L'insuffisance rénale chronique - L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006

 

néphrologie

Cours

Sous-diagnostiquée et sous-traitée avant un stade évolué de la maladie, l'insuffisance rénale chronique est souvent prise en charge tardivement. Il convient d'optimiser le dépistage et l'offre de soins afin de ralentir la progression de la maladie, de retarder et d'optimiser le recours aux traitements de suppléance et d'améliorer la qualité de vie des patients.

En 2003, plus de 50 000 personnes, dont 58,4 % d'hommes âgés pour les deux tiers (64,5 %) de plus de 60 ans, étaient traitées pour une insuffisance rénale chronique (IRC) soit par dialyse (60 %) soit par greffe (40 %)(1). Toutefois, ce chiffre ne reflète que partiellement la réalité épidémiologique de cette maladie dont l'évolution, longtemps asymptomatique, ne permet pas de comptabiliser avec précision le nombre de patients présentant une insuffisance rénale chronique.

Néanmoins, une estimation fournie par les laboratoires de biologie à partir des dosages de la créatinémie indique que deux millions de personnes présentent une créatinémie anormale signant théoriquement une IRC. « Ces chiffres doivent être relativisés, indique le Pr Deteix, chef du service de néphrologie du CHU de Clermont-Ferrand, non seulement parce que la créatinémie, considérée isolément et sans prise en compte de la masse musculaire, n'est pas significative après 65 ans, mais aussi parce que les laboratoires n'ont pas toujours toutes les données (poids du malade notamment) pour les apprécier correctement. »

Pour autant, force est d'admettre qu'une partie des patients présentant une IRC débutante ou peu évoluée (stade 2 ou 3) échappent au diagnostic. Une situation en tous points dommageable, car l'IRC est irréversible et expose les patients à des traitements lourds très péjoratifs en termes de qualité de vie et très coûteux pour l'Assurance maladie (l'IRC représente près de 2 % des dépenses de santé).

Raison pour laquelle le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a décidé « d'inclure la prévention et la détection précoce de l'IRC dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération ».

UNE MALADIE LENTEMENT ÉVOLUTIVE

Diminution permanente et définitive du débit de filtration glomérulaire (DFG). L'IRC est définie par l'altération progressive et irréversible de la filtration glomérulaire. Cette dégradation est responsable d'une perte d'autonomie métabolique à un stade avancé de la maladie. Elle est caractérisée par une diminution permanente et définitive du débit de filtration glomérulaire objectivée par la mesure de la clairance de la créatinine. Cette mesure permet de définir 5 stades d'IRC (cf. encadré p. IV).

Elle est calculée à partir de la créatininémie selon la formule de Cockcroft et Gault(2). Celle-ci donne une estimation de la filtration glomérulaire en fonction du poids, de l'âge et du sexe, plus précise que le dosage isolé de la créatininémie. Un DFG inférieur à 90 ml/min pour 1,73 m2 de surface corporelle signe une insuffisance rénale chronique qui peut être ou non associée à des marqueurs d'atteinte rénale biologiques et/ou histologiques et/ou à des anomalies morphologiques (cf. encadré p. V).

Des lésions sclérosantes à la « mort rénale ». Une fois installée, l'IRC évolue progressivement, entraînant une réduction de la masse néphronique active(3). Pendant un certain temps, les néphrons résiduels suppléent ce déficit par une amplification fonctionnelle individuelle qui provoque à terme des lésions sclérosantes (glomérulosclérose, angiosclérose, fibrose interstitielle) responsables de l'aggravation de l'IRC. Au stade ultime de sa progression, l'IRC aboutit à la « mort rénale », ce qui est rarissime car un traitement de suppléance extra-rénal est généralement instauré à temps (en phase 5).

Complications. « Malheureusement, dans 30 à 40 % des cas, la prise en charge en dialyse s'effectue dans l'urgence ce qui représente une perte de chance et des souffrances supplémentaires pour les patients », commente Sylvie Mercier, vice-présidente de la Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux (Fnair)(4). De fait, « ce retard ne permet pas une gestion optimale des méthodes de suppléance et expose le patient dialysé à de nombreuses complications (infectieuses notamment) directement liées au manque de préparation et à la précipitation », ajoute le Pr Deteix. Des complications d'autant plus difficiles à gérer que les patients sont de plus en plus âgés et parfois dépendants et polypathologiques.

Dépistage précoce. Ceci montre l'importance de dépister précocement l'insuffisance rénale chez les sujets à risque afin d'instaurer un traitement néphroprotecteur et conservateur visant à freiner la progression de l'IRC, retarder la dialyse et préparer les patients psychologiquement et physiquement.

CIBLER LES PATIENTS À RISQUE

Facteurs de risque. Outre l'hypertension artérielle, les facteurs de risque d'IRC les plus fréquents sont le diabète, principalement de type 2, l'insuffisance cardiaque, les pathologies coronariennes et vasculaires périphériques et les néphropathies héréditaires (polykystose rénale par exemple).

L'enquête Sros-IRCT 2003 réalisée sur quatre régions et plus de deux mille patients IRC montre que deux patients sur trois en moyenne et quatre sur cinq chez les sujets âgés de plus de 75 ans ont au moins une comorbidité associée au moment de l'initiation du traitement de suppléance. Un quart des patients (24,6 %) présentent un diabète, 19,7 % une artérite des membres inférieurs, 18,1 % une insuffisance cardiaque et 16 % une obésité (IMC [indice de masse corporelle] : > 30 kg/m2).

Surveillance régulière. Par conséquent, tous les patients présentant l'une de ces pathologies doivent bénéficier d'une surveillance particulière visant à maîtriser l'hypertension artérielle, la cholestérolémie et la glycémie. « Il est également très important de surveiller de façon rapprochée les patients polymédicamentés et/ou recevant des traitements potentiellement néphrotoxiques (produits de contraste utilisés en radiologie, AINS - anti-inflammatoires non stéroïdiens -, lithium - troubles bipolaires -, certains antibiotiques tels que les aminosides) pouvant induire une défaillance rénale aiguë, subaiguë ou chronique », ajoute le Pr Deteix.

Si, selon les recommandations de la Société de néphrologie, tous ces patients à risque bénéficiaient d'une surveillance régulière, voire systématique, de la créatinine plasmatique (une fois par an après 65 ans ou tous les deux ans en fonction de l'importance du risque), la découverte précoce de l'IRC permettrait d'optimiser les moyens médicaux capables de ralentir sa progression et de différer le recours à la dialyse.

RALENTIR LA PROGRESSION

Suivi. Bien qu'irréversible, l'évolution de l'IRC peut en effet être contrôlée notamment par un bon équilibre glycémique chez le diabétique et un bon contrôle de la pression artérielle chez l'hypertendu.

Des travaux de recherche ont mis en évidence le rôle central du système rénine angiotensine dans l'évolution de l'IRC et ont montré qu'il existait des facteurs de progression non spécifiques (hypertension artérielle, apports protidiques) dont la correction permettait de ralentir la dégradation des fonctions rénales(5).

Ainsi, pour être efficace, il convient selon les dernières recommandations de la Haute auto- rité de santé (HAS), de corriger ou de maintenir la pression artérielle en dessous de 130/80 mmHg (125/75 mmHg en cas de protéinurie élevée), de lever les obstacles susceptibles d'entraver le fonctionnement rénal et de réduire les apports protidiques par un régime adapté aux besoins du patient et au degré de son insuffisance rénale.

Maintien de la pression artérielle. « Le maintien de la pression artérielle à des valeurs normales améliore souvent les fonctions rénales dans les néphropathies vasculaires, confirme le Dr Yannick Le Meur, service de néphrologie du CHU Dupuytren (Limoges). De même, le traitement chirurgical d'une malformation, d'un obstacle urologique chronique ou d'une lithiase ou encore l'éradication d'un foyer infectieux des voies urinaires, permettent souvent de stabiliser la dégradation des fonctions rénales dans les néphropathies interstitielles d'évolution lente. »(6)

Apport protidique. Il est également important d'éviter la surcharge en protéines dans l'alimentation, surtout dans les premiers stades de l'IRC.

« Il n'est pas rare de voir des patients stade 2 ou 3, qui absorbent entre 1,5 et 2 g/kg/j de protéines, ce qui représente un facteur d'aggravation de l'IRC indiscutable, souligne le Pr Deteix. En revanche, lorsque l'IRC s'aggrave (stade 4 et 5), les patients ont tendance à se dénutrir, ce qui impose de revoir la prise en charge diététique pour maintenir les apports protéino-énergétiques à un niveau suffisant. »

Actuellement, les recommandations concernant les apports en protéines sont de 1 g par kg de poids corporel par jour (il est important de ne pas donner moins de 0,8 g/kg/j).

Une façon simple d'apprécier l'apport protidique et de savoir si le patient observe son régime, consiste à doser l'urée urinaire sur 24 heures (16 mmol soit 1 g d'urée proviennent de l'apport alimentaire de 3 g de protides).

Apport calorique. Quant à l'apport calorique, il doit toujours être supérieur à 35 calories/kg/j pour ne pas augmenter le catabolisme des protéines endogènes.

Traitements antihypertenseurs. Parallèlement, la progression de l'IRC peut également être freinée par la prescription d'un traitement inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou d'un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine (ARA2). Ces traitements antihypertenseurs ont, l'un comme l'autre, un effet mécanique sur le glomérule et la pression intraglomérulaire. Ils ont également pour effet de diminuer la protéinurie. Ils peuvent ainsi être prescrits pour réduire la protéinurie et ralentir la dégradation de la fonction rénale y compris chez des patients non hypertendus.

Lorsque la protéinurie reste élevée sous monothérapie, il est possible d'associer un IEC et un ARA2, voire en cas d'échec, une autre classe thérapeutique sur avis spécialisé. Si, par ces moyens, l'objectif ciblé (pression artérielle = 130/80 mmHg, protéinurie < 0,5g/j) est atteint, le traitement et la surveillance doivent être poursuivis.

En revanche, si la pression artérielle est supérieure à cet objectif et que le traitement et la restriction sodée sont bien observés, un diurétique peut éventuellement être associé aux traitements initiaux.

En cas de protéinurie supérieure à 0,5 g/j, les recommandations de la HAS indiquent d'augmenter progressivement la posologie si le traitement est bien toléré cliniquement (risque de réaction allergique, toux sèche rebelle, agueusie, hypotension) et biologiquement (risque d'hyperkaliémie et de neutropénie).

TRAITEMENTS DE SUPPLÉANCE

Si, malgré ces dispositions, l'IRC s'aggrave sévèrement (DFG proche de 15 ml/min), la mise en oeuvre d'un traitement de suppléance (dialyse ou transplantation) devient incontournable. À défaut, les patients mettraient leur pronostic vital en jeu en s'exposant à des complications graves (polynévrite, péricardite) et, au pire, à une crise d'urémie mortelle. Faute de greffons, 96,8 % des patients en IRC terminale sont traités en première intention par épuration extra-rénale ou rein artificiel.

Techniques de dialyse. La suppléance doit être débutée lorsque la clairance de la créatinine est inférieure à 15 ml/min et que les premières manifestations cliniques du syndrome d'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) apparaissent (cf. encadré ci-contre). Les reins n'assurant plus leur rôle de filtration et d'épuration, les malades doivent se soumettre trois fois par semaine à des séances de dialyse durant en moyenne quatre à cinq heures. Certains patients peuvent également avoir accès à la dialyse quotidienne sur cinq ou six jours à raison de deux heures de dialyse par jour(7).

La dialyse peut être réalisée selon deux méthodes : l'hémodialyse, qui fait appel à un rein artificiel, et la dialyse péritonéale. En 2003, sur les 31 000 patients en dialyse, 82 % bénéficiaient d'une hémodialyse et 14,8 % d'une dialyse péritonéale.

Hémodialyse. Le rein artificiel (dialyseur) est chargé d'évacuer l'urée, la créatinine et les autres déchets qui, non éliminés par les reins, se sont accumulés dans le sang. Il doit également rétablir le taux normal des différents électrolytes (sodium, potassium, calcium...) qui assurent l'équilibre ionique du patient.

Ainsi, le sang du patient prélevé à partir de la ligne artérielle de la fistule artérioveineuse (cf. encadré p. VII) est épuré et régénéré avant d'être réinjecté au patient par la ligne veineuse. Les transferts entre le sang et le bain de dialyse sont réalisés par l'intermédiaire d'une membrane biocompatible percée de milliers de pores microscopiques. Le sang et le liquide de dialyse circulent de part et d'autre de ces membranes mais ne sont jamais en contact. Seuls les échanges nécessaires s'effectuent par les pores de la membrane : l'eau excédentaire et les substances toxiques sont éliminées tandis que le sang est enrichi en bicarbonate et sels minéraux.

Pour remplir son rôle, le rein artificiel doit être alimenté en bain de dialyse (dialysat). Celui-ci est produit par un générateur de bain de dialyse qui, en fonction de la concentration en électrolytes souhaitée, réalise le mélange prédéfini à partir d'eau désionisée et de concentré de dialyse.

Le générateur est également chargé de porter le bain de dialyse à la température du corps, de le diffuser à un certain débit dans le dialyseur et de provoquer parallèlement une dépression chargée d'éliminer une partie de l'eau véhiculée par le sang.

Cette fonction d'ultrafiltration(8) permet d'évacuer le trop plein d'eau accumulé entre deux séances (2 à 3 litres en moyenne). Il assure aussi la monitorisation du circuit sanguin extracorporel grâce à une pompe à sang dont le débit est fixé entre 250 et 350 ml/min et dont l'arrêt est automatique en cas d'anomalie (variation de pression ou présence d'air dans la ligne veineuse, par exemple).

Dialyse péritonéale. Plus facile à mettre en oeuvre que l'hémodialyse et moins contraignante (formation en huit à dix jours, matériel restreint, autonomie accrue), la dialyse péritonéale est très attrayante mais constitue une alternative transitoire.

Beaucoup moins lourde que l'hémodialyse, elle peut être mise en oeuvre par le patient à domicile. Elle allège les contraintes liées au traitement et permet au patient d'être plus autonome et de mieux concilier ses soins et sa vie sociale. Raison pour laquelle deux tiers des patients actuellement traités à domicile sont sous dialyse péritonéale. Cette technique utilise les propriétés du péritoine pour réaliser, comme le ferait un rein artificiel, les échanges entre le sang et le liquide de dialyse.

Le péritoine, membrane recouvrant les organes abdominaux, est formé de deux feuillets très riches en vaisseaux sanguins qui, séparés l'un de l'autre, permettent de créer artificiellement une poche (cavité péritonéale) capable de contenir le liquide de dialyse injecté par le biais d'un cathéter mis en place à demeure.

Ce liquide stagne durant plusieurs heures (voire toute la nuit en cas de dialyse péritonéale nocturne) et les échanges nécessaires à l'épuration du sang se font grâce aux vaisseaux qui traversent le péritoine. L'eau en surcharge et les substances à éliminer traversent la paroi vasculaire et le feuillet péritonéal. Lorsque le liquide de dialyse est saturé, il est vidangé et remplacé par du liquide stérile et réchauffé à température ambiante. Répétée, cette opération permet d'épurer régulièrement le sang du patient.

Toutefois, cette technique n'est pas substituable à l'hémodialyse car le péritoine ne peut pas remplir indéfiniment le rôle du rein artificiel et s'altère. Par conséquent, elle est utilisée de façon transitoire chez des patients jeunes en attente de transplantation, chez des sujets âgés souffrant de problèmes cardiaques ou d'abord vasculaire (réalisation de la fistule artérioveineuse impossible), ou encore, pour permettre aux patients dialysés à domicile de voyager plus facilement(9).

Cela dit, quelle que soit la technique, la dialyse reste un traitement pénible à vivre et dont les retentissements sur la qualité de vie sont parfois considérables. C'est pourquoi la plupart des patients attendent la greffe avec impatience car elle constitue pour eux le seul moyen de s'affranchir de ces contraintes.

GREFFE RÉNALE

Plan greffe. En 2004, la part occupée par la greffe dans le traitement de l'IRC terminale était estimée à 39,8 %. Le nombre de greffes reste limité par le nombre de greffons disponibles. Toutefois, par rapport à 1994, le plan greffe mis en place en 2004 a permis de renforcer l'activité de prélèvement et a fait progresser de 48,7 % le nombre de greffes à partir de donneurs en état de mort encéphalique. En 2004, près de 2 423 malades ont bénéficié d'une greffe rénale (pour 3 948 greffes tous organes confondus) alors que 5 626 malades étaient en liste d'attente.

Par ailleurs, le nombre d'inscriptions ne cesse d'augmenter, expliquant l'allongement de la durée moyenne d'attente des candidats à la greffe. Celle-ci est actuellement de 17,6 mois contre 13,8 mois entre 1993 et 1995.

Il apparaît donc important d'améliorer le dispositif de prélèvement à partir de donneurs décédés (40 % de refus) et d'encourager la greffe à partir de donneurs vivants.

Loi bioéthique. Ainsi, la loi de bioéthique du 6 août 2004 a élargi le cercle des donneurs vivants aux conjoints, grands-parents, oncles et tantes, neveux et nièces, cousins germains, conjoint du père ou de la mère et toute personne pouvant justifier de deux ans de vie commune avec le receveur.

Ces efforts sont d'autant plus importants que la durée de vie d'un greffon rénal est limitée dans le temps et qu'il est fréquent qu'un dialysé soit successivement greffé puis dialysé, puis une nouvelle fois greffé au cours de sa vie. « Après transplantation, la moitié des patients greffés à partir de donneurs en coma dépassé doivent être repris en dialyse entre la première et la 13e année, suite à un dysfonctionnement ou un rejet, commente le Pr Deteix. À partir d'un donneur vivant, quel qu'il soit, la demi-vie potentielle du greffon passe à 18 ans. Lorsqu'il s'agit d'un frère ou d'une soeur HLA identique(10), elle atteint 30 ans car les complications et les problèmes d'immunosuppression sont réduits. »

Thérapeutique complémentaire. Il est donc important que les patients soient conscients que la greffe reste une thérapeutique complémentaire dont on ne maîtrise pas d'emblée la durée de fonctionnement.

En outre, certains patients ne pourront jamais accéder à cette alternative soit faute de greffon, soit parce qu'ils ne sont pas en état d'être transplantés du fait de leur âge mais surtout de leurs comorbidités (cardiopathies notamment). Des informations qu'il est indispensable d'apporter aux patients dans le cadre de leur préparation aux traitements de suppléance.

ACCOMPAGNEMENT INDISPENSABLE

L'irréversibilité de l'IRC impose en effet d'envisager assez rapidement les alternatives thérapeutiques qui se proposeront au patient lorsqu'il atteindra le dernier stade d'évolution de sa maladie. Dans la mesure où seulement 3,2 % des patients peuvent bénéficier d'une greffe préemptive d'emblée, la majorité d'entre eux doivent se préparer à la dialyse.

Préparation du patient. « Si certains se prêtent volontiers à la préparation de cette échéance, expliquent Annick Blanc et Catherine Verdier, infirmières d'hémodialyse et de néphrologie dans le service du Pr Deteix, d'autres, au contraire, l'occultent complètement, ce qui entraîne des prises en charge précipitées souvent mal vécues. »

L'aider psychologiquement. Car la dia- lyse engendre un véritable changement de vie qui, pour certains, s'apparente à un « deuil » dont les retentissements psycho-médico-sociaux sont d'autant plus difficiles à gérer que les patients n'ont pas eu le temps de choisir la technique et de s'y préparer psychologiquement. « De nombreuses études ont montré que la morbi-mortalité dans la première année qui suit la mise en route de la dialyse est directement liée au niveau de préparation des patients », confirme le Pr Deteix.

L'informer, l'éduquer. Les infirmières regrettent ainsi de ne pas disposer d'une consultation infirmière dédiée à ce travail d'information et d'éducation. « Préparer un patient à la dialyse et à la greffe rénale suppose de lui fournir un nombre considérable d'informations qu'il ne peut pas intégrer en une seule fois, explique Catherine Verdier. En outre, il n'est pas forcément disponible pour entendre ce que nous lui disons au moment où nous le voyons et il est parfois nécessaire de revenir plusieurs fois sur un même point pour que le message passe et soit intégré ». D'autant qu'il s'agit d'informations médico-techniques auxquelles les patients ne sont absolument pas familiarisés.

« Mettre en place une fistule artérioveineuse en prévision de la dialyse implique d'avoir auparavant expliqué au patient et à son entourage, les différentes modalités de la dialyse et qu'il en ait compris les mécanismes ainsi que les avantages, les inconvénients et les contraintes pour se prononcer en faveur de l'une ou l'autre technique, poursuit Annick Blanc. Cela suppose également de l'informer sur les règles d'hygiène de vie qu'il devra respecter notamment en matière de réduction hydrique et de régime alimentaire (cf. « Dialyse et nutrition », p. X) ».

Vaccination. Par ailleurs, le risque hémorragique lié aux multiples ponctions et au débit de la fistule impose d'évoquer la possibilité d'accident d'exposition au sang et de contamination par le virus de l'hépatite B très fréquente chez les dialysés. « C'est pourquoi nous leur conseillons de se vacciner et le pouvoir de persuasion des infirmières nous est parfois utile pour les en convaincre », ajoute le Pr Deteix.

Suites opératoires. Lorsque les patients remplissent les conditions pour être greffés, il est également nécessaire de les éclairer sur de nombreux points concernant les suites opératoires, les traitements à prendre quotidiennement, les bilans à réaliser régulièrement et les complications possibles justifiant parfois de reprendre la dialyse et/ou d'envisager une nouvelle transplantation.

« Les patients sont enthousiastes à l'idée de bénéficier d'une greffe, commente Annick Blanc. Si cet enthousiasme est légitime, il nous appartient néanmoins de les prévenir que cela n'exclut pas complètement la dialyse car il est possible, y compris juste après l'opération, de devoir maintenir le traitement durant quinze jours, voire trois semaines, le temps que la greffe démarre. »

Rejet possible. Ils doivent aussi savoir que la greffe ne les libère pas complètement de toute contrainte et qu'un rejet peut survenir. « Au-delà des bilans postopératoires très fréquents (deux fois par semaine durant les trois premiers mois puis, une fois par semaine jusqu'au sixième mois, puis tous les quinze jours pendant six mois), précise Catherine Verdier. La greffe impose la prise biquotidienne, à heure fixe et à long terme de traitements immunosuppresseurs auxquels s'ajoutent pour un temps, la prophylaxie d'infections (antifongique, antiparasitaire). Si, comparée à la dialyse, la prise de médicaments paraît beaucoup moins contraignante, certains patients greffés ne respectent pas plus leur traitement qu'ils ne respectaient la restriction hydrique sous hémodialyse. Par conséquent, nous ne devons pas relâcher la pression et devons profiter de chaque rencontre pour rappeler les bonnes pratiques et les risques encourus en cas de non-respect des consignes. »

Un travail d'accompagnement attentif et persévérant contribue indiscutablement à optimiser l'efficacité de la prise en charge des patients, de leur traitement et de leur qualité de vie.

1- Source : BEH, n°37/38/2005, 27 septembre 2005.

2- Sachant que k = 1,23 chez l'homme, 1,04 chez la femme, la formule utilisée pour calculer le DFG s'écrit : clairance de la créatinine (ml/min) = [(140 - âge en années) x poids en kg/créatininémie en mmol/l] x k.

3- Les néphrons sont les unités sécrétrices élémentaires du rein comprenant le glomérule et le tubule.

4- Fnair, 31, rue des Frères-Lion, 31000 Toulouse. Tél. : 05 61 62 54 62 . Internet : http://www.fnair.asso.fr. Mél : fnair@wanadoo.fr.

5- Recommandations pour la pratique clinique, moyens thérapeutiques pour ralentir la progression de l'IRC, Anaes, septembre 2004.

6- « Le malade insuffisant rénal chronique », Y. Le Meur, C. Leroux-Robert, Dossiers IMH, n° 458, juin 1999.

7- Ce concept se rapproche du fonctionnement normal du rein et permet de limiter les variations d'amplitude du potassium, de la créatinine et de l'urée. Il permet également de mieux drainer le malade, ce qui ajoute à son confort de vie. Il est réservé à un certain profil de malades, notamment aux malades atteints de cardiopathies sévères qui ne peuvent pas se maintenir en restriction hydrique. Cette technique leur permet d'améliorer leur état cardiovasculaire et, pour certains, d'accéder à la greffe.

8- Paramètre indiquant le poids en eau que le patient doit perdre par heure de dialyse. Il est calculé en fonction du poids de base théorique (poids après dialyse) du patient fixé par le médecin. UF = poids avant dialyse - poids de base théorique après dialyse/nombre d'heures de dialyse.

9- Le laboratoire Baxter propose aux patients en dialyse péritonéale, un service Travelclub qui leur permet de voyager et de disposer des produits nécessaires à leur traitement partout dans le monde.

10- Antigènes du complexe majeur d'histocompatibilité.

Les cinq stades de l'IRC

> stade 1 : pas d'IRC.

Clairance créatinine > 90 ml/min.

> stade 2 :

IRC légère.

Clairance créatinine 90 à 60 ml/min.

> stade 3 : IRC modérée.

Clairance créatinine 60 à 30 ml/min.

> stade 4 : IRC sévère.

Clairance créatinine 30 à 15 ml/min.

> stade 5 : IRC préterminale.

Clairance créatinine < 15 ml/min.

Les marqueurs d'atteinte rénale

> Microalbuminurie : 20-200 µg/min ou 30-300 mg/24 heures ou :

- chez l'homme : albuminurie/créatininurie : 17-250 mg/g (1,9-28,2 mg/mmol) ;

- chez la femme : albuminurie/créatininurie : 25-355 mg/g (2,8-40,15 mg/mmol).

> Protéinurie : > 300 mg/24 heures ou : rapport protéinurie/créatininurie > 200 mg/g.

> Hématurie pathologique : globules rouges (GR) : > 10/mm3 ou 10 000/ml.

> Leucocyturie pathologique : globules blancs (GB) : > 10/mm3 ou 10 000/ml.

> Anomalies morphologiques à l'échographie rénale : asymétrie de taille, contours bosselés, reins de petite taille ou gros reins polykystiques, néphrocalcinose, calcul, hydronéphrose.

Le syndrome d'IRC terminale

Ce syndrome est caractérisé par une altération de l'état général et une dénutrition (perte de poids, diminution de la masse musculaire) plus ou moins associées à des manifestations :

- neurologiques : troubles du sommeil et de la vigilance, jambes sans repos ;

- digestives : anorexie, nausées ;

- dermatologiques : prurit ;

- hématologiques : tendance hémorragique ;

- cardiovasculaires : rétention hydrosodée et hypertension artérielle non contrôlable par un traitement médicamenteux.

La fistule artérioveineuse

Elle est réalisée chirurgicalement en anastomosant une veine superficielle sur une artère (veine radiale sur artère radiale par exemple). La veine est ainsi soumise à une pression plus forte qui entraîne sa dilatation. Ces modifications facilitent les ponctions itératives de la veine et augmentent le débit sanguin (entre 250 et 750 ml/min), condition indispensable pour installer la circulation extracorporelle.

> En pratique

« Une fistule peut être ponctionnée 6 semaines après sa réalisation, explique Annick Blanc, infirmière d'hémodialyse. Le patient doit apprendre à la comprimer (en cas de saignement) et à "l'écouter" au doigt ("thrill" sous le doigt) pour vérifier qu'elle est perméable et réagir rapidement dans le cas contraire. Lorsqu'elle est fonctionnelle, elle est tout d'abord piquée avec une seule aiguille pour lui permettre de se développer correctement. Dans ce cas, la dialyse est réalisée en double flux (en Y) avec un temps d'aspiration suivi d'un temps de reperfusion du sang traité par la même aiguille. Si le patient était préalablement dialysé par cathéter, le circuit peut être mis en place entre la fistule et le cathéter ou inversement. »

> Recommandations

L'utilisation de la fistule artérioveineuse est assortie de certaines recommandations :

- Sa présence interdit toute prise de tension et, sauf exception, toute prise de sang et/ou perfusion intraveineuse. De même, la fistule doit être protégée des traumatismes (coups, griffures d'animaux domestiques par exemple).

- L'injection de produits veinotoxiques (antibiotiques notamment) sur le bras de la fistule est strictement interdite.

- La veine doit toujours être ponctionnée en premier en piquant le plus à distance possible de l'anastomose.

- Les points de ponction doivent être distants (pour éviter la recirculation et une mauvaise épuration) et changés régulièrement.

- L'aiguille ne doit pas être placée au pli du coude et doit être d'un calibre adapté au volume de la fistule.

- En cas de rougeur, hématome, points inflammatoires, il convient de discuter la nécessité d'une aiguille unique pour laisser reposer la fistule le temps que les lésions se résorbent.

- La mise en place d'un patch d'Emla préalable à la ponction est possible. Toute allergie impose l'arrêt de ce traitement antalgique.