Tournesol, une affaire de partage

L'hôpital, un lieu pour partager ses émotions autour de l'art ? C'est en tout cas la démarche de « Tournesol, artistes à l'hôpital ». L'association voit le jour en 1990. Son objectif ? Que les personnes hospitalisées rencontrent des artistes professionnels de haut niveau. Aujourd'hui, une trentaine d'établissements franciliens bénéficient de ses projets artistiques. Concerts, spectacles, expos... Rien que l'année dernière, plus de 150 événements ont été organisés.

Généralement, c'est la direction de l'établissement hospitalier qui démarche l'association et lui expose ses attentes. Cette dernière lui propose alors une programmation adaptée à ses besoins : des concerts plutôt classiques, lyriques, contemporains ? Des concerts au sein d'un service particulier, pour l'ensemble de l'hôpital ou au chevet d'un patient en particulier ? Ou bien des ateliers d'expression, de peinture, qui font participer les patients ? Une fois que tout cela est réfléchi, puis défini, c'est au tour des artistes d'entrer en scène.

au chevet des malades

Les musiciens, comédiens, plasticiens de l'association rencontrent les personnes âgées dans des hôpitaux généraux, gériatriques ou dans des maisons de retraite. Côté musique, ils effectuent des concerts dans une salle de l'hôpital (salle à manger, chapelle) ou alors au coeur du service : patients, visiteurs et personnels en profitent, surtout quand ces concerts itinérants se déroulent dans les couloirs. Les musiciens peuvent également se produire au chevet, notamment pour les personnes qui ne quittent plus leur lit. C'est le cas de Denis, ancien peintre désormais aveugle, qui ne peut plus bouger. Quand Jean Ferrandis, flûtiste renommé, entre dans sa chambre, le vieil homme ne réagit pas. Mais dès que s'envolent les premières notes, on perçoit un changement dans l'expression de son visage, qui semble se détendre. À la fin du morceau, Denis demande au musicien quelque chose de plus nostalgique. Il prend une feuille et un crayon, et pendant que Jean improvise un air plus doux, presque mélancolique, Denis crayonne. Et rayonne. C'est avec un large sourire qu'il remercie l'artiste pour cette musique qui semble l'avoir transporté et qu'il lui tend son dessin. De ses coups de crayons incertains, on reconnaît Jean Ferrandis, flûte à la bouche. Artiste et patient semblent aussi émus l'un que l'autre.

Faire participer les patients est un des grands engagements de Tournesol. Chaque semaine, une quinzaine d'ateliers sont animés dans les différents services des hôpitaux partenaires : ateliers de peinture, de musique, d'écriture, d'expression. Les patients découvrent une matière qu'ils ne connaissaient pas forcément : ils ont alors l'agréable sentiment de continuer à découvrir des choses, encore à leur âge. Ces ateliers leur permettent également d'apprendre à se connaître entre eux et leur offrent par ailleurs des sujets de discussion avec les soignants qui diffèrent de ceux de la vie quotidienne.

« énergie »

Ce sont les cadres infirmiers et les soignants, souvent, qui soumettent à leur direction l'idée d'un partenariat avec Tournesol. Ce sont eux qui vont faire passer l'information auprès des patients et leur famille. Même si c'est parfois une surcharge de travail, ils sont unanimes à penser que ces manifestations nourrissent la relation entre patients et soignants. « Une infirmière me racontait récemment qu'un de ses patients, assez violent, devenait adorable dès qu'il pénétrait dans la salle de l'atelier de peinture. Et qu'un autre, complètement amorphe la plupart du temps, s'égayait pendant l'atelier. Il s'est même mis à peindre en dehors des ateliers ! » se réjouit Élisabeth de la Genardière, fondatrice et directrice de l'association.

Quant aux artistes, ils ne sont pas en reste côté émotions fortes... Awena Burgess est chanteuse dans un groupe de musique tzigane, Balval. Depuis quatre ans, elle vient régulièrement chanter pour les personnes âgées : « pour moi, c'est précieux, c'est essentiel. Ça me permet de m'exprimer dans un contexte où les enjeux ne sont pas les mêmes que sur scène. Ici, on se retrouve plongé dans la fonction première de la musique : partager une émotion. Je sens que les patients puisent de l'énergie dans notre musique. Ils nous en donnent autant ! »