Blouses roses contre coups de blues

Un soir, une silhouette dans les couloirs de Robert-Debré, à Paris. Souriante, douce, la soixantaine, Claudine Bounhol est l'une des « berceuses » du service. Bénévole pour l'association Animation loisirs à l'hôpital, plus connue sous le nom de « Blouses roses »(1), elle visite les malades hospitalisés, petits et grands.

Claudine passe à son placard, enfile sa blouse rose fuchsia qui la distingue du reste du personnel hospitalier. Depuis une chambre dont la porte est restée ouverte, un enfant l'interpelle : « tiens, voilà Mamie Rose ! » Claudine vient saluer l'équipe de nuit : « où puis-je être utile, ce soir ? » On lui indique un numéro de chambre, celle d'un bébé dont la maman vient de quitter le service : « Est-ce que je peux le prendre ? » Claudine entre dans la chambre du petit, se lave soigneusement les mains en commençant à lui parler, à prendre contact avec lui. Elle se présente, le prend dans les bras, le berce en chantonnant. Les pleurs cessent, le corps de l'enfant se détend, le petit s'apaise.

humilité

« Chaque enfant apprécie des gestes et des rythmes différents, commente Claudine. Certains n'aiment pas être bercés lentement, et préfèrent une berceuse plus tonique, certains sont plus sensibles à la voix que d'autres... J'éprouve un vrai plaisir à rassurer un enfant, même si les contacts sont brefs, même si je ne le revois pas. J'aime cette "solidarité" avec des tout-petits qui ne comprennent pas pourquoi ils sont là. Ceci dit, on ne parvient pas toujours à les calmer et il faut aussi avoir l'humilité de l'accepter. »

Ça fait dix-huit mois que Claudine Bounhol s'occupe des enfants. Il y a quelques années, lors de l'hospitalisation d'un de ses proches, une autre femme discrète a frappé à la porte, un après-midi de visite : « Je suis présente dans le service, si vous souhaitez un peu de compagnie... » Claudine, touchée par cette initiative, se renseigne et s'engage aux côtés des Blouses roses, qui rassemblent près de 2 900 bénévoles, répartis dans 125 villes de France et 274 établissements médicalisés.

biberon

Entre l'hôpital et la ville, entre l'intime et le professionnel, la place des Blouses roses requiert tact, écoute et discrétion. « La plupart du temps, je ne sais rien de la situation pédiatrique de l'enfant, observe Claudine Bounhol. Je n'ai pas l'occasion d'en parler avec les infirmières. Je suis un "plus" pour l'enfant. J'accepte de donner le biberon, mais je demande toujours s'il est sujet aux régurgitations. Parfois, un soignant me signale un des enfants, qui souffre particulièrement de la solitude. »

Claudine intervient en pédiatrie générale, où les enfants ne séjournent pas longtemps. Elle prend souvent le relais des parents qui rentrent chez eux et les rencontre peu, puisqu'elle se consacre aux enfants seuls : « Un soir, on m'oriente vers une chambre où une petite fille vient d'être hospitalisée. Sa maman était partie et la petite, qui devait avoir 8 ou 9 mois, hurlait. Je lui parle et la calme rapidement. L'infirmière me demande de lui donner le biberon, je m'installe. Quelques instants plus tard, la maman arrive et m'explique : "J'avais dit à l'infirmière que j'allais revenir pour lui donner le sein". Cela m'a bouleversée, j'ai eu le sentiment de lui prendre quelque chose. »

évolution

Claudine veut surtout passer du temps avec les enfants, mais les Blouses roses s'adressent à tous, notamment aux personnes âgées. Selon les publics, le programme proposé par les bénévoles diffère : activités d'éveil pour les tout-petits, jeux pour les enfants, activités créatives pour les adultes et les adolescents, travail autour des gestes du quotidien et chant pour les personnes âgées... « L'association a évolué, et les bénévoles aussi », fait remarquer Colette Germain, présidente des Blouses roses. Ces dernières années, les effectifs ont augmenté, les bénévoles sont plus jeunes et plus professionnels, désireux d'agir concrètement et de bénéficier de formations pour mener à bien leur mission. »