Questions de poids - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

Neuroleptiques

Thérapeutiques

Efficaces contre la schizophrénie, les neuroleptiques font aussi grossir. Un effet secondaire qui n'est pas toujours pris en compte.

C'est dans les années 50 que les médecins ont commencé à prescrire des neuroleptiques aux schizophrènes. À l'époque, c'est une véritable révolution thérapeutique. Mais alors que l'attention des cliniciens est centrée sur les troubles extra-pyramidaux, les effets secondaires les moins graves sont passés sous silence. À commencer par les prises de poids, qui peuvent survenir sous certains traitements, comme le Largactil® et le Melleril®.

image d'innocuité

Avec le développement des neuroleptiques de seconde génération, également appelés antipsychotiques atypiques, les effets secondaires neurologiques invalidants des neuroleptiques conventionnels sont devenus plus discrets et contrôlables.

L'image d'innocuité que les industriels du médicament tentent de mettre en avant est altérée par l'observation fréquente d'effets secondaires jusqu'alors inexistants ou restés au second plan avec les neuroleptiques classiques. Avec les troubles des fonctions sexuelles, la prise de poids est devenue une complication fréquente des traitements de la schizophrénie. Sur le plan physique, une surcharge pondérale entraîne un cortège de pathologies associées pour les patients, allant des troubles cardiovasculaires aux diabètes non insulinodépendants, des dyslipidémies aux troubles respiratoires, ostéoarticulaires et néoplasiques. Sans compter les répercussions sociales et psychologiques que peut entraîner un gain pondéral rapide.

Devant ce constat de prises de poids importantes chez des patients traités par antipsychotiques, plusieurs études ont été menées pour apprécier la fréquence et l'importance de cette complication en fonction des différentes molécules. Selon plusieurs auteurs, les traitements par clozapine (Leponex®) et olanzapine (Zyprexa®) sont à l'origine de gains pondéraux de l'ordre de 10 % chez 30 à 50 % des patients traités. Avec la rispéridone (Risperdal®), la prise de poids semble plus modérée et pourrait croître avec la dose. Les données concernant l'amisulpride (Solian®) sont actuellement controversées, mais il pourrait également entraîner une prise de poids modérée. Dernier venu sur le marché français, l'aripiprazole (Abilify®) n'aurait pas de répercussion sur le poids. Ce qui reste à confirmer.

Le mécanisme d'action de la prise de poids sous neuroleptiques est mal connu. Il est plurifactoriel et associerait une diminution du métabolisme de base du sujet à une stimulation de l'appétit ainsi qu'à une diminution de l'activité physique favorisée par la sédation que provoquent les neuroleptiques. L'appétit et le poids sont régulés par de nombreuses hormones agissant sur l'hypothalamus. L'hormone leptine, identifiée dans les années 90, serait responsable de la sensation de satiété et pourrait avoir un rôle important dans le gain de poids sous antipsychotiques atypiques.

Outre ses effets graves sur la santé, la prise de poids est souvent à l'origine d'une mauvaise observance du traitement. Elle peut aboutir à une rupture de soin et expose le patient à une rechute psychotique. L'enjeu est sérieux et justifie un travail de prévention de cet effet secondaire. L'industrie du médicament a pris une part importante dans ce travail en présentant aux soignants des outils visant à diffuser des conseils « hygiéno-diététiques » (horaires des repas, répartition des charges caloriques, exercice physique). Mais cette approche tend à minimiser le rôle propre de la molécule dans le gain pondéral.

réinvestir le corps

La prise de poids doit être considérée comme un véritable effet secondaire du traitement et doit être intégrée dans le calcul du rapport bénéfice/risque. Face à un gain de poids important, un changement de molécule est souhaitable si l'état du patient le permet. Un travail psychothérapeutique peut être précieux pour ces patients et l'intervention d'un psychomotricien peut les aider à réinvestir un corps devenu différent.

Prise de poids pharmaco-induite par les psychotropes et sa prise en charge : revue des données de la littérature ; O. Ruetsch et all. ; L'Encéphale, 2005, vol. 31 : pp. 507-516, cahier 1.

Le vécu corporel au travers des prises de poids pharmaco-induites ; Viala, Bardou ; Nervure Tome XVIII, avril 2005.