Les pansements - L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 217 du 01/06/2006

 

soins

Cours

Outil précieux de traitement de la plaie, le pansement peut avoir, selon les cas, une action cicatrisante, absorbante, désinfectante ou compressive. Encore faut-il l'utiliser à bon escient. Si le pansement prépare ou complète l'action du soignant, il ne la remplace pas.

Dans le traitement de la plaie, « faire un pansement » est une étape indispensable, mais « faire un soin » est bien plus efficace. Cette nuance est loin d'être une futilité. De la prise en charge globale à la qualité du geste technique, de la toilette à la fixation, chaque séquence du soin est importante afin d'obtenir le résultat escompté, qu'il soit défini en termes de guérison, de confort ou d'amélioration progressive. Les différents produits évoqués ici sont des outils précieux au service du malade et de l'infirmière, mais ne se suffisent pas à eux seuls. Ils améliorent la qualité de vie du patient (par exemple : les pansements au charbon qui filtrent les odeurs). Ils préparent ou complètent l'action du soignant (par exemple : les hydrogels, avant ou après détersion) mais ne la remplacent pas. Ils doivent être appliqués à bon escient.

GÉNÉRALITÉS

Cicatrisation. Cicatriser est un phénomène physiologique normal. Le retard ou l'arrêt de la cicatrisation d'une plaie signifie qu'un dysfonctionnement interne et/ou externe bloque ce processus. On distingue trois grandes phases de cicatrisation. Chacune d'elles peut être perturbée par un ou plusieurs facteurs de retard de cicatrisation.

Phase vasculaire et inflammatoire.

Physiologie. La phase vasculaire et inflammatoire débute par l'arrêt des saignements et la formation d'un caillot (l'hémostase) et se poursuit par le « nettoyage » (détersion) de la plaie.

Pathologie. Normalement rapide (environ quatre jours pour une plaie aiguë), la phase vasculaire et inflammatoire peut être retardée par un trouble de la coagulation, la présence de nécrose ou d'un corps étranger, un déficit immunitaire (par exemple : baisse des polynucléaires neutrophiles/aplasie), etc.

Phase de prolifération et de bourgeonnement.

Physiologie. Elle prend le relais de la période inflammatoire par comblement progressif de la plaie (formation d'un bourgeon charnu) jusqu'à sa fermeture (épithélialisation).

Cette période est extrêmement rapide si la plaie est suturée. Elle sera beaucoup plus longue dans les autres cas, proportionnellement au volume de la plaie (cf. photo ci-dessous).

Pathologie. Certains facteurs, tels que l'hypoxie (par exemple : insuffisance veineuse) ou l'anoxie (par exemple : insuffisance artérielle), vont ralentir le bourgeonnement, voire renvoyer à l'étape précédente. D'autres, tels que l'âge, un apport faible en protéine, le tabagisme, l'infection, l'hyperpression, etc., vont ralentir ce processus.

Phase de remodelage cicatriciel.

Physiologie. C'est l'étape la plus longue... et la plus oubliée. En effet, une fois la plaie fermée (par plusieurs couches de kératinocytes), la peau cicatricielle doit finir doucement sa maturation car elle n'a ni mélanocytes ni pores ; elle est mal irriguée, etc. Tout cela prend du temps, de une à deux années.

Pathologie. Pendant cette période peuvent se développer des cicatrices hypertrophiques, chéloïdes ou retractiles (cf. photo ci-dessous). Certaines sont liées au type même de la plaie (par exemple : rétractiles, après des brûlures étendues), d'autres à des facteurs plus aléatoires comme pour les chéloïdes (type de peau, site de la plaie, etc.).

Prise en charge complexe. Ce rappel synthétique (et non exhaustif) de la physiopathologie de la cicatrisation révèle la complexité de la prise en charge d'une plaie. On comprend vite combien il serait utopique et réducteur de croire qu'un pansement suffit à faire cicatriser et permettre de sauter d'une étape à l'autre, de la détersion à la cicatrisation ad integrum !

Concepts. Impossible de parler des produits sans faire référence à quelques concepts.

Cicatrisation en milieu humide. Pour cicatriser, le lit de la plaie a besoin d'un milieu humide contrôlé. C'est-à-dire : apporter de l'humidité si la plaie est trop sèche et absorber raisonnablement les exsudats s'ils sont trop abondants. Ce fait a été démontré une première fois par M. Winter en 1962 et a largement fait ses preuves depuis.

Respect de l'écologie microbienne. Les plaies, et plus encore les plaies chroniques, sont naturellement colonisées par des germes. Sans signe avéré d'infection (rougeur, chaleur, odeur, douleur, etc.), cette écologie microbienne doit être respectée. Comme le disait très justement le docteur Vilain : « paix sur la plaie aux germes de bonne volonté ».

Laver, ôter ce qui est sale. La toilette, réalisée par le patient ou par un soignant, est l'alpha du soin. C'est l'étape indispensable du traitement de la plaie. Sauf exception (par exemple : brûlure du 3e ou 4e degré), elle est réalisée à l'eau, le plus souvent sous la douche.

Les souillures, débris et dépôts nécrotiques, doivent être retirés manuellement afin de prévenir l'infection, l'apparition d'odeurs, l'altération de l'état local et permettre ainsi la bonne poursuite du processus de cicatrisation. Aucun produit ne dispense d'une action mécanique.

PANSEMENTS

Il devient difficile de tous les connaître et de les classer tant ils sont nombreux. En pleine expansion ces dernières années, le marché nous offre une extrême diversité (« deux en un », formes ergonomiques et gadgets en tout genre). À chaque soignant de choisir les produits et de s'adapter aux besoins des malades dont il a la charge. En effet, deux infirmières travaillant dans deux secteurs d'activités différents peuvent avoir des exigences très variées.

Par exemple : face aux plaies tumorales, un soignant en oncologie va utiliser des pansements non adhésifs car la périphérie de ces lésions est extrêmement fragile. A contrario, une infirmière qui soigne principalement des ulcères veineux va préférer les mêmes produits, sous leur forme adhésive.

Classification.

Plaie exsudative. La plaie coule. Ces écoulements sont clairs, couleur citrin, pratiquement inodores. Ils doivent être respectés, absorbés afin de ne pas provoquer d'inconfort ou de macérations, tout en laissant le lit de la plaie humide, en contact avec ces exsudats. Parfois, ils peuvent être colorés par des souillures (par exemple : selles).

Pour ce faire, différents pansements absorbants sont disponibles :

- les hydrocolloïdes : peu absorbants ;

- les hydrocellulaires, alginates, hydrofibre : très absorbants.

- les pansements américains : absorbants mais adhérents (ajouter un pansement primaire).

Leurs capacités respectives d'absorption dépendent de leur épaisseur, leur composition et leur marque.

Bien sûr, si les écoulements deviennent épais, opaques, verts ou encore bleutés par une colonisation critique ou une infection (pus), la seule action de régulation des exsudats est alors insuffisante. Il faudra drainer ou traiter l'infection (traitement local et/ou par voie générale).

Plaie hémorragique. Si les saignements sont provoqués par le soin, nous nous orienterons vers des pansements non traumatiques aptes à respecter la susceptibilité des bourgeons de la plaie lors de sa réfection, tels que :

- les interfaces ou pansements gras : neutres (vaseline, paraffine) ou associés à une substance qui renforce leur fonction non traumatique et évite aussi les macérations liées aux corps gras (colloïde, silicone) ;

- les pansements non adhérents : hydrocellulaires, hydrofibre (qui doit être humidifié avant le retrait si besoin).

Si les saignements sont spontanés (entre deux réfections de pansement), nous appliquerons des pansements hémostatiques ou « à propriété hémostatique » :

- alginates ;

- hémostatiques purs.

Plaie infectée. La plaie est purulente, inflammatoire en périphérie, chaude. Elle se dégrade. Il faut alors surveiller la température du patient afin de s'assurer qu'il n'a pas de fièvre et l'interroger sur l'éventuelle apparition de douleurs.

Attention ! Fièvre +/- douleurs = avis médical.

Inutile de penser au type de pansement à appliquer tant que la plaie n'a pas été correctement nettoyée (compresse, douchette, sous pression à la seringue, cf. photo ci-contre), puis évaluée. Sauf rares exceptions, la détersion des dépôts nécrotiques et fibrineux doit être particulièrement minutieuse dans ce contexte. L'infirmière s'assure aussi qu'il n'y a pas de collection de pus et/ou complications autres qui expliqueraient cette infection.

Attention ! Collection +/- risque septique majeur (par exemple : présence de matériel) = avis chirurgical et/ou médical.

Une fois toutes ces actions mises en oeuvre, et selon l'état local, les produits disponibles, le type de lésion (creusée, fistulisée, plane, exsudative, sèche, etc.), les traitements généraux (antibiotiques) et les facteurs de risque associés (par exemple : immunodépression), nous pouvons utiliser :

- des pansements neutres qui vont drainer les écoulements purulents de la plaie et, de ce fait, agir sur l'infection : alginate, hydrofibre, irrigo-absorbant ;

- des antiseptiques ;

- des pansements aux ions argent, bactéricides. Selon les fabricants, ils sont associés à un alginate, un hydrofibre, un hydrocellulaire ou du charbon ;

- des interfaces ou crèmes imprégnées de sulfadiazine argentique dont l'action bactériostatique du sulfamide s'additionne à l'action bactéricide de l'argent. Ces produits sont initialement indiqués dans le traitement des brûlures ;

- des pansements aux nanocristaux d'argent, associés ou non à un alginate (la nanotechnologie permet ici de renforcer l'activité bactéricide de l'argent).

Bien sûr, l'efficacité de ces différents produits dépend de leur concentration, leur bonne utilisation (par exemple : pas de sérum physiologique avec l'argent nanocristallin), la pertinence de leur choix selon les symptômes de la plaie (par exemple : un « argent-alginate » n'agira pas sur une lésion sèche).

Plaie malodorante. La plaie sent mauvais. Les odeurs peuvent venir :

- du pansement lui-même (par exemple : hydrocolloïde) ;

- d'un défaut d'hygiène corporelle lié à la présence de la plaie ;

- d'une infection de la plaie ;

- de la nature de la plaie elle-même (par exemple : nécrose tumorale).

Là encore, il est nécessaire d'agir sur la cause avant d'y pallier avec un pansement : hygiène et éducation du patient (par exemple : prise de douche), nettoyage, détersion, traitement d'une éventuelle infection, modification de la fréquence des soins, etc. Si les odeurs persistent et gênent le patient (et son entourage), les pansements au charbon sont alors conseillés. Le charbon actif contenu dans ces produits va agir tel un « filtre d'odeurs ». Ces produits peuvent être associés à une matière absorbante ou de l'argent.

Dans le cas très particulier des plaies malodorantes en phase terminale d'une maladie, on peut être amené à administrer au patient du métrodinazole (Flagyl®, Tiberal®, Rosex®) par voie générale ou en application locale. Cet antibiotique, actif sur les germes anaérobies responsables d'odeurs nauséabondes, offre un confort rapide mais éphémère.

Attention ! Cette utilisation locale d'antibiotique est une exception dans la prise en charge des plaies. Nous sommes ici dans le cadre des soins palliatifs.

Plaie nécrotique. La plaie est noire (nécrose sèche) ou jaune foncée (nécrose humide). Ces tissus dévitalisés constituent un milieu idéal pour la prolifération bactérienne et rend toute cicatrisation utopique. Il faut donc les retirer.

Si la nécrose est trop sèche, trop dure, il est possible de la ramollir 24 à 48 heures avant la détersion mécanique avec :

- des compresses humides (l'humidité doit être constante et importante) ;

- un hydrogel sous forme gel ou plaque ;

- un pansement irrigo-absorbant.

Si la détersion manuelle n'a été que partielle, ces mêmes produits peuvent continuer à être appliqués jusqu'à l'obtention de tissus sains sur la totalité du lit de la plaie. En effet, leur forte concentration en eau contribue au décollement des dépôts nécrotiques et fibrineux résiduels. C'est ce qui est appelé la détersion autolytique.

Attention ! Certaines plaies échappent à cette règle. Pour exemples : les plaies tumorales avec risque hémorragique, les ulcères artériels en absence de revascularisation possible (on doit alors apposer un pansement sec afin d'obtenir une démarcation et une momification de la partie morte).

Plaie sèche. La plaie est sèche ou croûteuse. Certes, elle est propre, mais le processus de cicatrisation semble ralenti, voire stoppé. Il est donc nécessaire d'apporter de l'humidité. Pour ce faire, il est possible d'appliquer :

- des compresses humides (l'humidité doit être constante et importante) ;

- des interfaces ou pansements gras, associés ou non à du silicone ou de l'hydrocolloïde ;

- des hydrocellulaires gel ;

- des hydrogels ;

- des hydrocolloïdes sous forme de pâte ou plaque (film, épaisse ou ergonomique) ;

- des produits à base d'acide hyaluronique qui, sous couvert d'un apport quotidien, vont stimuler la cicatrisation. Ils existent sous forme de compresse, crème (tube, flacon pressurisé), éventuellement associés à un pansement hydrocolloïde.

Peau périlésionnelle irritée. Autour de la plaie, la peau peut s'abîmer par le biais de multiples facteurs : macération, irritation liée à la fixation (mécanique, allergique), fragilité (par exemple : peau irradiée), etc. Une fois de plus, avant de parler de produits, il faudra s'assurer que :

- l'entretien de la peau est de qualité : hygiène (savon doux, séchage minutieux, changes réguliers), application d'hydratant ou d'émollient sur le corps et en périphérie de la lésion ;

- le choix du pansement a été refléchi en fonction de la plaie et de son pourtour. Par exemple : absorbant si exsudats importants, fixation non adhésive si peau à risque, etc.

Si ces mesures ne suffisent pas, il est possible d'appliquer :

- des protecteurs cutanés sous forme de crème ou solution filmogène ;

- des hydrocolloïdes.

Attention ! Eczéma de contact ou allergie = avis médical ou dermatologique (cf. tableau des produits p. XI).

Les pansements modernes décrits ici sont les plus courants, à l'hôpital comme au domicile. Mais l'arsenal thérapeutique au service du traitement des plaies est bien plus vaste encore, avec des matériaux qui commencent à être connus tels que le VAC (pour Vaccum Assited Closure - fermeture sous vide qui consiste en une pression négative), ou d'autres plus perfectionnés encore tels que les facteurs de croissance, la culture cellulaire, etc. Même si ce n'est pas l'objet de cet article, il est important de connaître leur existence. Elle signe la richesse, la diversité et les perspectives dans le domaine de la prise en charge des plaies.

CONTINUITÉ DES SOINS

Notion récente d'apparence un peu vague, la continuité des soins évoque un lien, une absence de rupture. Lien entre la ville et l'hôpital par exemple, ou plus précisément entre le médecin qui établit un protocole pour ce patient porteur d'un mal perforant plantaire et l'infirmière libérale qui va l'effectuer tous les jours ; entre le chirurgien qui prescrit la chaussure et le podologue qui la fabrique ; ou encore, au sein d'un même service, entre l'infirmière de jour qui réalise le pansement et l'infirmière de nuit qui peut, elle aussi, être amenée à le refaire. Tous ces acteurs, qu'ils fassent ou non partie de structures organisées, sont concernés par cette notion de continuité qui appelle avant tout une idée de cohérence.

Cohérence dans le choix du protocole. Le protocole de soins définit une conduite à tenir : nettoyage de la plaie, choix ou non d'utiliser un antiseptique, pansements primaire et secondaire, mode de fixation et fréquence de réfection des pansements. Bien sûr, tous ces paramètres sont décidés en fonction de la plaie, mais aussi du patient, de son mode de vie, de la douleur qu'il ressent, de son état général, de sa compliance, des désagréments qu'il évoque (esthétique, odeurs, etc.). Le prescripteur doit tenir compte des informations transmises par l'entourage (soignant ou non), la famille ou le patient lui-même afin d'établir une prescription efficace et adaptée.

Cohérence dans la durée. Un protocole mis en place par un soignant doit être maintenu et respecté, même si le soignant qui prend le relais estime qu'il aurait, de son point de vue, fait différemment. Il n'y a pas qu'une seule et « bonne » façon de réaliser les soins. Par exemple, en phase de détersion, une première infirmière peut préférer s'aider d'alginate, une deuxième d'hydrofibre et une troisième d'hydrogel, sans que personne n'ait pour autant raison ou tort. Il faut laisser le temps au protocole d'agir. Changer de produit en permanence risque de ralentir le processus de guérison et créer la confusion. Si la cicatrisation stagne, si la peau périlésionnelle souffre (par exemple : eczéma de contact), personne ne peut alors savoir si c'est imputable à tel ou tel produit. Est-ce le protocole choisi qui n'est pas le bon ? Mais lequel ?

Communiquer ! Cette rupture dans le soin est délétère pour la plaie en elle-même. Mais qu'en est-il du patient ? Celui-ci sort de la consultation avec le chirurgien, qui lui a bien expliqué toute la stratégie de soin que nous avons évoquée. Il rentre chez lui et achète tout le matériel à la pharmacie. Mais, le lendemain, son infirmière libérale lui annonce que le pansement cité n'est pas adapté à sa plaie et qu'il vaut mieux choisir un autre produit. Qui croire ? En qui peut-il avoir confiance ? Bien sûr, l'infirmière le connaît mieux et est habituée à faire de nombreux pansements, mais le chirurgien n'est-il pas un spécialiste ? Et que va-t-il dire à la prochaine consultation ?

Sécuriser le patient. Cette décision de modifier un protocole, fréquemment observée en ville comme à l'hôpital, est très anxiogène pour le patient. Comment peut-il sentir autour de lui que les soignants travaillent de façon cohérente pour l'amener à la guérison ?

Bien sûr, les prescriptions ne sont pas toujours bien libellées, pas suffisamment détaillées, ne tiennent pas toujours compte des données environnementales du patient ou des besoins de l'infirmière. Mais ne vaudrait-il pas mieux pour le patient entendre : « J'ai appelé votre médecin pour lui demander ce qu'il pensait de... et nous avons décidé... » ? Celui-ci se sent en sécurité, il peut alors adhérer au soin, mieux en supporter les inconvénients et l'effet sur sa guérison est évidemment positif. Notons par ailleurs et de façon rapide que respecter un protocole de soin, c'est bien sûr en limiter le coût.

Se concerter. Tout est donc ici affaire de communication. Décider ensemble, se concerter, avoir un maximum de données objectives pour juger de l'évolution d'une plaie afin de laisser le moins de place possible à l'aléatoire d'une appréciation subjective, faire circuler les informations... toutes ces actions sont impératives pour maintenir la continuité des soins qui conditionne la qualité d'une prise en charge.

Transmettre. Un courrier, un courriel ou un appel téléphonique vont permettre au soignant de faire des transmissions au prescripteur. Celles-ci lui sont indispensables car il ne voit le patient qu'en un temps donné. Il n'a donc pas tous les éléments nécessaires pour juger, par exemple, comment la peau réagit à tel pansement, le retentissement psychologique sur le patient, etc. Dans l'autre sens, bien sûr, il est obligatoire que le médecin ou l'infirmière hospitalière communique aux infirmières du domicile leur point de vue sur l'état de la plaie, l'objectif des soins et les moyens mis en place pour y arriver afin de ne pas positionner le patient en seul intermédiaire entre le secteur hospitalier et la ville (« Il a dit qu'il fallait gratter »).

Collecter. De la même façon, le dossier de soins et la fiche de pansement sont, en ville comme dans les services, des supports plus que nécessaires. Le protocole et l'évolution de la plaie y sont consignés. Ainsi, l'infirmière de nuit qui doit refaire le pansement parce qu'il est délité sait à quoi se référer et ne se retrouve pas seule à décider de ce qu'elle doit utiliser.

De plus en plus, aujourd'hui, la spécialité des plaies et cicatrisations s'organise (en ville et à l'hôpital) pour pouvoir assurer toute l'intendance nécessaire à la continuité des soins. Les consultations à l'hôpital comme les réseaux en ville se mettent en place et améliorent cet échange d'informations. Mais plus encore, ils facilitent l'échange de savoirs. Car le domaine des plaies et cicatrisations reste encore malheureusement une science très opaque pour certains soignants. Il semble que la formation soit une priorité pour parvenir à maintenir la continuité des soins dans toutes les structures existantes.

Recherche clinique

La recherche clinique infirmière sur les pansements peut sembler bien éloignée de nos problèmes quotidiens. Pourtant, à la différence des médicaments, la mise sur le marché d'un pansement n'est pas soumise aussi rigoureusement à l'obligation d'études et de recherche clinique (pas d'AMM, marquage CE). Le niveau de preuve de l'efficacité de certains produits est donc faible. La recherche clinique, effectuée en partenariat avec les fabricants, permet d'offrir une garantie de la qualité des soins. Elle ne s'improvise pas et représente un travail contraignant. Cependant, la satisfaction d'obtenir des résultats fiables et objectifs récompense très largement l'effort fourni.

I. Fromantin

Plaies et isolements

La question des isolements par rapport aux plaies est la même que pour tout autre soin : quelles sont les conduites à tenir en matière d'hygiène pour éviter la transmission de germes ? On pense toujours à isoler un patient et à prendre des précautions dès qu'on le sait porteur d'une bactérie multirésistante, mais on oublie ceux qui ne sont pas étiquetés comme tels et qui peuvent pourtant être des sources de contamination.

> Précautions standard

Il faut avoir une démarche logique et respecter en tout premier lieu les principes de base appelés : « précautions standard »(1). C'est-à-dire les mesures à prendre pour tout patient en cas de risque et/ou de contact avec le sang et les liquides biologiques : hygiène des mains, port de matériel de protection adapté à chaque cas (gants, surblouse, lunettes, etc.), désinfection du matériel, traitement des déchets, etc.

> Précautions spécifiques

Certaines situations particulières nécessitent la mise en place de protections supplémentaires appelées « précautions spécifiques ». Elles doivent faire l'objet d'une concertation au cas par cas, avec l'aide de spécialistes au besoin (hygiéniste, bactériologiste). Pour les plaies suintantes, comme la transmission se fait en général par contact, l'isolement septique de type « contact »(2) est préconisé. Rappelons que la mise en place et la levée d'un isolement relève de la prescription médicale.

M. Generau

1- Circulaire DGS/DH - N° 98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d'agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé.

2- Cf. Recommandations d'isolement septique en établissement de soins, ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Centre technique national des infections nosocomiales, Société française d'hygiène hospitalière, 1998.

Les hydrojets

Le nettoyage et la détersion des plaies par jet d'eau sous haute pression se développent à l'hôpital. Ces techniques sont précises, rapides et efficaces. Elles tendent à accélérer la vitesse de cicatrisation en réduisant la durée de la phase de détersion. Le Jetox® et le Debritom® peuvent aisément être utilisés par des soignants aguerris, au lit du malade ou en soins externes. Le Versajet®, plus puissant, est destiné aux chirurgiens, au bloc opératoire. Mais quelle que soit la technique, les résultats semblent prometteurs, tant en termes de durée que de qualité de cicatrisation.

I. Fromantin

Les sets de soins

Les premiers sets de pansements sont développés depuis un peu plus de cinq ans. Ils ont été créés sur le même modèle que les sets de sondage et de perfusion, pour offrir une alternative aux pinces en métal, dont la gestion hospitalière et en ville était très lourde. Ils se sont depuis diversifiés considérablement et leur utilisation est avant tout libérale. On retrouve maintenant des sets adaptés à pratiquement tout type de plaie : ulcères, escarres, plaies nécrotiques, plaies cavitaires, etc. Le matériel y est mis à disposition pour l'ensemble du soin (nettoyage, gants et/ou pinces, compresses et/ou pansements primaire et secondaire, sacs poubelles, etc.). Les sets garantissent au soignant l'assurance d'un matériel disponible, stérile et entièrement remboursé.

A. Grappin

Colonisation et infection

La colonisation d'une plaie chronique est banale. Les germes sont présents sur la plaie, sans pour autant entraîner de complications infectieuses et retards de cicatrisation. Comment imaginer l'absence de germes sur une escarre sacrée, près de l'anus et, donc, des selles ? La peau n'est pas stérile. Une lésion qui persiste dans le temps ne le sera pas non plus. Elle doit être maintenue propre, lavée abondamment à l'eau savonneuse ou au sérum physiologique. La colonisation doit être surveillée cliniquement par l'infirmière, car une infection (ou une colonisation critique) peut apparaître.

À retenir : ne pas stigmatiser la présence de germes et traiter systématiquement les plaies par habitude ou mesure de précaution. Cette attitude peut être délétère et agressive pour le lit de la plaie.

I. Fromantin