Le secteur sous tension - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

politique de soins

Dossier

Les alternatives à l'hospitalisation, mises en pratique dans les années 1990, sont menacées par le manque de moyens.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la population découvre avec horreur que 40 000 personnes internées dans les asiles sont mortes de faim. Pendant cette période de pénurie, nourrir « les malades mentaux » n'était pas considéré comme prioritaire : les asiles n'ont donc pas été approvisionnés en budget et en nourriture. Cette « extermination douce », qui fait écho aux camps nazis, choque l'opinion publique, qui prend conscience de l'atrocité des asiles, de son caractère carcéral et de l'exclusion sociale des aliénés, coupés de tout. Cette prise de conscience marque un véritable tournant dans l'histoire de la psychiatrie, avec l'émergence de l'idée de « secteur psychiatrique ».

Aujourd'hui, de nombreuses structures permettent aux personnes souffrant de troubles psychiques d'être suivies à domicile. Mais réussit-on réellement à soigner hors de l'hôpital ? Est-on allé au bout de la logique de secteur ? Enfin, celui-ci a-t-il su évoluer ?

Des murs et des hommes

C'est Lucien Bonnafé qui est à l'origine du « secteur ». Père du mouvement désaliéniste, on lui attribue la maxime « des hommes, pas des murs », qui résume sa pensée. « Son leitmotiv, c'était de faire sortir les malades des hôpitaux et de les soigner dans la cité », affirme Paul Brétécher, psychiatre, qui exerce actuellement à Corbeil-Essonnes, le fief du théoricien du secteur. Lucien Bonnafé dénonce le caractère inhumain de l'enfermement à vie dans les asiles, et plaide, avec les désaliénistes, pour des prises en charge diversifiées et des proximités adaptées aux besoins des patients. La sectorisation vise ainsi à promouvoir une évolution du dispositif de soins en laissant une place aux soins ambulatoires. Mais, le combat pour « une psychiatrie dans la cité » sera long. C'est une circulaire du 15 mars 1960(1) qui consacre le secteur, mais à titre expérimental, sans l'imposer.

Cette circulaire ministérielle institue la notion de « secteur » afin d'assurer une continuité du traitement en un même lieu : chaque service de psychiatrie doit couvrir les besoins d'une population de 70 000 personnes environ en s'appuyant sur des structures à l'extérieur de l'hôpital. Le rôle des équipes psychiatriques, devenues pluridisciplinaires, ne se limite plus à une prise en charge médicale : leur mission s'élargit désormais à la réintégration du malade dans son milieu familial et social.

Comme l'application de ce texte n'a pas été planifiée, il faut attendre 1972 et 1974 pour que celle-ci soit précisée.

Pivots du secteur

C'est seulement en 1985 qu'une loi officialise le secteur et définit clairement l'organisation technique de ses moyens d'intervention. Et il faut attendre 1992 pour qu'apparaissent les premiers centres médico-psychologiques (CMP), les pivots du secteur. Aujourd'hui encore, le secteur structure l'organisation des soins dans le dispositif de la psychiatrie publique en France. Et l'esprit est resté le même. Pauline Rhenter, sociologue et rédactrice de la thèse De l'institutionnel au contractuel : psychiatrie publique et politiques de santé mentale en France (1945-2003) récapitule ainsi la notion : « Le secteur est le principe d'une éthique tout autant qu'un mode d'organisation des soins : dans sa définition pauvre, la despécification territoriale de la psychiatrie désigne la désolidarisation progressive de l'exercice de la psychiatrie du lieu unique de l'asile. Dans sa définition dynamique, elle répond à un objectif de prise en charge du malade dans et avec son milieu social. En tant qu'organisation, le secteur implique la diversification des lieux de soins, notamment extra-hospitaliers. »

Grâce à cette politique menée depuis quarante ans, beaucoup de murs sont tombés, et les structures extrahospitalières permettant d'éviter l'hospitalisation se sont rapidement développées.

Pièce maîtresse

Implantés dans la cité, en dehors de l'hôpital, les CMP jouent un rôle central. Ces unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert organisent des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile. Depuis la circulaire de 1990, le CMP est la pièce maîtresse du dispositif de soins du secteur. Il a pour mission d'organiser et de coordonner toutes les actions extra-hospitalières en articulation avec les unités d'hospitalisation. « Le CMP est l'outil principal du secteur puisqu'il est le pôle d'organisation du travail en réseau », renchérit Gérard Massé, chef de service au centre hospitalier Sainte-Anne. Parmi les autres dispositifs, les prises en charge à temps partiel - comme les hôpitaux de jour et les CATTP (centres d'accueil thérapeutique à temps partiel) - ont permis aux malades d'être soignés sans être hospitalisés.

Thérapie de groupe

Implantés soit auprès des services d'hospitalisation, soit auprès des CMP, les hôpitaux de jour accueillent des patients ayant besoin de soins réguliers, sans pour autant nécessiter une hospitalisation à temps complet. Quant aux CATTP, ils ont pour objectif de maintenir ou favoriser une existence autonome par des actions de soutien et par des thérapies de groupe. Ils s'adressent à des patients plus stabilisés et orientent leur activité vers la réadaptation sociale. Dans ces structures, la prise en charge peut se faire durant toute ou une partie de la journée, un ou quelques jours par semaine. Les protocoles thérapeutiques sont individualisés et sont en principe révisés périodiquement pour éviter la chronicisation et préparer la réinsertion(2).

D'autres structures viennent également compléter la liste des différents modes de prise en charge en psychiatrie : les centres de postcure, les appartements thérapeutiques ou encore les CMPP (centres médico-psychopédagogiques), équivalents des CMP pour les enfants et les adolescents, et les Bapu (bureaux d'aide psychologique universitaire) qui assurent des consultations destinées aux étudiants et aux élèves de terminale.

Chiffres encourageants

En 2004, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) publiait une enquête intitulée Les secteurs de psychiatrie générale en 2000, dressant un bilan plutôt positif de la politique de secteur : les soins sont désormais réalisés à 85 % en ambulatoire. Nelly Derabours, infirmière de secteur psychiatrique dans un CMP à Paris, confirme ce chiffre : « sur notre secteur, les trois quarts de la file active(3) sont suivis en ambulatoire. » Selon l'enquête, entre 1989 et 2000, le nombre de lits d'hospitalisation à temps plein a diminué de 49 %, alors que le nombre de CATTP a triplé, et l'accès aux CMP a été facilité, puisque tous les secteurs en sont désormais équipés. Les hospitalisations tendent à être plus courtes : de 86 jours en 1989, la durée moyenne est ainsi passée à 45 jours en 2000. La file active ambulatoire, elle, a crû de 75 % entre 1989 et 2000. Ce sont les soins et interventions en CMP qui ont connu la plus forte croissance dans cette période : + 89 %.

Équipes débordées

« Le CMP, qui a réussi à être au centre du dispositif et à s'intégrer dans la cité en développant un travail de réseau, a été victime de son succès : aujourd'hui, les équipes sont débordées par les demandes », explique Marie-Noëlle Poirrier, psychologue dans un CMP. Et cela n'est pas près de changer. Alors que depuis 1997, les recours aux autres modalités de soins ont stagné, ceux en CMP continuent d'augmenter sensiblement (+ 14 % entre 1997 et 2000). L'enquête de la Drees permet donc de constater que la grande majorité des soins de santé mentale donnent lieu à un suivi essentiellement ambulatoire. Un des objectifs de la politique de secteur qui était de soigner hors les murs semble donc atteint. Pourtant, pour beaucoup de professionnels, « la politique de secteur n'a pas été menée à son terme et le prisme de l'hôpital est encore trop important », comme l'affirme Anne-Marie Leyreloup, cadre de santé et présidente de l'association Serpsy (Soin étude et recherche en psychiatrie). En 2000, la Cour des comptes dénonce dans un rapport le trop fort hospitalocentrisme de la psychiatrie française. Elle épingle également la carence de l'État qui, depuis 1993, dispose d'une Mission nationale d'appui en santé mentale (Mnasm) dont les travaux, selon elle, ne sont pas suffisamment exploités.

« Traumatisme »

À la tête de cette mission, Gérard Massé estime, quant à lui, que « la moitié du personnel d'un établissement psychiatrique devrait travailler hors des murs. Or, actuellement, on est seulement à 15 % ! Si on ne franchit pas ce cap, nous n'aurons jamais de politique extra-hospitalière importante ». Claude Finkelstein, présidente de la Fnapsy (Fédération nationale des associations de patients et ex-patients en psychiatrie), qui craint que le secteur ne meure avant qu'il n'ait été réellement mis en place, est plus virulente. Selon elle, « si le dispositif extra-hospitalier et le travail de prévention étaient plus développés, entre 65 et 70 % des hospitalisations pourraient être évitées ». Même si les hôpitaux n'ont plus rien à voir avec les asiles d'antan et si une hospitalisation est parfois inévitable, elle n'est jamais anodine. « Chronicité, rupture avec la famille, perte d'emploi... dans tous les cas, les conséquences négatives pour les patients sont nombreuses », énumère Anne-Marie Leyreloup. « L'hospitalisation est toujours traumatisante, mais pas seulement en psychiatrie, renchérit Gérard Massé. Une hospitalisation à plein temps suppose des soins intensifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À partir du moment où le patient est stabilisé, même de façon partielle, et que l'objectif en fonction des thérapeutiques est atteint, il ne doit plus rester à l'hôpital : soit il relève d'un autre lieu de soins, soit il doit rentrer chez lui ! »

Déficit d'hébergement

Mais c'est là où le bât blesse : si le dispositif extra-hospitalier a fait ses preuves, il y a actuellement un grand déficit en termes de structures d'hébergement. « Souvent, les patients restent hospitalisés, faute de logement. S'ils sont envoyés à la rue, la rechute est inévitable », souligne l'infirmière Nelly Derabours. D'autant plus que les structures ambulatoires ou à temps partiel ne sont pas forcément appropriées pour toutes les personnes souffrant de troubles psychiques. « Un suivi en CMP suppose que la personne soit capable de vivre de manière autonome, sans se mettre en danger. Il faut aussi qu'elle soit compliante aux soins et ne soit pas trop déstructurée, car si elle rate un rendez-vous médical, il faudra attendre une à deux semaines pour en obtenir un nouveau, explique la psychologue Marie-Noëlle Poirrier. Quant aux CATTP, il faut faire la démarche de venir, et être capable de supporter les groupes ! »

À sa façon, le secteur social et médico-social prend aussi le relais. Les foyers Sonacotra ou pour jeunes travailleurs accueillent, parfois avec réticence, les personnes qui sortent d'une hospitalisation. Le personnel n'est pas toujours formé à l'accueil de ce type de public et rencontre souvent des difficultés.

Appel d'air

Depuis une vingtaine d'années, les équipes pluriprofessionnelles réfléchissent à d'autres structures intermédiaires, gérées à la fois par le secteur sanitaire et le secteur social : appartements thérapeutiques, maisons communautaires, foyers de vie, studios-satellites, SAVS (services d'accompagnement à la vie sociale)... Sur le terrain, les initiatives portées par les hôpitaux, les CMP ou les associations d'usagers sont multiples et certains secteurs sont d'ailleurs déjà dotés de ces structures qui ont fait leurs preuves. Le plan Santé mentale, qui prévoit la création en trois ans de 1 900 places de Samsah (services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés) pourrait également créer un appel d'air pour tous les secteurs qui peinent à mettre en place ce type de structure, faute de moyens.

Des effectifs ou des lits

Car le problème est toujours le même : celui des ressources. Et la réduction du nombre de lits depuis une dizaine d'années n'a pas toujours été concomitante au développement de l'extra-hospitalier. « Pour soigner hors de l'hôpital, il faut des moyens et en psychiatrie, des moyens, ce sont des hommes. Mais il y a plusieurs obstacles. Pour les deux tiers des secteurs rattachés à des centres hospitaliers spécialisés, déplacer les moyens hors des murs est vraiment difficile, parce que la culture demeure avant tout hospitalière. Pour les autres, qui dépendent de l'hôpital général, les dotations initiales sont modestes face aux autres disciplines jugées prioritaires », résume Gérard Massé, avant d'évoquer également le problème du recrutement du personnel médical et non-médical. « Quand il y a une baisse de moyens, ce sont souvent les structures extrahospitalières qui sont menacées car elles sont plus coûteuses. Pour répondre à toutes les missions du secteur, c'est-à-dire la prévention, le soin, l'insertion, il faut des effectifs. En termes de coût, il est plus intéressant d'avoir des lits », ajoute Nelly Derabours.

Déséquilibre

En outre, les disparités régionales sont très importantes, « selon les moyens, l'histoire et le dynamisme des équipes », comme le souligne Gérard Massé. Et ces écarts sont d'autant plus accentués que le découpage sectoriel n'a pas bougé depuis la création du secteur. Bernard Raynal, président de l'Adesm (Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale) et directeur du centre hospitalier Guillaume-Régnier à Rennes, plaide pour une remise en cause du découpage sectoriel : « Les zones ont été définies dans les années 70, et depuis, la démographie a beaucoup évolué. Les secteurs ne recoupent plus des territoires homogènes. Certains associent une partie urbaine et une partie rurale. Il est donc difficile de mettre en place des projets cohérents et uniformes. Le découpage devrait être redéfini régulièrement », estime-t-il. L'évolution démographique a aussi accentué les disparités initiales de taille entre les secteurs : « À l'origine prévus pour 67 000 habitants, certains secteurs couvrent 30 000 personnes, d'autres 200 000, sans que les moyens n'aient été adaptés », poursuit Gérard Massé. Ces inégalités entre secteurs se retrouvent également dans les dotations en personnel.

Objectifs prioritaires

Très attendu, le plan Psychiatrie et santé mentale ne remettra pas en cause pour l'instant le découpage sectoriel, mais certaines mesures de ce plan pourraient avoir des conséquences sur la politique de secteur et sur le développement de l'extra-hospitalier. Ainsi, la circulaire du 20 décembre 2005 définit comme objectifs prioritaires de santé publique le développement des alternatives à l'hospitalisation, le rapprochement des activités de psychiatrie des bassins de population, le renforcement des capacités de prise en charge en pédopsychiatrie et l'humanisation des conditions d'hébergement. Mais, pour beaucoup de professionnels, les mesures annoncées sont restées jusqu'à présent lettre morte.

Le plan a également relancé le débat sur les horaires d'ouverture des structures ambulatoires, jugées peu pertinentes. Claude Finkelstein explique : « Ouvrir un CMP à 9 heures, cela n'a aucun sens, quand on sait que certains malades ne peuvent pas se lever à cause de leur traitement ou de la maladie. Ils ne viendront jamais avant 11 heures. Par contre, il ne faut surtout pas fermer avant 19 heures, pour ceux qui travaillent, par exemple ! » Les professionnels sont du même avis. « Pour renforcer l'extra-hospitalier, il faut revoir les amplitudes d'ouverture des CMP, créer des équipes mobiles pour aller à domicile, dans les institutions, les écoles... » soutient Bernard Raynal. « Pour une psychiatrie efficace, il ne faut pas multiplier des lits, mais il faut qu'on ait des CMP qui ouvrent le soir jusqu'à 20 heures, et le week-end ! » argumente le psychiatre de Sainte-Anne. « On nous demande d'être disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour le public, mais s'il n'y a pas de créations de postes, ni de moyens supplémentaires, c'est complètement illusoire ! » s'exclame une infirmière de CMP.

Effets pervers de la T2A

Les récentes réformes hospitalières du plan hôpital 2007 ne sont pas non plus sans conséquences sur la politique de secteur. La mise en place des pôles pourrait, selon certains, régler les problèmes de moyens. « La question est de savoir si un pôle sera égal à un secteur, ou s'il regroupera plusieurs secteurs. Certains hôpitaux ont déjà opté pour la seconde solution et ont réuni leurs trois secteurs. Cela a permis de mutualiser leurs moyens : les CMP peuvent par exemple rester ouverts plus longtemps le soir, à tour de rôle », explique Bernard Raynal.

Au coeur de ces réformes, la Tarification à l'activité (T2A) ne s'applique pas encore en psychiatrie. Mais la Valorisation à l'activité devrait être mise en oeuvre dès janvier 2007. Cette version de la T2A adaptée à la psychiatrie n'enchante pas les professionnels, à l'instar de Nelly Derabours qui craint un retour à l'hospitalocentrisme : « En extra-hospitalier, et plus généralement en psychiatrie, beaucoup d'actes ne donnent pas lieu à tarification... Passer trois quarts d'heure au téléphone avec la famille du patient pour la rassurer fait aussi partie de notre travail ! »

Handicap social

Autre récent changement : la reconnaissance du handicap psychique. Grâce à l'action des associations d'usagers, et notamment de l'Unafam et de la Fnapsy, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a reconnu que la maladie mentale génèrait un handicap et que les conséquences sociales ne relevaient pas seulement du soin. Une révolution pour les personnes souffrant de troubles psychiques, qui peuvent ainsi avoir pleinement accès aux dispositifs en faveur des personnes handicapées et être mieux intégrées dans la cité. Mais certains professionnels craignent qu'avec cette loi, la prise en charge des malades psychiques ne bascule vers le social. « La reconnaissance du handicap psychique est une bonne chose et il est primordial de travailler avec le secteur social et médico-social. Mais il ne faut pas que les malades psychiques soient systématiquement et uniquement renvoyés vers des structures sociales et médico-sociales. La maladie mentale peut évoluer sur le long terme et les malades psychiques ont besoin de soins ! » estime le psychiatre Paul Bretécher. « Si l'on considère que la personne est seulement handicapée, on oublie qu'elle peut aller mieux ou moins bien, continue la psychologue Marie-Noëlle Poirrier. L'ouverture vers le médico-social est très intéressante. Il faut travailler ensemble, transférer des pratiques d'une culture à une autre, mais il ne faut pas pour autant diminuer le soin ! »

Pétition

Ces récents changements, les réformes hospitalières et le plan Santé mentale, annoncent, pour beaucoup, la mort prématurée de la politique de secteur. Une pétition intitulée « Non à la destruction de la psychiatrie publique et de secteur » à l'appel de plusieurs psychiatres, infirmiers et cadres de santé(4), dénonce le plan Hôpital 2007 : « Ce projet vise à imposer à tous les hôpitaux publics les modes de gestion du libéralisme économique. Il s'agit donc de développer les soins qui seraient rentables et d'abandonner les autres », peut-on lire sur la pétition, qui a déjà recueilli plus de 700 signatures. Le ton est certes alarmiste mais les craintes paraissent justifiées : car si les CMP et les CATTP qui ont largement fait leurs preuves ne sont probablement pas menacés par ces réformes, la recherche de rentabilité n'encouragera vraisemblablement pas le développement de structures alternatives beaucoup plus coûteuses en moyens humains et financiers.

(1) : Circulaire relative au programme d'organisation et d'équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.

(2) : Source Dress.

(3) : Définie comme « l'ensemble des patients vus au moins une fois dans l'année par un des membres de l'équipe de secteur ».

(4) : Site http://www.psychiatrie-desalieniste.com.

point de vue

DU SECTEUR AU RÉSEAU

« Depuis une dizaine d'années, la définition juridique et politique du "réseau", qui en fait un mode de relation idéal entre professionnels, lui attribue des caractéristiques opposées au secteur psychiatrique, explique la sociologue Pauline Rhenter. Toutefois, sa définition praticienne contredit cette présentation. L'étude des expériences locales enseigne que la fragilisation du secteur psychiatrique précarise le réseau, sous les effets conjoints de l'augmentation de l'activité de secteur, de l'impasse démographique de la psychiatrie publique, de la baisse globale des lits et de la faiblesse des structures alternatives à l'hospitalisation. Plusieurs obstacles au décloisonnement sanitaire et social achèvent de perturber la pérennisation du travail de réseau : d'une part, son caractère "chronophage", conjugué à la fragilité de l'institution psychiatrique, pousse les professionnels du secteur à se recentrer sur le soin au détriment du partenariat avec d'autres acteurs non sanitaires ; d'autre part, des réticences professionnelles sont mises à nu par l'incitation au travail de réseau, dans la mesure où il exige des acteurs une déstigmatisation de professions relevant d'autres champs. Enfin, parce qu'il est fondé principalement sur des initiatives individuelles et dépourvu de "garanties d'exécution", le réseau peine à s'institutionnaliser. »

En chiffres

> En 2002, on comptait en France, selon la Dress, 342 établissements psychiatriques publics, 278 privés, et 134 lits pour 100 000 habitants de plus de 20 ans en moyenne, ce qui correspond à un total de 59 908 lits de psychiatrie générale.

> La superficie moyenne d'un secteur de psychiatrie générale est de 770 km2, mais elle varie de 81 km2 en Île-de-France à 2 170 km2 en Corse à plus de 5 000 km2 dans les départements d'outre-mer.

> Le temps d'accès entre la commune la plus excentrée d'un secteur et l'hôpital le plus proche est en moyenne de 43 minutes, mais dépasse parfois deux heures.

> En 2000, un secteur de psychiatrie générale disposait en moyenne d'une équipe médicale de 6,2 équivalents temps plein (ETP), 53,8 ETP d'infirmières, 2,5 ETP de psychologues, 8 ETP d'agents de service hospitalier, 6,7 ETP d'aides-soignants, et 3,2 ETP de secrétaires médicales.

alternatives

L'HAD EN PSYCHIATRIE ?

Alors que l'hospitalisation à domicile (HAD) s'est développée en MCO depuis le début des années 80, elle est quasi-inexistante en psychiatrie. Pourtant, l'HAD, dispositif en parfaite cohérence avec la politique de secteur, aurait tout à fait sa place dans l'offre d'alternatives pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Claude Finkelstein, présidente de la Fnapsy, milite depuis plusieurs années pour l'HAD et y voit une solution alternative idéale : « l'HAD permettrait d'éviter une hospitalisation et tout ce qui s'ensuit : isolement, perte d'emploi... etc. » Pour les professionnels, ce faible engouement pour l'HAD s'explique facilement : jusqu'à présent, pour avoir des places en HAD, il fallait supprimer des lits dans les hôpitaux. Mais depuis la circulaire de la DHOS du 4 février 2004, qui a défini les objectifs de l'HAD en psychiatrie, la donne a changé et les projets d'HAD commencent à se développer. C'est le cas à Paris dans les Ier et IVe arrondissements où une équipe soignante est dédiée aux soins à domicile.

Bibliographie

> Enquête de la Dress Les secteurs de psychiatrie générale en 2000 : évolutions et disparités publiée dans Études et Résultats n°342, octobre 2004.

> Guide de la psychiatrie publique à Paris, Psycom 75.

> La psychiatrie en France, quelles voies possibles ? Mission nationale d'appui en santé mentale (Mnasm), Éditions de l'École nationale de la santé publique, 2005

> La lettre du plan Psychiatrie et Santé mentale, n°1, mai 2006.

> Territorialité et Santé mentale, Gérard Massé et Emmanuel Vigneron, Pluriels, La lettre de la Mission nationale d'appui en santé mentale, n° 60, juillet 2006.

> Pour une réhabilitation psychosociale à la française, L'information psychiatrique, vol 82. N°4, avril 2006.

> Politique de la ville et santé mentale, Pratiques en santé mentale, Fédération d'aide à la santé mentale, Croix-Marine, n°3, août 2005.

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