À l'insu du plein gré... - L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006

 

Dépistage

Éthique

Le dépistage de l'infection à VIH est strictement encadré en France. Pourtant, nombre de tests sont réalisés à l'insu des personnes, pratique « injustifiable » pour le Conseil national du sida.

« Rien ne justifie qu'un test de dépistage de l'infection à VIH soit effectué à l'insu d'un patient, observe le Pr Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida. Avant même d'être une mauvaise pratique éthique, c'est une mauvaise pratique professionnelle. D'un point du vue strictement médical, elle n'a non seulement aucun sens mais elle remet également en cause la capacité d'exercice des soignants qui en usent ou qui y participent. Si les soignants avaient pour souci premier d'appliquer les bonnes pratiques, ces dérapages n'existeraient pas. De surcroît, aujourd'hui, il n'est plus à prouver que d'impliquer un patient dans ses soins est plus efficace que de le tenir à l'écart. »

À quelques semaines du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, rappelons que le dépistage du VIH repose sur la démarche volontaire des individus. Ce principe absolu comporte toutefois des exceptions.

agression sexuelle

Ainsi, la présence des antigènes du virus est-elle recherchée dans les dons du sang, d'organes, de tissus humains et de lait maternel. En outre, depuis l'adoption, en 2005, de la loi sur la sécurité intérieure, les personnes poursuivies pour agression sexuelle doivent également se soumettre à un test, à la demande de la victime ou du procureur de la République.

Enfin, le test de dépistage doit être « systématiquement proposé » lors du bilan prénuptial, d'une grossesse et d'une incarcération.

« Dans certains services de chirurgie, les tests sont fréquemment réalisés sans l'accord des patients, poursuit Willy Rozenbaum. Et quelle que soit la nature du résultat, les personnes ne sont pas informées. Dans le meilleur des cas, celles dépistées positives sont orientées vers un service de maladies infectieuses sans qu'elles sachent très bien pourquoi ! »

Manque de temps, de formation, incapacité à évoquer des sujets liés à la sexualité, à l'usage de drogue, préjugés... seraient, selon le praticien, autant de causes qui empêcheraient les soignants d'aborder sereinement la question du dépistage. « Pourtant, il n'y a pas cinquante raisons qui doivent conduire un médecin à proposer un test : soit le patient présente des signes cliniques pouvant laisser penser qu'il est infecté, soit l'on veut écarter l'hypothèse de l'infection, soit il a, ou il a eu, des conduites à risques qui l'ont exposé au virus. L'objectif d'un test, c'est de prendre en charge une personne si elle est contaminée ou de lui permettre de consolider sa stratégie de prévention si elle ne l'est pas. »

Dans quelques mois, le Conseil national du sida devrait formuler de nouvelles recommandations tendant, d'une part, à favoriser le recours au dépistage et, d'autre part, à revoir les modalités de son consentement.

TÉMOIN Marie-Hélène Boyer

« Une pratique choquante »

« Aucun acte médical ne peut être effectué sans le consentement libre et éclairé du patient. Le dépistage de l'infection à VIH étant un acte médical à part entière, le faire à l'insu des personnes revient à violer un des principes fondamentaux de la déontologie et de l'éthique du soin. Même en cas d'urgence, je pense notamment à un accident d'exposition au sang lors d'un prélèvement, il ne faut pas hésiter à demander la collaboration du patient. D'autant que, dans cette circonstance, il y a très peu de risques qu'il refuse, explique Marie-Hélène Boyer, cadre de santé. Plusieurs aspects me choquent dans la pratique du dépistage à l'insu, qui semble être relativement courante, mais le plus inacceptable, sans doute, est qu'on ne peut ni anticiper ni organiser la prise en charge médicale et psychologique d'une personne qui se révélerait infectée. D'une manière plus pragmatique, une question simple, mais essentielle, doit nous venir à l'esprit : un soignant accepterait-il qu'on pratique sur lui, à son insu, un test de dépistage ? Je pense que la réponse est non ! »