Le Téléthon dévoile les visages du handicap - L'Infirmière Magazine n° 222 du 01/12/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 222 du 01/12/2006

 

Vous

Vécu

«J'étais toute petite, j'avais trois ans paraît-il, lorsque j'ai dit lors du Téléthon 1999 que j'aimerais que les chercheurs découvrent un médicament, avec un goût de menthe. Le Téléthon m'a donné beaucoup d'espoir et je pense qu'un de ces quatre, ils vont trouver un remède. Il existera un jour, j'en suis sûre, mais je ne sais pas si je serai encore là pour le goûter. L'important, c'est que d'autres puissent guérir et être enfin plus heureux. En attendant, je me sens de mieux en mieux dans ma peau alors qu'on avait annoncé le contraire à mes parents. Parfois, en jouant, je ne pense même plus à mon fauteuil. »

force et humour

À dix ans, Alice rêve de continuer à faire du cinéma. Les téléspectateurs ont d'ailleurs pu la voir en février 2006 sur TF1 dans Maldonne, un très beau téléfilm inspiré par sa mère, dans lequel elle incarnait une jeune malade. Toujours à l'initiative de sa maman, elle a tourné dans un documentaire comparant la situation d'une jeune handicapée en France et au Danemark. Invitée dans plusieurs Téléthon, Alice, a montré avec force et humour combien sa maladie, l'amyotrophie spinale, ne pouvait la résoudre à la résignation. Et elle le prouve tous les jours, tant à l'école que dans sa famille.

Elle rit souvent, Alice, et sa joie de vivre est communicative. Ce petit bout de chou, qui a fêté ses dix ans le 1er avril 2006, apprend le chant avec un professeur - « il est handicapé après un accident de moto, il me comprend bien » -, manie la raquette de tennis de table - « à condition qu'on respecte mon rythme » - et pratique même le foot-fauteuil - « mais je n'aime pas que Stanislas se moque de mon foot à moi ». Stanislas, c'est son cadet d'un an et demi, qui ne manque pas de la taquiner, manière sans doute de banaliser un peu leur différence. « Pour Stan, comme pour moi, Alice est quelqu'un de normal et nous ne faisons pas de différence », tient à rappeler Marie, leur aînée, qui a toujours été à son écoute avec amour et l'aide énormément au quotidien. Les deux complices se baladent souvent ensemble, font des courses, vont au cinéma. À peine âgée de treize ans, Marie n'hésite pas à prendre les transports en commun avec sa petite soeur (Météor et les bus accessibles) et brave les nombreuses difficultés rencontrées dans la ville. Il faut dire que les parents lui accordent la plus entière confiance, convaincus qu'elle se montre très responsable dans ces moments-là.

ambitions

« Nous avons appris la maladie d'Alice peu de temps après la découverte du gène qui en était responsable. Elle avait alors neuf mois et l'on nous avait prédit une ou deux années d'espérance de vie. Ce fut, bien sûr, un terrible cauchemar, confie Violaine, la mère, mais nous avons refusé la fatalité et nous nous sommes adaptés à cette nouvelle situation, notamment en achetant une maison de plain-pied à proximité d'une excellente école spécialisée. » Le couple n'a pas sombré dans la culpabilité et ne s'est pas fissuré, alors que des pères fuient souvent le foyer dans ces cas-là. Aujourd'hui, si le handicap d'Alice représente comme le dit Violaine « une petite entreprise à elle toute seule », l'enfant rend bien à ses parents tout l'amour qu'ils lui portent en forçant leur admiration. Elle a sauté une classe, est entrée en sixième à neuf ans et demi et ses résultats scolaires sont à la hauteur de ses ambitions. « Si je ne fais pas de cinéma, j'aimerais aller dans une bonne université ou à Sciences-Po. Mais j'aimerais surtout être acceptée comme actrice en fauteuil car on n'en voit pas beaucoup. » Ce soir, Alice est fatiguée, car elle revient d'un studio où elle a tourné un clip pour les droits des enfants montrant les difficultés rencontrées par les handicapés dans les transports. Depuis son premier rôle dans Maldonne, elle a beaucoup progressé. « Mon papa, Serge, qui est réalisateur, venait m'encourager sur le tournage, alors que ce n'était pas son film. J'ai aimé ce rôle car ça peut faire comprendre aux gens qu'ils doivent cesser de nous regarder comme des bêtes curieuses. Après tout, on mange, on se couche et on se réveille comme les autres. Je veux prouver qu'on n'est pas différents. Juste qu'on ne marche pas. »

en savoir plus

- Ce témoignage-récit fait partie de 23 portraits de participants au Téléthon. Le Téléthon, un combat à visages humains(1) retrace ainsi 20 ans de mobilisation contre la maladie, avec Damien, atteint par la myopathie de Duchenne, devenu depuis entrepreneur, Hervé, le mélomane qui a dû abandonner son violon pour cause de myopathie, Sébastien, qui rêve de grimper l'Himalaya : « un point culminant comme la guérison »... Le livre est réalisé avec le concours de l'Association française contre les myopathies.

1- Le Téléthon, un combat à visages humains, Alain Froissart, Gallimard, 2006, 28 euros (dont 5 euros reversés au Téléthon)