Accueil et prise en charge en salle de déchoquage - L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006

 

urgences

Modes opératoires

DÉFINITION

L'urgence vitale interventionnelle se définit par un patient présentant une ou des lésions mettant en jeu le pronostic vital, nécessitant une solution interventionnelle rapide.

> Urgence neurologique. Comas, déficits, encéphalopathie... dans le cadre du traumatisé crânien, médullaire, polytraumatisé, hémorragie méningée, AVC grave.

> Urgence circulatoire. Arrêt cardiaque, collapsus, anémie... dans le cadre d'une hémorragie (digestive, de la délivrance...) ou d'un polytraumatisé (fracture de la rate, du foie).

> Urgence respiratoire. Arrêt respiratoire, dyspnée, cyanose... dans le cadre d'infection pulmonaire grave, choc septique, coma, trauma médullaire, pneumothorax, obstruction des voies aériennes, embolie pulmonaire, inhalation ou cellulite cervico-faciale.

PRISE EN CHARGE PRÉHOSPITALIÈRE

Le Samu assure l'orientation et le transport du patient :

- il évalue les atteintes lésionnelles et leur gravité in situ ;

- il envisage un diagnostic ;

- il débute l'assistance des défaillances vitales ;

- il transporte le patient vers le service adapté aux lésions.

PRISE EN CHARGE HOSPITALIÈRE

Le patient est accepté par le réanimateur ou l'anesthésiste de garde. Il prévient alors les équipes interventionnelles de l'arrivée imminente d'un déchoquage.

ORGANISATION DE L'ÉQUIPE

L'équipe, en salle de déchoquage, se compose de :

- un médecin anesthésiste réanimateur (Mar) référent = le trauma leader, c'est-à-dire le décisionnaire. Il centralise les informations, prend les décisions, coordonne les actions et les intervenants ;

- un interne en anesthésie-réanimation. Il s'occupe des gestes techniques, examine le patient et prescrit les traitements médicamenteux ;

- un IDE ou un Iade. Il prépare la salle de déchoquage en fonction du type d'urgence, installe le patient, assiste l'interne dans les gestes techniques, effectue la surveillance et note tous les gestes effectués, met en route les traitements et effectue les bilans ;

- un aide-soignant. Il installe le patient, effectue la glycémie capillaire et l'« hémocue », gère l'admission du patient, prépare les bilans sanguins, prévient la radio et la banque du sang et effectue les différentes courses (radio, labo, banque du sang, scanner...).

PRÉPARATION DU MATÉRIEL

Elle est fonction des éléments du bilan initial.

- Scope : ECG, PNI, PA sanglante, SaO2, FR, ETCO2...

- Abords veineux et artériels : cathéter central 3 voies (+/- Cordis), cathéter artériel purgé.

- Matériel d'intubation-ventilation : aspiration forte et douce ; plateau d'intubation, ballon, masque ; fibroscope ; respirateur testé et mis en marche.

- Médicaments : anesthésiques (kétamine, Célocurine®, sufentanil, fentanyl), vaso-actifs (éphédrine, noradrénaline, adrénaline...), spécifiques (Nalador®, Mopral®, Syntocinon®...)

- Autres : kit de drainage thoracique, « Blood pump » purgée, « Level-one » disponible, demande de produits sanguins labiles préremplie, tubes pour bilan biologique et imprimés préremplis, couverture chauffante, appareil d'échographie.

EN SALLE DE DÉCHOQUAGE

- Accueil des équipes (Samu, urgences...) ;

- Transfert du patient sur un brancard. Ce transfert s'effectue en monobloc en cas de suspicion de trauma du rachis (garder le collier cervical jusqu'au résultat du scanner) ;

- Transmissions : histoire de la maladie ou de l'accident, antécédents médicaux, chirurgicaux, traitements effectués, « timing » ;

-Installation : repérer et vérifier les voies d'abord, vérifier le traitement mis en route et l'état du patient, l'attacher si besoin ;

- Monitorage : ECG, PNI, SaO2, FR, ETCO2 ;

- Branchement du respirateur, préalablement réglé par l'anesthésiste, au patient s'il est intubé ;

- Noter le premier bilan clinique sur la feuille d'anesthésie.

PREMIERS GESTES

- « Hémocue », glycémie capillaire, température ;

- Pose du cathéter central, le plus souvent en fémorale (plus facile et plus rapide) ;

- Pose du cathéter artériel ;

- Pose de la sonde gastrique, de la sonde urinaire si possible ;

- Prélèvement du bilan biologique ;

- Acheminement rapide des tubes de groupage sanguin et RAI (recherche d'agglutinines irrégulières) à la banque du sang ;

- ECG, radios ;

- Parage des plaies ;

- Admission administrative du patient ;

- Appel des différents intervenants.

INTÉRÊTS DU MONITORAGE

- ECG : surveillance d'éventuels troubles du rythme ;

- PNI : collapsus, circulation ;

- PAS : surveillance permanente, prélèvements sanguins itératifs ;

- SaO2 : reflet de l'oxygénation et de la circulation artérielle (cause d'échec fréquent si état de choc) ;

- FR : difficulté respiratoire ;

- CAPNO : reflet des échanges gazeux et de la perfusion pulmonaire (ventilation/circulation) ;

- Doppler transoesophagien : mesure du débit cardiaque et des indices de fonction gauche ;

- Doppler transcrânien : irrigation cérébrale ;

- Swan-ganz : SvO2, débit cardiaque, PAP/PaPo, gaz du sang veineux mêlé ;

- PVC : surveillance de la volémie, de la qualité du remplissage ;

- NIRS : mesure de la micro-oxygénation ;

- OPS : mesure de la micro-circulation.

BILAN LÉSIONNEL INITIAL

Bilan radiologique.

> La radio de thorax indique la place du coeur, du bouton aortique ; la présence d'épanchement (sang, air), de contusion pulmonaire, d'inhalation, de pneumopathie, d'anomalie du rachis ; la position de la sonde d'intubation, des cathéters, de la sonde gastrique.

> La radio du bassin permet de vérifier la présence d'une fracture du bassin (saignement important et risque d'hématome rétro-péritonéal), la symétrie des ailes du bassin, la symétrie du sacrum, la symétrie entre sacrum et ailes du bassin, la possibilité de poser une sonde urinaire (contre-indiquée si fracture de l'urètre).

> L'échographie abdominale identifie la présence d'épanchement, une fracture de rate, une fracture de foie, des contusions rénales, la ligne de vacuité utérine et la présence de caillots en cas d'hémorragie de la délivrance. Elle n'est pas systématique. Elle doit être réalisée en cas de suspicion de lésions abdominales.

Bilan biologique systématique.

> La numération sanguine (/ml de sg) permet de quantifier les globules rouges, l'hémoglobine, l'hématocrite, les plaquettes. Attention : à la phase initiale, la numération peut être normale car il y a perte proportionnelle de globules et de plasma dans le temps.

> Le bilan d'hémostase évalue le TP (temps de prothrombine), qui étudie les facteurs de coagulation en amont de la thrombine ; le TCA (temps de céphaline activée), qui étudie la formation de la thrombine ; le fibrinogène (facteur I, il étudie le rapport entre la formation et la consommation) ; les D-Dimères, formés par la lyse du caillot (donc plus ceux-ci sont élevés, plus la fibrinolyse s'active).

> Le bilan biochimique évalue : le potassium, dont les variations sont dangereuses pour le coeur (hypoK fréquente) ; le sodium, cation extra-cellulaire, qui évalue indirectement l'osmolarité cellulaire ; le chlore, anion majeur du secteur vasculaire ; les bicarbonates (HCO3-), dont la charge négative permet de tamponner les acides. La différence entre les charges positives et négatives est le « trou anionique » (TA = Na + - [Cl- + HCO3-]). Sa normale est 15 ; les L-lactates, qui sont produits par l'activité musculaire et cellulaire (production = 1 500 mmol/jour). Sa mesure normale est < 2 mM/L. Hyperproduction si état de choc ; les gaz du sang ; les protides, le calcium, le phosphore, le magnésium.

> Le bilan enzymatique révèle : les CPK, marqueurs d'une rhabdomyolyse ; la Troponine I, qui reflète l'ischémie myocardique.

> Le bilan hépatique doit évaluer : les ASAT et ALAT ; les gamma GT ; la bilirubine, voie d'élimination des globules rouges, dont l'augmentation doit faire suspecter un dysfonctionnement hépatique.

> Le bilan prétransfusionnel permet de vérifier : le groupe sanguin et le rhésus ; les RAI ; les sérologies (HIV, hépatites C et B). Demander des bêta HCG pour toute femme en âge de procréer.

> Le bilan toxicologie et pharmacologique évalue les dosages de : benzodiazépines, barbituriques, antidépresseurs, alcoolémie.

ÉTATS DE CHOC

Choc hémorragique.

Surveillance clinique. Signes de choc (pâleur, sueurs, marbrures), surveillance du pouls (tachycardie, bradycardie), surveillance de la pression artérielle (collapsus ou HTA), surveillance de l'évolution des saignements s'ils sont extériorisés.

Surveillance biologique. Hémocue, numération sanguine et plaquettes (chute de l'hémoglobine et de l'hématocrite, chute des plaquettes), hémostase (perte des facteurs de coagulation, chute du TCA et du fibrinogène).

Traitement.

> Maintenir une PA satisfaisante (jeune = 8/9, sujet âgé = 11/12) :

- remplissage (culot globulaire, colloïdes, cristalloïdes) ;

- drogues vasopressives ;

- pantalon anti-G.

> Traiter les troubles de l'hémostase :

- Kaskadil® ;

- PFC ;

- Anti-fibrinolytique (Trasylol®), à discuter vu le risque allergène.

> Trouver l'origine du saignement et traiter :

- Body scanner avec injection ;

- Artériographie +/- injection ;

- Bloc opératoire ;

- Fibroscopie et sclérose.

Détresse respiratoire.

Surveillance clinique. La surveillance varie en fonction du mode ventilatoire du patient : cyanose ; agitation ; FR (tachypnée, bradypnée, tirage) ; SaO2, eTCO2 ; auscultation pulmonaire ; paramètres ventilatoires si intubation (spirométrie, pression), adaptation du patient au ventilateur.

Traitement.

- L'intubation assure l'hématose, diminue le travail respiratoire et permet la sédation ;

- Pratiquer une intubation séquence rapide avec manoeuvre de Sellick car patient « estomac plein » ;

- Évacuation d'un pneumo ou hémothorax par drainage ;

- Désobstruction des voies aériennes si corps étranger.

Détresse neurologique. Surveillance clinique : score de Glasgow, réflexes et taille des pupilles, agitation, mobilité et sensibilité des membres réflexes ostéotendineux et cutanéoplantaires, doppler transcrânien si besoin pose d'une PIC à discuter.

1er ORIENTATION DU PATIENT

L'urgence prime. En fonction des signes vitaux : body scanner, embolisation, bloc opératoire, salle de surveillance post-interventionnelle, réanimation, transfert vers un centre spécialisé

TRANSPORT INTRA-HOSPITALIER

- Ventilateur de transport à choisir en fonction du patient ;

- bouteille d'O2 pleine, nombre de bars vérifié ;

- électrocardioscope avec batterie pleine : PNI/PAS, ECG, SaO2, FR, eTCO2 ;

- ballon auto-remplisseur, masque, filtre antibactérien ;

- médicaments : éphédrine, atropine, adrénaline, noradrénaline, bicarbonates, médicaments d'anesthésie, G 30 % ;

- solutés de remplissage : colloïdes, cristalloïdes ;

- seringues auto-pousseuses fixées sur le brancard, avec cordon d'alimentation.

PRISE EN CHARGE DES PROCHES

Leur accueil doit se faire dans une salle, au calme. Toute information est donnée par le trauma leader.