Secret - L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 221 du 01/11/2006

 

Juridique

Infirmière depuis 1982, j'ai été confrontée dernièrement au problème suivant : un patient SDF, ancien détenu, est venu dans notre service pour être soigné dans le cas d'une maladie grave. Au cours de son hospitalisation, nous avons appris qu'il était sous mandat d'arrêt mais qu'il n'en n'était pas informé. En ce qui concerne notre équipe, nous n'avons rencontré aucune difficulté avec ce patient dans sa prise en charge. Mais nous avons dû le diriger sur un établissement médical où il existe des lits de soins de suite pour la continuité de sa prise en charge ; j'ai donc rédigé le jour de sa sortie une fiche de liaison pour mes collègues de cet établissement, donnant des informations sociales et infirmières concernant ce patient.

À l'arrivée dans cet établissement, le patient a été aussitôt refusé et l'assistante sociale de mon service m'a alors vivement reproché la rédaction de ma fiche de liaison en ce qui concernait les informations sociales que je leur avais communiquées. Elle m'a tenu des propos violents en me disant que si le patient était à la rue, c'était de ma faute.

Aussi j'aimerais vraiment savoir si effectivement j'ai eu tort de communiquer ces informations et s'il existe un texte de loi relatif à ce type de problématique.

Doit-on effectivement s'abstenir de communiquer ces informations judiciaires à d'autres collègues qui prennent le relais ?

L'obligation de secret s'impose dans l'intérêt du malade. C'est là sa propriété et la condition nécessaire de la confiance qu'il porte au professionnel de santé.

Même le patient ne saurait délier le médecin ou l'infirmière du secret. Le respect absolu de ce droit prévu à l'article L. 226-13 du Code pénal constitue une obligation légale, mais aussi déontologique.

Selon le principe consacré comme véritable « droit de la personne » par la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, dite loi Kouchner, toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit « au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant [...] » (nouvel article L. 1110-4 du Code de la santé publique). Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance de l'infirmière dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'elle a vu, entendu, compris, deviné, ou ce qui lui a été rapporté. Ainsi, le secret concerne aussi bien les symptômes, les diagnostics, les traitements de la blessure ou de la maladie d'un patient, mais aussi ses caractéristiques physiques, psychiques, ses croyances religieuses, ses opinions politiques, son intimité et sa vie privée ou sociale.

Néanmoins, le bon fonctionnement des réseaux de soins suppose une communication avancée entre les intervenants.

En résumé, vous n'étiez pas, en vertu de la règle du secret partagé, tenue au secret vis-à-vis de l'équipe soignante de l'établissement de suite qui aurait dû accueillir le patient. Vous n'avez commis aucune faute en informant vos collègues de sa situation sociale, peut-être une maladresse, en n'imaginant pas les conséquences de cette information. Tout est ensuite histoire de conscience professionnelle : qu'en est-il à ce sujet de la responsabilité morale d'un établissement refusant un patient, sous prétexte qu'il est recherché par les autorités judiciaires ?

Rappelons par ailleurs, si cet établissement était allé au bout de sa logique, l'article 434-1 du Code pénal : « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les acteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »

Principe élémentaire de la relation de soins, le secret constitue un garant de la confiance indispensable qui s'instaure entre un professionnel de santé et son patient.

Cette obligation de discrétion s'inscrit plus largement dans le cadre du respect de la personne, afin de la protéger et en aucun cas pour protéger le professionnel.

Si la dispense de soins dans la cadre de réseaux ou de filières s'est considérablement développée ces dernières années, la notion de secret partagé reste floue et les droits du patient au secret mal protégés.

Aussi, en cas de doute sur l'étendue de la règle du secret, vous devez toujours raisonner en fonction de ce qu'exige l'intérêt thérapeutique du patient.

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