Dialyse et nutrition - L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006

 

néphrologie

Conduites à tenir

Certains conseils nutritionnels peuvent permettre aux patients dialysés d'appliquer les restrictions alimentaires indispensables sans privations excessives.

Respecter un régime diététique particulier est incontournable lorsqu'on est sous dialyse car certains constituants et produits de dégradation des aliments (potassium, phosphore, sodium, urée) que le rein draine et évacue lorsqu'il fonctionne normalement, ne sont plus éliminés. Ces « déchets » peuvent s'accumuler dans l'organisme et imposent au dialysé d'adapter son alimentation et de respecter certaines restrictions.

APPORTS EN LIQUIDES

70 à 80% des patients hémodialysés n'urinent plus ou quasiment plus (diurèse résiduelle < 60 ml/j). Ils doivent réduire leurs apports en boisson car en cas d'excès, l'eau s'accumule dans les tissus, engendre une prise de poids dangereuse pour le coeur à long terme et provoque des oedèmes. L'hémodialyse (HD) corrige cette surcharge mais elle ne peut drainer en une séance qu'une quantité modérée d'eau. Au-delà d'une ultrafiltration horaire comprise entre 0,7 et 0,8 l/h (soit entre 2,8 l et 3,2 l pour 4 heures de dialyse), le patient s'expose à des risques d'hypotension, de malaise, de nausées, de vomissements et de crampes.

Les pertes liées à la respiration et la transpiration étant limitées et la quantité d'eau absorbée par l'alimentation (entre 500 et 800 ml) incompressible (il ne faut surtout pas la réduire), le seul moyen de ne pas surcharger l'organisme en eau consiste à réduire les apports hydriques en adaptant chaque jour la quantité de boisson à la diurèse résiduelle : 1/2 litre d'eau/j en cas d'anurie et un volume de boisson équivalent au volume uriné/j + 1/2 litre de liquide lors de diurèse résiduelle. Ces restrictions sont difficiles à respecter car ces patients ont souvent soif.

Quelques conseils :

- Limiter les sodas très sucrés ;

- Boire par petites quantités réparties dans la journée ;

- Se vaporiser le visage ;

- Sucer des glaçons aromatisés au citron ;

- Mâcher du chewing-gum à la menthe glaciale ;

- Préférer les vins cuits aux alcools nécessitant une adjonction d'eau importante ;

- Éviter les boissons riches en sodium et/ou en potassium (risque de surcharge hydrosodée et/ou d'hyperkaliémie) : jus de fruits, potages prêts à l'emploi.

RÉDUIRE LES ALIMENTS RICHES EN POTASSIUM

Chez les insuffisants rénaux chroniques (IRC), le potassium n'est plus éliminé. Il s'accumule dans le sang et entraîne une hyperkaliémie à l'origine de troubles musculaires, de palpitations, voire d'arrêt cardiaque. Il faut donc en contrôler rigoureusement les apports en évitant les aliments qui en sont les plus riches :

- légumes secs, fruits secs, oléagineux ;

- certains légumes frais (radis noirs, champignons crus, épinards, fenouil, bettes...) ;

- certains fruits (bananes, châtaignes...) ;

- chocolat, cacao, boissons instantanées, beurre d'arachide, ketchup, aliments avec substitut de sel (sel de potassium).

Tous les fruits frais et les légumes sont riches en potassium mais leurs qualités nutritionnelles (vitamines, sels minéraux) imposent de ne pas les exclure de l'alimentation. Le patient doit apprendre les quantités optimales qu'il peut consommer par jour. Il peut réduire les apports en potassium de ces aliments en mangeant les fruits cuits plutôt que crus, en utilisant des légumes surgelés ou en préférant la cuisson à l'eau. Si l'alimentation ne suffit pas à normaliser la kaliémie, un traitement à base de résine échange aux ions (Kayexalate®) peut être prescrit 1 à 2 fois par jour. Il doit être pris en fin de repas lorsque la concentration en potassium dans l'intestin est la plus forte.

APPORTS EN PHOSPHORE

Le patient IRC qui ne surveille pas ses apports alimentaires est exposé à un risque d'hyperphosphorémie (HPP) définie par un taux de phosphore dans le sang supérieur à 60 mg/l, soit 1,8 mmol. L'HPP est associée à un risque de mortalité très élevé par dépôts de calcifications phosphocalciques au niveau des articulations, des muscles, des valves cardiaques et des vaisseaux sanguins. En associant un régime restrictif en phosphore aux séances d'HD, on peut rétablir l'équilibre phosphocalcique. Toutefois, réduire arbitrairement le phosphore reviendrait à se priver des protéines dont l'apport est indispensable. L'apport journalier en phosphore doit être compris entre 800 mg et 1 g (apport nutritionnel conseillé = 1,5 à 1,6 g/j). En pratique, il est conseillé de :

- privilégier les viandes et les poissons ;

- préférer les laitages, les fromages frais et à pâte molle aux fromages à pâte dure ;

- éviter abats, crustacés, coquillages... ;

- limiter les céréales complètes et les charcuteries industrielles ;

- préférer les boissons « light », deux fois moins riches en phosphore que leur équivalent non allégé.

Une aide médicamenteuse à base de chélateurs intestinaux du phosphore (Calcidia®, Eucalcic®, Caltrate®, Orocal®) favorise l'élimination du phosphore et limite les restrictions. Ils doivent être pris impérativement au moment des repas. Ces médicaments (carbonate de calcium) présentent un risque de calcification vasculaire. De ce fait, on leur préfère maintenant les chélateurs non calciques (sevelamer, carbonate de lanthane), nouveaux médicaments sans calcium.

LIMITER LE SODIUM

Ne pouvant être éliminé par les reins, le sel retenu dans le corps stimule la soif, favorise la rétention des liquides et la prise de poids entre deux séances de dialyse. En outre, il entretient ou aggrave l'hypertension artérielle, fréquente chez les hémodialysés.

Le régime standard du dialysé doit donc être très peu salé : moins de 4 g apportés exclusivement par l'alimentation en cas d'hypertension modérée à sévère ; jusqu'à 6 g par jour si la tension n'est pas trop élevée.

En pratique, cela signifie : cuisiner sans sel ; éviter de manger trop de pain ; éviter les aliments riches en sel (conserves, condiments, préparations industrielles...), les boissons gazeuses, les jus de légumes, la sauce de soja, les cubes aromatiques pour bouillon, le viandox ; utiliser plutôt des légumes verts frais ou surgelés et des pommes de terre préparées maison ; ne pas utiliser de sel de régime car il contient du potassium.

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