Le camouflet du Conseil d'État - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

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La juridiction administrative valide les épreuves de vérification des connaissances des aides opératoires et aides instrumentistes...

Mauvaise nouvelle pour les infirmières de bloc et les infirmières endoscopistes. Le 27 septembre, le Conseil d'État a rejeté la requête de l'Unaibode, l'Aeeibo, du Gipsi et de la CNI, revenant sur la suspension des épreuves pour les aides endoscopistes. Cette requête visait à annuler le décret et l'arrêté du 10 août 2005 relatifs à « l'organisation des épreuves de vérification des connaissances des personnels aides opératoires et aides instrumentistes » non diplômés.

distinction subtile

Ces textes modifiaient le décret et l'arrêt de 2002 en ouvrant encore plus à des personnels non diplômés « bénévoles » l'accès à ces épreuves. Deux recours avaient été déposés le 24 août 2005 auprès du Conseil d'État.

À la lecture de la décision, Me Jean-Christophe Boyer(1), l'avocat des organisations infirmières, ne masquait pas son indignation : « On marche sur la tête. Lors de son contrôle de légalité, le Conseil d'État n'a pas suivi le juge des référés qui avait suspendu les épreuves des aides endoscopistes au motif qu'elles exercent dans des spécialités médicales et non chirurgicales. Cette fois-ci, les juges du fond relèvent qu'en permettant aux aides opératoires d'assister des praticiens en dehors d'une spécialité chirurgicale, le décret ne méconnaît pas l'exigence imposée par la loi, de limiter l'activité des aides opératoires endoscopistes à la seule assistance des praticiens aux cours d'interventions chirurgicales. Le Conseil d'État ne s'est attaché qu'à la lettre du texte, et n'a absolument pas intégré son esprit, qui l'aurait conduit à prendre toute la mesure de la spécificité des matières médicales. Il estime que les aides endoscopistes sont autorisées à pratiquer des actes chirurgicaux lors d'interventions chirurgicales en qualité d'aides opératoires endoscopistes, et non pas des actes médicaux au cours de soins réalisés en cabinet médical. La distinction entre les actes autorisés et interdits est trop subtile pour être intelligible ! Les aides endoscopistes vont ainsi croire à tort qu'elles peuvent travailler en cabinet, et seront donc indirectement confortées dans leur pratique illégale de la profession d'infirmière dans les cabinets médicaux, en violation de l'article L. 4311-13 du Code de la santé publique, qui légalise seulement les actes pratiqués par des aides opératoires endoscopistes au cours d'une intervention chirurgicale ».

« démembrement »

Pour les associations infirmières, l'arrêté du 10 août 2005, qui instaure une dérogation au diplôme infirmier, met à mal la logique d'équivalence entre les diplômes européens et surtout les exigences de formation minimum imposées à chaque État de l'Union. Sur ce point, le Conseil d'État refuse de contrôler la violation du droit communautaire, et estime que le contrôle de légalité des directives communautaires de 1977 aurait dû être demandé lors des recours de 2002, et que les modifications apportées par le décret de 2005 ne permettent pas de contrôler le texte dans son ensemble.

« Le contrôle de la légalité du texte n'a pas eu lieu. L'argument sur le respect des directives européennes reste donc intact. C'est désagréable, le Conseil d'État ne nous donne ni tort ni raison. Je regrette que l'argument n'ait pas été soulevé en 2002. Nous assistons au commencement du démembrement de la profession d'infirmière, au détriment de la sécurité du patient », conclut Me Boyer.

1-Cf. interview publiée dans L'Infirmière Magazine n° 218, juillet 2006, p. 15.