Une chaîne transculturelle - L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 218 du 01/07/2006

 

Ethnopsychanalyse

Du côté des associations

Fondée par l'ethnopsychiatre Marie-Rose Moro, l'AIEP(1) vise à développer un réseau international d'aide et de soins aux familles de migrants en souffrance psychique.

À l'hôpital Avicenne de Bobigny, le professeur Marie-Rose Moro dirige le service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent. Elle y a créé, en 1987, une consultation de psychothérapie transculturelle, unique en France, où elle reçoit des enfants de migrants en souffrance et leur famille.

citoyens marginalisés

« Je me suis aperçue de l'importance des enjeux propres aux enfants issus de l'immigration. Pour la première génération, les références culturelles de leurs parents sont évidentes, mais pour la deuxième, tout est plus complexe », explique-t-elle. L'ethnopsychanalyse est la référence de base de son équipe soignante. Pédiatres, thérapeutes, infirmières et traducteurs s'appuient sur l'anthropologie et la psychanalyse pour adapter des dispositifs thérapeutiques.

Il s'agit surtout de prendre en compte les représentations du monde spécifiques à chaque culture, les codes et les références culturelles. À l'hôpital, Marie-Rose Moro, elle-même fille de migrants espagnols, met depuis plus de vingt ans sa passion au service d'enfants victimes de troubles du comportement, de difficultés scolaires ou de problèmes relationnels. Ces enfants d'ici venus d'ailleurs - titre d'un de ses livres(2) - n'ont pas assez de place dans la société, et ces citoyens de demain sont toujours marginalisés.

La création, en 1997, de l'AIEP constitue un prolongement des travaux de l'équipe d'ethnopsychiatrie de la consultation transculturelle. « L'idée était de regrouper toutes les forces possibles..., souligne-t-elle. Les gens de terrain - travailleurs sociaux, infirmières, médecins en Europe et outre-Atlantique - m'ont demandé de créer un support associatif pour mettre en place un réseau. » Association loi 1901, l'AIEP réunit professionnels de la santé et chercheurs, de tous horizons et de formations multiples, autour d'un objectif commun : favoriser les soins et la prise en charge de patients migrants de toutes origines, faire avancer le travail social et la recherche dans le domaine transculturel.

réseau international

Le point d'ancrage du réseau n'est autre que l'hôpital Avicenne. « D'emblée, on a réuni une équipe autour du lieu de consultation. L'idée était de partir de Bobigny et de créer des liens internationaux. Des membres du Canada et de presque toute l'Europe de l'Ouest échangent leurs expériences avec nous, notamment l'Italie et l'Espagne, deux pays qui accueillent aujourd'hui des migrants alors qu'ils ont été pendant longtemps des pays d'émigration », observe Marie-Rose Moro. L'AIEP compte aussi des groupements dans les régions et des « sentinelles » de professionnels, un peu partout, capables de créer des contacts et d'échanger des informations.

Subventionnée en grande partie par le Fasild(3), l'AIEP est une association intellectuelle et scientifique. Ses membres - une centaine en France et une quarantaine à l'étranger - ne sont pas salariés : ils s'engagent bénévolement pour réaliser une action précise.

« Soigner, former et enseigner se mêlent, affirme Marie-Rose Moro. Le but est de réunir les connaissances et d'associer les expériences de tout notre réseau. » Les actions de l'association s'inscrivent selon différents axes.

Ses objectifs : faire avancer les soins dans le domaine de la santé psychique, favoriser la recherche, développer l'accès à la formation et à l'enseignement et sensibiliser les professionnels de la santé, de l'école, de la justice. De plus, l'AIEP s'implique dans le travail sur le trauma psychique dans des situations de guerres et de catastrophes. Cette activité s'effectue dans le cadre de Médecins sans frontières. Par ailleurs, elle intervient dans le débat public : le voile à l'école, l'accès aux soins des migrants, la violence dans les banlieues.

question d'altérité

« La question de l'altérité est au coeur de nos sociétés modernes, mouvantes, plurielles, métissées », s'enthousiasme Marie-Rose Moro. Sa revue, L'Autre, cliniques, cultures et sociétés, éditée par La Pensée sauvage et vendue en librairie, permet aux chercheurs, enseignants et gens de terrain de publier des articles. Métisse, la lettre de l'association, offre l'opportunité de faire part d'idées novatrices ou d'expériences originales. « Je crois beaucoup à ces champs. On ne peut pas dire que l'on soit au coeur des problématiques de tout le monde. Mais il faut transmettre et écrire. » La transmission est au coeur du travail de Marie-Rose Moro et de tout le réseau de l'AIEP.

1- Association internationale d'ethnopsychanalyse, hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex.

Tél. : 01 48 95 54 75. Internet : http://www. clinique-transculturelle.org.

2- Hachette littératures, 2004.

3- Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, organisme interministériel qui s'occupe de la question des migrants en France.

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