La sismothérapie : histoire, évolution et nouvelles techniques - L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006

 

Troubles de l'humeur et dépression

Thérapeutiques

Le terme « d'électrochoc », remplacé désormais par « sismothérapie », a une connotation très négative. Cette technique non pharmacologique demeure pourtant reconnue et efficace lors de dépressions résistantes.

L'électroconvulsivothérapie

Les termes d'électroconvulsivothérapie (ECT) et de sismothérapie sont équivalents et désignent une technique visant un effet thérapeutique par le déclenchement électrique d'une crise comitiale. Cette méthode thérapeutique qui reste très connue du grand public sous le nom d'électrochoc conserve une image péjorative. Développée depuis soixante-dix ans, la pratique des électroconvulsivothérapies a évolué considérablement.

historique

Au début du XXe siècle, la psychiatrie, qui ne bénéficiait alors pas de médicaments efficaces, cherchait le moyen de traiter ses malades les plus graves. S'appuyant sur l'effet « salutaire » de crises organiques ou émotionnelles et sur la symptomatologie de certains patients, la recherche s'est orientée vers les thérapeutiques dites « de choc ».

Plusieurs techniques ont été utilisées pour provoquer artificiellement des fièvres, des comas ou des crises convulsives. De toutes ces méthodes (malariathérapie, insulinothérapie, administration de dérivés camphrés), seule la sismothérapie a montré une efficacité constante et reproductible.

succès rapide

Élaborée à la fin des années trente, elle connaît un succès rapide. Elle est perçue alors comme une panacée et est utilisée sans beaucoup de discrimination. Si l'efficacité dans certaines indications est d'emblée observée, les effets secondaires sont alors sévères et spectaculaires. La crise tonico-clonique provoquée par l'administration du courant électrique entraîne alors parfois des luxations de la mâchoire et des fractures notamment vertébrales. Les électrochocs provoquent alors une angoisse massive, un état confusionnel prolongé et des troubles de la mémoire. C'est la découverte des neuroleptiques puis des antidépresseurs dans les années cinquante qui a considérablement réduit la place des électroconvulsivothérapies et a amené à un affinement de ces indications.

Le recours à l'électroconvulsivothérapie est aujourd'hui très codifié et fait l'objet d'un consensus d'experts. Son efficacité et sa rapidité d'action sont utiles dans la résolution de certains épisodes thymiques aigus et d'exacerbation schizophrénique. Il s'agit la plupart du temps d'un traitement de seconde intention lorsque le traitement pharmacologique adapté s'avère inefficace ou mal toléré. Plus rarement, l'électroconvulsivothérapie peut devenir un traitement de première ligne s'il existe un risque vital à court terme ou si l'état clinique du patient est incompatible avec l'utilisation d'une autre forme de thérapeutique efficace.

anesthésie générale

L'activité des sismothérapies sur l'humeur dépressive et le ralentissement psychomoteur est incontestable. Ainsi, la mélancolie délirante, forme extrême de dépression, en est devenue l'indication majeure. Son efficacité sur l'angoisse et les hallucinations est également reconnue et permet de renforcer la stratégie de soin des formes résistantes de schizophrénie.

Les électroconvulsivothérapies se pratiquent aujourd'hui sous anesthésie générale. Celle-ci dure une dizaine de minutes et s'accompagne d'une curarisation qui permet un relâchement musculaire complet. Les complications historiques des électrochocs (fractures et luxations) sont ainsi fortement réduites. La sismothérapie se pratique dans une pièce spécifique et pourvue de matériel de réanimation. Le patient est équipé d'un monitoring des fonctions cardiorespiratoires (fréquence cardiaque et respiratoire, pression artérielle) et de l'activité cérébrale (EEG). Une fois le sujet endormi par l'anesthésiste, un psychiatre administre le choc électrique.

surveillance infirmière

Les appareils qui délivrent le courant ont eux-mêmes beaucoup évolué ces dernières décennies. Ils produisent un choc bref et pulsé par train d'ondes carrées. Ce type de courant très spécifique permet de limiter les effets cognitifs de l'électroconvulsivothérapie. Le psychiatre doit déterminer l'intensité et la durée du choc pour chaque patient afin de déclencher la crise comitiale réputée avoir l'effet thérapeutique. La crise, peu visible du fait de la curarisation, est enregistrée par l'EEG. Le patient se réveille ensuite rapidement en présentant souvent des éléments confusionnels qui régressent rapidement. Cela justifie une observation de quelques heures en salle de réveil. La présence d'une infirmière connue du patient dans cette phase post-électroconvulsivothérapique est essentielle. Elle aide à la réassurance et à la réorientation du patient et permet ainsi une meilleure tolérance de la sismothérapie.

Dans un schéma de soin habituel, les séances d'électroconvulsivothérapie ont lieu deux à trois fois par semaine pour un total de 8 à 20 séances selon la réponse clinique. Dans certaines indications, on peut proposer au patient des sismothérapies d'entretien qui permettent de maintenir l'effet thérapeutique au-delà des premières semaines. La fréquence de ces séances est habituellement mensuelle.

information adaptée

L'électroconvulsivothérapie est une technique thérapeutique éprouvée. Elle rend de grands services à des patients dont la souffrance psychique est majeure et permet parfois une rémission symptomatique avec un traitement pharmacologique réduit. Malgré le perfectionnement de la technique et la réduction en fréquence et en intensité de ses effets secondaires, elle conserve une image mauvaise et stigmatisante. Pour cette raison, débuter un soin par électroconvulsivothérapie demande le recueil d'un consentement éclairé du patient. Cela nécessite une information claire, complète et adaptée, adressée au patient et à son entourage.

La stimulation magnétique transcrânienne et la stimulation vagale

L'efficacité antidépressive des sismothérapies est aujourd'hui largement reconnue. Elles conservent toutefois quelques inconvénients de taille : une mauvaise image, des effets secondaires, notamment cognitifs, encore importants ainsi qu'un coût relativement élevé.

nouvelles techniques

Les travaux de recherche s'orientent actuellement vers de nouvelles techniques thérapeutiques proposant une efficacité équivalente associée à une meilleure tolérance. Les stimulations magnétiques transcrâniennes et une technique de stimulation du nerf vagal font l'objet de nombreuses études ces dernières années mais leur pratique reste encore peu répandue.

les stimulations magnétiques transcrâniennes (TMS)

Développées dans les années quatre-vingt, les stimulations magnétiques transcrâniennes sont depuis utilisées pour des explorations neurophysiologiques. Elles permettent de déclencher des influx nerveux à partir de régions bien délimitées du cortex cérébral et ainsi d'étudier les voies motrices qui descendent vers les muscles.

Utilisées par la recherche en psychiatrie depuis les années quatre-vingt-dix, elles semblent donner des résultats intéressants dans le traitement d'épisodes dépressifs majeurs.

En pratique. Un champ magnétique intense est délivré par une bobine placée sur le cuir chevelu du patient. Cette stimulation répétée à intervalles réguliers (plusieurs par seconde) traverse la boîte crânienne et vient provoquer une excitation neuronale au sein du cortex cérébral sous-jacent. L'influx neuronal généré par les stimulations magnétiques transcrâniennes est de même type que celui provoqué par l'électroconvulsivothérapie mais, à la différence de ce dernier, ne se propage pas et par conséquent n'entraîne pas de crise convulsive.

Traitement sans anesthésie. Le traitement est donc indolore et ne nécessite aucune anesthésie. On n'observe pas non plus de confusion et les troubles cognitifs transitoires consécutifs à la sismothérapie semblent également absents. La seule complication relevée à ce jour est la survenue de crise comitiale chez des patients ayant des antécédents personnels ou familiaux de ce type. Cela en fait actuellement une contre-indication.

Le caractère limité de la zone stimulée par les stimulations magnétiques transcrâniennes permet de « cibler » une région précise du cortex. Dans le traitement de la dépression, c'est une partie du cortex préfrontal qui est visée. Il semble que sur cette zone, les stimulations magnétiques transcrâniennes reproduisent l'effet des médicaments antidépresseurs.

Efficacité. Les résultats, notables après dix à quinze jours de traitement, pourraient persister quelques semaines. L'efficacité des stimulations magnétiques transcrâniennes telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui n'est toutefois pas comparable à celle des sismothérapies, notamment lorsqu'un noyau psychotique accompagne la dépression.

Dans le traitement de la schizophrénie, des spécialistes ont testé les stimulations magnétiques transcrâniennes en visant le cortex auditif gauche réputé être le siège des hallucinations acoustico-verbales. Ils rapportent avoir réussi à soigner des hallucinations résistantes aux thérapeutiques pharmacologiques.

les stimulations du nerf vagal (VNS)

Ces stimulations sont obtenues grâce à un dispositif implanté directement sous la peau au niveau du cou.

En pratique. Un courant pulsatile très faible excite le nerf vagal gauche durant trente secondes toutes les cinq minutes jusqu'à épuisement de la pile (cela peut durer une dizaine d'années). Cette technique a été mise au point dans les années quatre-vingt-dix pour le traitement des épilepsies rebelles avec un certain succès. On estime que 20 000 personnes dans le monde portent ce dispositif. Les effets secondaires rapportés sont discrets et transitoires : toux, gêne locale.

Effet antidépresseur. Depuis quelques années, un effet antidépresseur a été noté et les études scientifiques se multiplient. Contrairement aux stimulations magnétiques transcrâniennes dont l'action est corticale, il semble que l'effet des stimulations du nerf vagal soit dû à une réaction des structures centrales du cerveau. L'effet antidépresseur des stimulations du nerf vagal apparaît après plusieurs mois de traitement et semble durable mais nous disposons encore de peu de recul.

Dépressions résistantes. Récemment, des spécialistes ont proposé que ce traitement soit réservé aux patients présentant une dépression résistante à au moins quatre thérapeutiques différentes. Dans leur groupe de patients, ils montrent que les stimulations du nerf vagal ont sensiblement diminué la fréquence des gestes suicidaires et des réhospitalisations.

Quoi qu'il en soit, ces deux techniques thérapeutiques en sont encore à leurs balbutiements. Elles ne sont pratiquées pour l'instant que dans quelques centres très spécialisés et la communauté scientifique n'est pas unanime sur leur efficacité. Des travaux complémentaires devront permettre de préciser les indications et les modes de conduite du traitement et de savoir s'il pourra être proposé à un plus grand nombre de patients.

en savoir plus

- Fiche explicative pour les patients : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/conf&rm/Rpc/ECTpatient.html

- Recommandations de l'Anaes sur les ECT : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/conf&rm/Rpc/ECT.html

- Sur les TMS et les VNS (peu de littérature en français et très technique), A. Berney, F. Vingerhoets, [Novel brain stimulation techniques : therapeutic perspectives in psychiatry] (c'est en français), Rev. Med. Suisse, 2005, sept. 21, 1, 33, 2162-4, 2166.