Quand les dépressifs prennent la parole - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

Militants

Du côté des associations

Autour de France-Dépression, les malades se soutiennent entre eux et s'emploient à casser les idées reçues sur leur pathologie. Une démarche en marge de l'univers du soin.

« La première fois, je suis venue à France-Dépression sur les conseils de mon psychiatre. Aujourd'hui, je fais partie de l'équipe active permanente. » Madeleine Martin, vice-présidente de l'association, sourit. Avec les autres membres de l'équipe, c'est elle qui donne le ton aux activités de l'organisation, fondée en 1992 par des patients, leur famille et leur entourage, soutenus par des professionnels de la santé. « Pour moi, c'est thérapeutique de m'occuper des gens, poursuit-elle. Ça me canalise. Quand on est passé par une dépression, on a envie d'aider les autres. » Sur une étagère, près de l'entrée, une photo : celle de Dominique Attal-Levy, disparue en 1999, cofondatrice et marraine de l'association. Depuis 2001, les bureaux sont installés dans des locaux parisiens, au sein du Céasil (Centre d'étude et d'action sociale et d'initiatives locales), dans le XVe arrondissement.

entre « usagers »

« Notre association évolue avec les hauts et les bas de nos membres, explique Stéphanie Wooley, la présidente. Moi, j'ai été hospitalisée trois fois, dans trois pays différents, pour des accès maniaques, sans mon consentement. En France, l'accueil psychiatrique et la violence de la prise en charge ont été la cause d'un échec pour moi. Je voulais que plus personne ne vive ça. Alors je me suis investie dans le mouvement des usagers. » France-Dépression, qui bénéficie d'une subvention du ministère de la Santé depuis 2001, est un point de rencontre entre « usagers en santé mentale », selon la terminologie employée. Elle ne prétend pas se substituer à l'aide médicale, mais agit en complémentarité, afin d'éviter l'exclusion des personnes en souffrance psychique. L'équipe, constituée d'une dizaine de bénévoles, « n'est pas là pour diagnostiquer, insiste Madeleine Martin. D'ailleurs, nous refusons la présence de professionnels de la santé dans nos réunions, car cela en fausserait la nature même ».

dialogue bénéfique

Trois fois par mois, ces groupes de parole permettent de communiquer avec d'autres personnes qui ont vécu une expérience proche. La confidentialité est la règle. Chaque groupe est encadré par un membre du bureau, lui-même porteur ou ex-porteur de la maladie, mais qui a du recul par rapport à elle.

Tout le monde peut prendre la parole pour faire part de ses inquiétudes, ou simplement pour communiquer. « La solitude, c'est le pire de tout. Le but de ces rencontres est de rompre l'isolement. Les gens qui n'ont pas été malades ont du mal à comprendre la souffrance psychique. Dans nos groupes de parole, les participants arrivent à s'exprimer. C'est un soulagement pour eux », assure la vice-présidente. Sans pour autant être des thérapies de groupe, ces réunions ont un effet thérapeutique certain. Et surtout, elles libèrent : « Il y a quelque temps, un jeune garçon, après trois rencontres, a parlé à son psychiatre de ses idées suicidaires. Le fait que d'autres abordent le sujet, ça a facilité son cheminement, et a permis d'adapter son traitement », se souvient Stéphanie Wooley. Son souhait : voir les patients devenir acteurs de leur propre santé.

réseau d'échanges

« Vous vous sentez comment, au travail ? Non, ne vous faites pas licencier ! » Madeleine Martin assure la permanence téléphonique certains après-midi. « Je laisse parler la personne pour cerner son problème. Je l'écoute. Puis je l'invite à nous rejoindre. L'adhésion coûte 30 euros par an, mais les difficultés financières ne doivent jamais être un obstacle. » D'autres bénévoles prennent le relais le reste de la semaine. Beaucoup de lettres et d'appels viennent de province. France-Dépression Bourgogne a été fondée en 2000, à Sens, et des antennes régionales ont également vu le jour en Normandie, en Lorraine et en région Centre. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, une structure locale est en cours de création.

soutenir et informer

Des conférences publiques sont animées par les membres du comité scientifique, c'est-à-dire les professionnels qui soutiennent et reconnaissent l'association. L'objectif ? Susciter la compréhension du grand public vis-à-vis de la dépression et combattre les a priori sur la maladie mentale.

La troisième édition de la Journée européenne de la Dépression s'est tenue en octobre, à Paris. « Nous avons voulu montrer que chacun peut jouer un rôle pour enrayer l'impact de la dépression sur les patients, leur famille, la société, l'économie », souligne Stéphanie Wooley. Plus qu'un simple lieu d'accueil, France-Dépression milite sur tous les fronts pour qu'enfin « le malade psychique, citoyen à part entière, passe d'un statut d'aliéné à celui d'usager ».

Association France-Dépression,

4, rue Vigée-Lebrun, 75015 Paris.

Tél. : 01 40 61 05 66.

Internet : http://www.france-depression.org.

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