La chimioprophylaxie antipaludique - L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006

 

prévention

Conduites à tenir

Le paludisme est une maladie infectieuse encore trop répandue dans le monde. Pourtant, un traitement prophylactique et des mesures préventives existent.

Responsable de plus de deux millions de morts par an dans le monde, le paludisme à Plasmodium falciparum atteint 7 000 personnes en France chaque année dont une vingtaine décèdent. Pourtant, cette maladie peut être évitée au prix d'un traitement prophylactique bien conduit et de mesures de prévention respectées.

Le paludisme est une maladie infec- tieuse potentiellement mortelle liée à un parasite (Plasmodium falciparum) transmis d'homme à homme par la piqûre d'un moustique : l'anophèle femelle. Deux milliards d'individus (40 % de la population mondiale) sont exposés à cette maladie à travers le monde et entre 300 et 500 millions de cas sont recensés chaque année dont près de 80 % en Afrique subsaharienne.

En France, les personnes contaminées sont les sujets originaires d'Afrique (deux tiers des cas) mais aussi les voyageurs autochtones ayant séjourné dans des zones impaludées. Pour ces patients, le constat est d'autant plus regrettable qu'ils s'exposent à des complications graves, voire à un risque mortel alors qu'il existe des traitements prophylactiques dont l'observance rigoureuse assure une prévention efficace. Ces traitements antipaludiques sont prescrits en fonction de la zone de destination du voyageur, elle-même définie en tenant compte du type de Plasmodium impliqué (cf. tableau). Cela dit, si la prophylaxie antipaludique commence par la connaissance des zones imposant cette prescription, elle implique également d'observer quelques règles.

DURÉE DU TRAITEMENT

À l'exception du Lariam® qu'il convient de prendre dix jours avant le début du voyage, la prise du médicament com- mence en général la veille ou le jour du départ et doit se poursuivre durant tout le séjour. Si certains traitements ont une rémanence plus importante que d'autres, en général l'oubli n'est pas toléré en particulier pour la Malarone® et la Savarine®.

Le traitement doit également être continué après le retour : 1 semaine pour Malarone® ; 3 semaines pour Lariam® ; 4 semaines pour les autres médicaments. En cas de séjour prolongé, à l'exception de la Savarine® (médicament de zone 2) qui peut être prescrite au long cours (plusieurs années), les autres traitements ne peuvent pas être prescrits plus de 3 à 6 mois.

La conduite à tenir dans ce cas consiste à prendre rigoureusement le traitement prophylactique le temps d'organiser sur place un réseau médical (médecin, biologiste, médicament) permettant d'arrêter la prophylaxie et de disposer en cas d'accès palustre d'une filière de soins capable de réagir vite et efficacement. Il est important de prendre ces dispositions dès l'arrivée dans le pays car attendre la crise, c'est prendre le risque de mourir dans les heures ou les jours(1) qui suivent l'apparition des symptômes (fièvre, prostration, troubles de la conscience, détresse respiratoire, convulsions).

MESURES PRÉVENTIVES

Contre les piqûres d'anophèles.

La chimioprophylaxie ne dispense pas de prévenir les piqûres. À ce titre, il est important d'informer les voyageurs que l'anophèle ne pique que la nuit (pic au milieu de la nuit) silencieusement et de manière indolore(2). Les conditions de séjour et d'hébergement influencent donc favorablement ou péjorativement le risque d'être piqué.

La prévention des piqûres (moustiquaire, répulsifs réellement efficaces)(3) doit donc être prévue dès le départ. Il est conseillé de vaporiser le visage, les bras et les jambes ainsi que les vêtements avec ces produits. Les vêtements peuvent également être préalablement traités par trempage dans une solution de DEET diluée. Quant à la moustiquaire, elle peut être imprégnée de pyréthrinoïde (la bifenthrine), un insecticide « knock down » qui neutralise immédiatement l'insecte dès contact. Ce produit très efficace ne doit surtout pas être utilisé sur la peau.

TRAITEMENT PRÉSOMPTIF

En cas de séjour en zone isolée. Si le séjour dans la zone impaludée se déroule loin de tout recours médical ou paramédical (séjour de plusieurs semaines en brousse par exemple), il convient, compte tenu de la létalité potentielle des crises, de prévoir un traitement présomptif en cas de suspicion d'accès palustre (fièvre > 40°).

Cette prescription doit être accompagnée de recommandations précises en matière d'autoprescription car les doses thérapeutiques sont lourdes et non dénuées d'effets secondaires (cardiaques et psychiatriques, entre autres). Raison pour laquelle la prescription d'un traitement présomptif doit être précédée d'un examen clinique approfondi visant notamment à s'assurer que le sujet ne présente pas de contre-indications : bradycardie, troubles psychiques, antécédents psychiatriques (dépression), maladie neurologiques (épilepsie), prise de certains médicaments, en particulier les bêtabloquants (leur effet « bradycardisant » associé au Lariam® peut entraîner la mort du sujet).

La réalisation d'un ECG est obligatoire si le sujet présente des facteurs de risque (hypertension artérielle, surpoids, tabagisme, diabète...). En fonction du contexte (personne partant seule ou accompagnée, ayant ou non des connaissances médicales...), la prescription doit par ailleurs être accompagnée de consignes d'utilisation. Il est notamment important de préciser que la personne amenée à prendre un traitement présomptif doit consulter au plus vite un professionnel de santé pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'une crise de paludisme et écarter toute autre cause potentiellement grave. Ces informations doivent être dispensées par un médecin averti qui saura choisir au mieux le médicament. Il s'agit dans ce cas de l'halofantrine (Halfan®) ou de la méfloquine (Lariam®). Si le généraliste ne maîtrise pas la prescription de ces thérapeutiques, il est recommandé de consulter dans un des quelque cent centres spécialisés(4).

RESTER VIGILANT

Pendant les trois mois qui suivent le retour. Toute fièvre doit évoquer un accès palustre jusqu'à preuve du contraire. Elle impose une prise en charge immédiate, de préférence dans un service d'urgences hospitalier. Un frottis sanguin doit être réalisé pour vérifier la présence du parasite dans les hématies et, en cas d'absence, pour faire une recherche complémentaire d'antigène. Ces résultats obtenus en moins de 2 heures permettent d'instaurer très vite le traitement. La précocité du diagnostic et l'adéquation du traitement sont des facteurs essentiels de survie en cas de paludisme à Plasmodium falciparum.

1- Une crise de paludisme révélée par une forte fièvre peut, dans l'heure qui suit, entraîner une attaque des tissus par le parasite et s'accompagner d'une crise d'épilepsie et de complications neurologiques (neuropaludisme) ou viscérales (néphropathie notamment) graves, voire irréversibles, conduisant au décès en quelques heures ou quelques jours.

2- Lorsqu'elle est infectée, l'anophèle femelle peut contaminer ses hôtes pendant 1 mois en moyenne et jusqu'à 6 mois pour certaines espèces.

3- Se procurer du DEET à 50% (diéthyltoluamide = Repel Insect) ou éventuellement 35/35.

4- Coordonnées et toutes informations relatives aux précautions sanitaires à prendre avant un départ en voyage : http://www.sante-voyages.com ; http://www.astrium.com ; http://www.invs.sante.fr : rubrique « recommandations sanitaires aux voyageurs », BEH, n°24-25, 14/06/2005.

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