Le travail en unité pour malades difficiles (UMD) - L'Infirmière Magazine n° 222 du 01/12/2006 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 222 du 01/12/2006

 

psychiatrie

Conduites à tenir

Malades agressifs, violents, détenus en prison ou internés en psychiatrie... L'accueil en UMD assure la continuité des soins dans les cas extrêmes.

DÉFINITION

Les unités pour malades difficiles(1) accueillent des patients hospitalisés d'office et présentant « un état dangereux majeur, certain ou imminent, incompatible avec leur maintien dans une unité d'hospitalisation ordinaire ». Ces malades nécessitent « des protocoles thérapeutiques intensifs adaptés et des mesures de sûreté particulières, mis en oeuvre dans une unité spécialement organisée à cet effet ».(2)

CAUSES

Les UMD traitent ainsi l'état psychiatrique dangereux, moment particulier dans la vie d'un individu. Il s'agit d'une étape dans le traitement de ces patients qui a souvent débuté en service psychiatrique de secteur ou en prison et qui doit s'inscrire dans une continuité des soins.(3) La demande de transfert en UMD survient après un passage à l'acte violent et/ou lorsqu'un patient est difficile à soigner au point qu'il en devient problématique et dangereux. Cette dangerosité peut engendrer l'instauration d'une distance ou d'une rupture dans la relation thérapeutique. Une des premières tâches de l'équipe soignante à l'UMD consiste alors à réamorcer cette relation pour permettre à nouveau le soin.

PRISE EN CHARGE

Observation. La prise en charge particulière en UMD vise, dans un premier temps, à contenir la violence du patient. À l'UMD Henri-Colin, l'accueil du patient est un moment crucial, tant sur le plan de la sécurité que pour instaurer les bases de la relation. L'accueil, assuré par l'équipe soignante complète (au minimum quatre infirmiers), débute par une mise en chambre d'isolement pour une période d'observation qui dure habituellement trois jours. Cette observation permet une évaluation clinique de la symptomatologie et du potentiel de dangerosité, par l'équipe médico-infirmière (aidée par les contacts antérieurs avec l'équipe qui adresse le patient, et par le dossier d'admission comprenant les observations antérieures et les comptes rendus). Les réponses apportées au patient doivent être simples, immédiates et cohérentes pour apaiser son angoisse. Il s'agit en effet de mettre la personne en confiance pour renouer le dialogue, lui redonner la parole et permettre la verbalisation de sa position subjective.

Acceptation du cadre. À l'issue de la période d'observation, le patient rejoint les autres, dans la journée, dans la salle de vie commune. Le recours à la chambre d'isolement n'est utilisé que si cela est vraiment nécessaire (agitation, hétéro-agressivité, parfois auto-agressivité). En cas d'agitation massive, une contention physique (selon protocole) peut être utilisée à l'aide d'un maillot de contention. Elle implique alors des soins de nursing importants et est levée dès que possible.

Cette prise en charge favorise aussi chez le patient une attitude d'acceptation du cadre, c'est-à-dire la coopération aux soins, la compliance au traitement, l'acceptation des limites, qui peuvent être peu à peu intégrées psychiquement. Ceci permet dans un second temps d'amener le patient à s'intéresser à son fonctionnement psychique pour en reconnaître les divers aspects et notamment les mouvements violents et pathologiques, afin de débuter un travail de reconnaissance des troubles et de critique du passage à l'acte.

Éviter la personnalisation. Les soignants fonctionnent sans infirmier référent, en lien étroit avec l'équipe pluridisciplinaire au sens large (psychiatre, psychologue, psychomotricien, ergothérapeute, travailleur social, médecin généraliste). La cohésion de l'équipe soignante est un élément central de la prise en charge, et la réponse apportée au patient doit être cohérente. Ce dispositif évite une trop grande personnalisation de la relation, permet de répartir les investissements et donc de réduire les risques d'excitation et de débordement. Cette façon de travailler est constante pendant tout le séjour en UMD mais s'assouplit doucement à chacune des étapes que constitue le parcours du patient à Henri-Colin. Ainsi, au fur et à mesure de la prise en charge, la mixité fait son apparition dans l'équipe soignante au pavillon intermédiaire, puis parmi les patients au pavillon des présortants.

Renouer le lien. Les autres objectifs concernent les aspects éducatifs, familiaux et sociaux du soin psychiatrique. Les aspects éducatifs englobent les règles de vie en société, l'hygiène, la politesse, le respect du lieu et la prise en compte de l'autre. L'hospitalisation à Henri-Colin est parfois l'occasion de faire un bilan, de réouvrir une couverture sociale (notamment pour les patients désocialisés adressés par la prison), et de renouer des liens familiaux parfois rompus en raison de la symptomatologie.

Le travail au quotidien avec les patients, la présence, la permanence soignante constante en raison de la configuration fermée des unités, permettent une mise en confiance, une observation et une réponse rapide aux moments de tension des patients, en favorisant la verbalisation et la prévention des passages à l'acte auto ou hétéro-agressifs. Elle permet aussi au patient d'investir les soignants et de s'identifier à eux.

Différents médias utilisés quotidiennement sont l'occasion d'activités thérapeutiques animées par les infirmiers dans les pavillons : activités vidéo (jeux), musique, cinéma, cuisine, dessin-peinture, danse, jeux de cartes et de société. La majorité du temps du travail infirmier à Henri-Colin correspond en effet au rôle propre, le travail sur prescription étant restreint (20 % du temps infirmier environ). Signalons par ailleurs les activités ergothérapeutiques des ateliers, qui se trouvent dans un pavillon spécifique et sont animées par deux ergothérapeutes et quatre infirmiers. Les ateliers (reliure, cartonnage, bois, sculpture, dessins) ont lieu tous les jours de la semaine, deux heures le matin et deux heures l'après-midi.

En fin d'hospitalisation, quand l'état du patient s'est amélioré sur un plan clinique, des permissions à l'extérieur peuvent être organisées, accompagnées par deux infirmiers. Elles ont parfois pour but d'effectuer des démarches administratives ou des achats particuliers (notamment de vêtements), mais aussi de retrouver pour quelques heures l'extérieur, et de faire des activités choisies par le patient : manger au restaurant par exemple, ou sortir au cinéma, aller voir la Tour Eiffel... Cela permet une observation plus fine de l'adaptation du patient à l'extérieur, de son autonomie et de son rapport aux autres.

Travail de liaison. Enfin, le travail de liaison avec l'équipe de secteur du patient est fondamental, en amont de l'hospitalisation et en aval de celle-ci. En amont, il s'agit des antennes mobiles, c'est-à-dire une consultation d'évaluation pluridisciplinaire (psychiatres, infirmiers, psychologues...) qui s'effectue sur les lieux de la demande. En aval, des réunions pluridisciplinaires avec les équipes de secteur sont organisées pour faire le bilan de l'hospitalisation à Henri-Colin et préparer le transfert.(4) Ce travail de liaison permet un partage d'expérience entre les deux équipes, une mise en commun de l'information et une élaboration commune.

RETOUR À LA THÉRAPIE

Le transfert du patient dans son service de secteur, moment-clé pour la suite de la prise en charge, peut être difficile pour les équipes accueillantes. Il s'agit en effet de recevoir un patient qui a été dangereux, qui a suscité la peur, qui a induit une situation d'impasse telle que l'appel à un tiers a été nécessaire. Parfois, des expériences traumatisantes ont été vécues par les soignants, notamment suite à des passages à l'acte hétéro-agressifs. Comment alors réinvestir le patient ? Comment « redevenir » thérapeutique ? L'expérience du patient vécue par l'équipe de Henri-Colin est différente de celle de l'équipe du secteur (mais aussi d'un pavillon à l'autre de Henri-Colin). Pour eux, être à distance du passage à l'acte dans la réalité (distance dans le temps et distance géographique) permet de diminuer la charge émotionnelle suscitée, et donc de mettre en place une relation plus sereine. Il est alors utile de faire partager cette autre expérience aux équipes destinées à reprendre en charge le patient, et de rapporter l'évolution du patient, occasion parfois d'une relecture de son histoire et du passage à l'acte.(5)

Enfin, il est possible de poursuivre le travail de liaison après le transfert du patient en organisant des réunions du même type, en quelque sorte des « soins de post-cure ». Ces réunions sont organisées à la demande de l'équipe de secteur - sur place ou à Henri-Colin -, ou dans un programme de prise en charge préétabli en collaboration avant le transfert.

FERMÉ MAIS OUVERT

L'UMD est un lieu de soins fermé. Cette notion d'enfermement est fondamentale pour permettre la prise en charge de ces patients difficiles, mais elle n'empêche pas une ouverture sur l'extérieur. Celle-ci fait partie intégrante du travail quotidien : travail de liaison avec les équipes de secteur mais aussi les équipes de psychiatrie en milieu pénitentiaire, rencontre avec les familles (un groupe pluridisciplinaire de soutien aux familles s'est mis en place il y a deux ans), et même une collaboration et des échanges avec des institutions similaires françaises et internationales, actuellement en développement. Lieu de stage pour les étudiants en soins infirmiers, Henri-Colin permet en outre une transmission de ce savoir-faire spécifique.

Enfin, la restructuration architecturale récente de l'unité occasionne, par ailleurs, une actualisation des pratiques et du projet de soins en cours d'élaboration.

1- Il existe quatre unités pour malades difficiles en France. Une cinquième devrait ouvrir ses portes en 2008 en Bretagne.

2- C. Kottler, J. Gouyon, J. Senninger, G. Robbe, « Unités pour maladies difficiles », Encycl. méd. chir., Elsevier, Paris, 1998, Psychiatrie, 37-952-A-10, 5 p.

3- S. Christophe, S. Leray, C. Kottler, « Dangerosité psychiatrique : quelles demandes d'admission en UMD ? » Forensic, 1998, 18, 1, 13-18.

4- A. Desia, G. Robbe, « Aspects techniques des soins pour des patients psychotiques dangereux, dans l'unité pour malades difficiles Henri-Colin », Forensic, 1998 ; 18-19-20.

5- D. Mathis, S. Christophe, R. Servière , C. Kottler , « La sortie d'unité pour malades difficiles : quel travail de liaison avec les services de secteur ? » Forensic, 2004, 17, 19-21.

UMD Henri-Colin

Quelle équipe soignante ?

L'équipe soignante de Henri-Colin est plus importante en nombre que dans les unités de psychiatrie générale. Un minimum de quatre infirmiers ou aides-soignants est requis de jour et d'après-midi dans chaque pavillon (deux la nuit). Actuellement, le service fonctionne avec des équipes mixtes, sauf au pavillon des entrants où l'équipe est masculine. Aucune formation spécifique n'est prérequise pour venir travailler à l'UMD. Il n'est pas non plus nécessaire de disposer de qualités physiques particulières (le temps où le critère principal de recrutement était le gabarit de l'infirmier est révolu). La formation spécifique se fait grâce à un accueil et un système de tutorat avec les soignants plus anciens. De plus, une formation de prise en charge spécifique du patient agité (techniques de contention) se met actuellement en place à Henri-Colin en partenariat avec l'équipe de l'unité de sécurité d'Irlande (le Central Mental Hospital, de Dundrum). De même, des rencontres inter-UMD pluridisciplinaires sont organisées une fois par an.

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