de cicatrisation, etc.

Afin de repérer si le produit est bel et bien efficace, l'évaluateur doit fonder son observation sur des patients et des plaies qui se ressemblent et qui devraient normalement avoir une évolution plus ou moins similaire. Il doit donc définir des critères d'inclusion et de non-inclusion (susceptibles de modifier les résultats).

Exemple du pansement à l'argent

- Critère d'inclusion : ulcère veineux infecté.

- Critères de non-inclusion : diabète, dénutrition, mauvaise compliance à la contention...

CHOISIR UN COMPARATIF

Le pansement évalué doit être comparé à un autre produit de référence.

Ainsi, il est possible de mettre en évidence ses bénéfices réels. Cette condition, pourtant logique, est très fréquemment oubliée.

Exemple du pansement à l'argent

- Choix 1 : pansement à l'argent versus application d'antiseptique (par exemple : dérivé iodé).

- Choix 2 : pansement à l'argent versus pansement aux nanocristaux d'argent.

ÉVALUER LE PRODUIT SUR UNE COHORTE DE PATIENTS

Un, deux ou trois cas cliniques ne suffisent pas à se faire une opinion, ils ne démontrent rien et ne font pas office de preuve. Pour contrer les biais liés au hasard et aux nombreux paramètres qui nous échappent, l'efficacité du produit doit être observée sur un nombre conséquent de malades.

Exemple du pansement à l'argent

- Pour diverses raisons (virulence des germes, mauvaise qualité des soins, etc.), l'infection locale a perduré sur les ulcères des trois premiers patients sur lesquelles vous aviez appliqué vos nouveaux pansements à l'argent. Vous faites le choix d'arrêter ici l'évaluation. Votre opinion est négative.

- Votre collègue continue à inclure des patients dans l'étude et c'est une réussite pour les quatre patients suivants. Elle n'a pas eu un seul échec. Son opinion est très positive.

- Conclusion : ni vous, ni votre collègue n'avez tort. Pour départager vos avis divergents, il est indispensable de poursuivre l'observation.

FAIRE PREUVE DE NEUTRALITÉ

Bien entendu, la motivation à tester l'efficacité de tel ou tel produit est souvent proportionnelle au bénéfice espéré. Cependant, il est important de conserver sa neutralité, tant vis-à-vis du malade que de soi-même, jusqu'à l'analyse des résultats. Trop d'optimisme peut là encore, par de petites choses, biaiser la qualité de l'évaluation.

Une évaluation bien conduite demande une préparation minutieuse, une disponibilité de temps et l'adhésion des malades. Des spécialistes (biostatisticiens, experts) peuvent fournir une aide méthodologique et pratique à l'élaboration et l'exploitation d'une étude, aussi modeste soit-elle.

Les fabricants sont aussi de précieux partenaires, mais l'initiative et l'analyse des résultats doivent tant que possible être réalisées par le clinicien (infirmière, médecin).

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