L'évaluation initiale d'une plaie chronique - L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006

 

pansements

Conduites à tenir

Évaluer rigoureusement une plaie chronique permet non seulement d'orienter efficacement la prise en charge du patient mais aussi de gagner du temps !

L'évaluation initiale d'une plaie chronique est une étape essentielle du soin afin de construire et orienter sa prise en charge, choisir le pansement adéquat et rédiger, dans un deuxième temps, des transmissions pertinentes. L'évaluation de la plaie s'effectue simultanément à l'évaluation globale du malade, l'un et l'autre étant indissociables et interactifs. Le temps consacré au recueil des informations peut paraître long, très long, trop long. Pourtant, cet investissement permet à terme de gagner du temps infirmier et... de cicatrisation.

RECUEIL DES INFORMATIONS

- Interrogatoire du patient : formel ou informel ;

- consultation du dossier infirmier ;

- consultation du dossier médical ;

- recueil d'informations auprès des différents intervenants et/ou spécialistes en charge du patient : infirmière (libérale), assistante sociale, kinésithérapeute, psychologue, etc.

PRISE EN CHARGE GLOBALE

Contexte social. Les informations liées au contexte social (Sécurité sociale, mutuelle, type d'habitation, vie maritale, etc.) sont recueillies afin d'évaluer les possibilités de :

- remboursement des pansements, produits et matériel nécessaires à la prise en charge ;

- adaptation du domicile aux besoins du patient porteur de plaies (par exemple : lit médicalisé avec matelas d'aide au traitement de l'escarre) ;

- participation d'un tiers (famille, amis).

Contexte psychologique. Le contexte psychologique (état d'esprit, anxiété, trouble psychiatrique, etc.) permet de prendre en compte :

- la présence d'une pathologie psychiatrique pouvant influer directement ou indirectement sur le processus de cicatrisation (par exemple : pathomimie, anorexie) ;

- les éléments anxiogènes (par exemple : les actes de détersion, la vue de la plaie) ;

- les répercussions psychologiques liées à la présence d'une lésion (par exemple : modification de l'image corporelle, impression de pourrissement).

Facteurs de retard de cicatrisation. Il importe de recenser ces facteurs (âge, prise médicamenteuse - corticoïdes par exemple - , tabac, baisse de la mobilité et des apports alimentaires, insuffisance veineuse et/ou artérielle, diabète, incontinence, etc.) afin de :

- corriger les facteurs en rapport direct avec la plaie (par exemple : si ulcère veineux et insuffisance veineuse, contention) ;

- définir les objectifs selon l'importance et le nombre de facteurs en cause.

INFORMATIONS RELATIVES À LA PLAIE

Histoire. Un ensemble de données (ancienneté, origine, traitements locaux appliqués, prise d'antibiotiques, acteurs des soins...) permet de :

- comprendre comment est apparue cette plaie et pourquoi elle s'est chronicisée (par exemple : défaut de soins, protocole non adapté, etc.) ;

- poser des objectifs réalistes en termes de temps, de capacité à cicatriser, etc. (ainsi, l'ancienneté est un facteur péjoratif de rapidité de cicatrisation) ;

- prévenir l'apparition de nouvelles plaies.

Gênes exprimées par le patient. Le patient peut exprimer certaines gênes : douleurs, odeurs, saignements, écoulements incontrôlés ou tout autre symptôme source de difficulté. Sa parole sera prise en considération et privilégiée, quelle que soit la perception soignante de la situation. Ainsi, les odeurs seront traitées si le patient s'en plaint, même si l'infirmière ne les perçoit pas.

Descriptif de la plaie.

- Site ;

- dimensions (longueur et largeur) ;

- profondeur ;

- décollement sous-cutané ;

- fistule ;

- exsudats : quantité, couleur ;

- saignements : spontanés, provoqués, abondance ;

- odeurs ;

- aspect : fibrine, nécrose, bourgeonnement... ;

- qualité de la peau périlésionnelle.

Diagnostic. La plaie a un nom (par exemple : ulcère) et parfois un prénom (par exemple : ulcère artériel). La définir avec précision via un diagnostic (avec l'aide d'un médecin ou d'un chirurgien) souligne la bonne compréhension de la situation.

RETRANSCRIPTION

Description écrite. Elle doit être synthétique, pertinente (inutile d'évoquer une insuffisance artérielle si la plaie se situe sur la tête), ciblée et précise.

Photo numérique. Pour que la photo soit exploitable, respecter des règles simples lors des différentes prises de vue :

- Prendre la photo perpendiculairement à la plaie ;

- Positionner le patient dans une même position (par exemple : escarre sacrée/décubitus latéral droit) ;

- Respecter les mêmes normes pour chaque photo (avec ou sans flash, etc.).

Échelle colorielle. Cet outil est simple et reproductible. Il permet d'observer la progression de la cicatrisation au premier coup d'oeil. La fréquence des évaluations est laissée à l'appréciation de l'équipe (bi-hebdomadaire, hebdoma- daire, etc.) :

- rouge : zone de bourgeonnement ;

- noire : zone de nécrose ;

- jaune : zone fibrineuse ;

- rose (optionnel) : zone d'épithélialisation.

Calque. Avec un film semi-perméable (par exemple : Tegaderm®), quadrillé ou non. Utiliser le même type de stylo pour dessiner le contour de la plaie (pointe fine/marqueur). Jeter la face en contact avec le patient et consigner l'autre dans le dossier de soins.

BILAN

Une évaluation initiale rigoureuse est le gage d'une prise en charge personnalisée et cohérente dès la première visite. Elle permet de mettre en évidence l'ensemble des problèmes et de faire des « liens » entre l'état général du patient et sa plaie chronique afin d'obtenir à terme des résultats positifs (cicatrisation, confort)