L'art en souffrances - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

Art-thérapie

Du côté des associations

L'Inecat se sert de la médiation artistique pour intervenir auprès des personnes en difficulté qui ont du mal à formaliser leurs problèmes.

« Il y a des choses qui brûlent si on s'en approche trop. Répéter indéfiniment fait revivre les horreurs. » Jean-Pierre Klein, la soixantaine, pèse ses mots quand il parle de la fonctionnalité de l'art-thérapie, comme il le fait dans son livre Violences sexuelles faites à enfants, une nouvelle clinique(1).

L'art-thérapie, c'est une transformation des tourments en création artistique. « C'est accompagner l'autre comme créateur, d'oeuvre en oeuvre, pour qu'il guérisse lui-même. » Le président de l'Inecat(2) (Institut national d'expression, création, art et transformation) défend la méthode depuis plus de vingt-cinq ans. Pour lui, l'accompagnement à travers la réalisation d'une oeuvre vaut mieux que l'introspection et l'attachement au mental. Jovial et humaniste, il se reconnaît volontiers dans le livre de Winnicott Jeu et Réalité : l'espace potentiel. « Il notait ses interprétations fondées sur l'observation d'enfants en train de jouer, sans les dévoiler, pour ne pas stopper leur créativité. »

imaginaire

En 1981, Jean-Pierre Klein est chef de service en psychiatrie pour enfants et adolescents à Blois. C'est cette expérience qui le pousse à créer l'association Art & Thérapie et à lancer la revue du même nom. À partir d'un constat simple : le rapport entre le malade et la parole est beaucoup plus complexe qu'on ne le croit. « Tout d'abord, le langage verbal peut ne pas être au centre, car il n'est pas facile pour un enfant de dire les choses. L'introspection n'est pas évidente, elle non plus. Enfin, un certain nombre de pathologies engendrent des difficultés de verbalisation. » Les enfants sont doués dans l'imaginaire et, pour lui, cela mérite un accompagnement. Moins pour leur faire prendre conscience du problème que pour faciliter une métamorphose d'eux-mêmes grâce à la création - à partir d'une matière picturale, sonore ou gestuelle.

motivation

L'Inecat, département de l'association consacré à la formation à l'art-thérapie, est fondé en 1986. Aujourd'hui, il est placé sous les hauts patronages des ministères de la Culture, de la Santé et de l'Éducation nationale. Il s'adresse aux artistes professionnels, aux soignants (psychiatres, infirmiers, rééducateurs, psychanalystes, psychomotriciens), aux travailleurs sociaux, aux enseignants, aux chercheurs. « Les gens qui viennent ici sont très motivés. Nous formons une centaine d'élèves par mois et les accompagnons pour qu'ils trouvent leur propre méthodologie », s'enthousiasme le président dans la grande salle lumineuse où se déroulent les ateliers proposés par son association. Formations en médiations artistiques et en art-thérapie, diplômantes ou non (la toute dernière, établie en 2006, s'utilise dans la pratique du coaching), ateliers créatifs (mandalas, Urban Art...) et stages en milieu de soin, ou dans des structures socioculturelles et pédagogiques, s'ajoutent à la publication de la revue Art & Thérapie et à l'organisation de manifestations.

médiation

La médiation artistique permet d'accompagner enfants, adultes, personnes en fin de vie, prisonniers, handicapés, marginaux... qu'ils soient en souffrance psychique ou bien en évolution. Plutôt que de procéder à une analyse comme en psychothérapie traditionnelle, l'art-thérapie que l'on enseigne à l'Inecat propose un autre mode d'expression : peinture, musique, écriture, improvisation théâtrale, gestualité non verbale, danse, etc. « Les permanents bénévoles et les professeurs rémunérés, ce qui fait environ vingt-cinq personnes, travaillent activement et interviennent, au nom de l'art, auprès des élèves », explique Jean-Pierre Klein. L'association est financée par les inscriptions aux formations, par les abonnements à la revue et, tous les trois ans, par une subvention du Centre national du livre.

Par ailleurs, l'Inecat s'inscrit dans une démarche d'échanges et de partenariats. Membre de l'Association européenne de psychothérapie, il fait partie de la World Federation for Mental Health. « Nous avons signé une convention avec une école fondée à Barcelone, la Escuela de arteterapia, nous participons à plusieurs programmes européens, comme Socrates et Grundwig, et nous sommes engagés, pour trois ans, dans un travail de formation à l'art-thérapie avec la Roumanie », ajoute Jean-Pierre Klein.

« guérison »

L'art-thérapie soigne-t-elle ? « Elle transforme nos tourments. On peut les projeter et travailler dessus. La médiation artistique participe à l'amélioration, voire à une guérison. D'ailleurs, la psychanalyse s'est depuis toujours intéressée à la création. » Jean-Pierre Klein, auteur du Que sais-je ? sur l'art-thérapie(3), insiste : le thérapeute, comme le malade, doivent accepter de ne pas tout comprendre. Les approches spécifiques que propose l'Inecat permettent d'endormir, en quelque sorte, les résistances au changement, par un travail extrêmement subtil. Les psychiatres les plus traditionnels se sont aperçus de l'intérêt d'un tel accompagnement. « À travers une oeuvre, ce sont des choses fondamentales qui se révèlent, insiste le fondateur de ce lieu d'initiation et de transmission. Ce qui caractérise nos activités, c'est le gérondif. Toujours en mouvement, en recherche de créations nouvelles, dans la réflexion sur ce qu'on fait et sur l'éthique du respect de l'autre. »

(1) Pleins Feux, 2006.

(2) Inecat, 27, rue Boyer, 75020 Paris.

Tél. : 01 46 36 05 00/06 62 73 87 79

Internet : http://www.inecat.org.

(3) L'art-thérapie, PUF, n° 3137.

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