« Les labos ont besoin de soutien » - L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 220 du 01/10/2006

 

Médicaments pédiatriques

Questions à

Le Parlement européen a adopté le 1er juin 2006 un règlement sur les médicaments pédiatriques afin d'inciter l'industrie pharmaceutique à étudier leur efficacité et leur sécurité. Entretien avec Françoise Grossetête, rapporteur du projet de règlement.

Qu'est-ce qui empêchait jusqu'à présent les laboratoires d'investir dans la recherche et la production de médicaments pédiatriques ?

La recherche représente un coût terrible pour les laboratoires et elle peut prendre extrêmement longtemps. Il faut dans certains cas six mois mais parfois plusieurs années pour développer un médicament. Et les études sont délicates, plus compliquées à mettre en place que pour les adultes. Si l'industrie n'est pas poussée à le faire, elle ne met pas le doigt dans l'engrenage. Les laboratoires ont donc besoin d'un soutien. Aux États-Unis et au Canada, certaines lois obligent et soutiennent déjà les labos en ce sens. C'est ce que nous avons voulu faire aussi en Europe.

Quelle est la principale mesure de ce règlement ?

Il instaure une nouvelle démarche : toute demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de l'agence - pour un médicament qui intéresserait potentiellement la pédiatrie - devra désormais comprendre un plan d'investigation thérapeutique, c'est-à-dire un programme de recherche et de développement permettant d'évaluer la qualité, la sécurité et l'efficacité du médicament et des posologies proposées sur la population pédiatrique. Dans certains cas, pour des raisons de santé publique, l'AMM pourra être attribuée d'abord pour l'indication adulte, avant que les investigations pédiatriques aient été menées à leur terme.

Qu'est-il proposé aux laboratoires en échange ?

En contrepartie, les médicaments obtiennent une prolongation de six mois de leur certificat complémentaire de protection (NDLR : une forme de protection qui prolonge celle du brevet). Il fallait bien que nous proposions une forme d'incitation aux laboratoires. Cela augmente d'autant la période durant laquelle les génériques ne peuvent être produits... Mais s'il n'y a pas de protection, il n'y aura plus d'innovation.

Quel sera le rôle du comité pédiatrique instauré par le règlement ?

Le comité pédiatrique est placé sous la responsabilité de l'Agence européenne du médicament. Il est constitué de personnes désignées par chaque État membre ainsi que de représentants des pédiatres et des associations de patients. Des garanties doivent être apportées quant à leur impartialité et à l'absence d'intérêts individuels dans l'industrie pharmaceutique. Le comité suit les dossiers d'investigations pédiatriques et en contrôle chaque étape. Il examine si les études proposées permettent d'escompter un bénéfice thérapeutique important pour la population pédiatrique par rapport aux traitements existants, si elles concernent une affection retrouvée chez les enfants et offrent les garanties d'efficacité ou de sécurité pour les jeunes patients. Si ce n'est pas le cas, aucune indication pédiatrique ne pourra être délivrée. Enfin, ce comité a pour mission de dresser un inventaire des besoins en médicaments pour enfants.

Quid des médicaments déjà sur le marché ?

Le règlement n'est pas rétroactif, il ne concerne que les nouveaux médicaments. Bien sûr, rien n'empêche un laboratoire de se lancer dans la demande d'AMM pédiatrique pour un médicament déjà sur le marché à ce jour.

Ce règlement a-t-il été difficile à faire passer ?

Cela faisait près de six ans que le Parlement demandait à la Commission une proposition sur les médicaments pédiatriques. Nous sommes allés assez vite. Il n'y a eu que deux lectures du projet, alors que sur d'autres sujets, nous en avons trois. J'ai beaucoup travaillé avec la Commission et les députés afin d'obtenir un consensus avant la dernière lecture. Et le soutien des associations a beaucoup compté.

Quand entrera-t-il en vigueur et à partir de quand pourra-t-on en ressentir les effets dans les établissements de soins français ?

Je pense que d'ici un mois ou deux, on pourra voir arriver de nouvelles demandes d'AMM pour indications pédiatriques. Les laboratoires travaillent déjà sur ces sujets. Nous avons l'exemple des médicaments orphelins : depuis la nouvelle réglementation, énormément de médicaments sont sortis. L'AMM européenne est valable dans tous les pays de l'Union et est assortie d'une obligation de rendre le médicament disponible dans chacun des marchés nationaux.

Françoise Grossetête (Parti populaire européen et UMP)

Diplômée en droit, Françoise Grossetête est députée au Parlement européen depuis 1994, adjointe au maire de Saint-Étienne, et membre de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire. Elle était le rapporteur du projet de règlement sur les médicaments pédiatriques devant le Parlement.