Le surdosage de médicaments - L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007

 

Responsabilité

Juridique

En cas de faute entraînant des dommages lourds pour le patient, l'infirmière et l'élève infirmière peuvent être poursuivies et condamnées.

La profession infirmière demeure une activité humaine dont la responsabilité est avant tout morale : c'est celle de la conscience individuelle. Néanmoins, de la simple administration de médicaments à l'installation d'une perfusion, l'acte infirmier se traduit toujours d'un point de vue juridique par une atteinte à l'intégrité corporelle du patient. Les surdosages médicamenteux sont la principale source des contentieux mettant en cause les infirmières devant les tribunaux.

Lorsque les dommages liés à des surdosages sont légers, rares sont les poursuites judiciaires. Au contraire, en cas de préjudice grave, c'est-à-dire lorsque le surdosage a pour conséquence une paralysie lourde et irréversible par exemple, les victimes n'hésitent pas à choisir la voie pénale.

les poursuites pénales

Des fautes même légères mais aux conséquences graves parce qu'entraînant le décès peuvent être constitutives d'homicide et de coups et blessures involontaires. Les poursuites et condamnations d'infirmiers pour homicide involontaire sont relativement fréquentes. Face à la loi pénale, les règles de responsabilité sont les mêmes quel que soit le mode d'exercice de l'infirmière, laquelle devra répondre à titre personnel et individuel de l'infraction pénale qu'elle aura pu commettre.

Bien souvent c'est l'infirmière stagiaire ou l'élève infirmière qui est à l'origine de la faute. Les responsabilités varient en fonction du niveau d'autonomie et de connaissance de l'infirmière et de la qualité de l'encadrement et de la surveillance dont elle aura fait l'objet.

règles de délégation

Dans un arrêt en date du 26 juin 2001, la Cour de cassation a rappelé les règles de délégations et de surveillance d'une infirmière reconnue coupable d'homicide involontaire, à une élève infirmière. Ainsi, il a été jugé que « commet une faute caractérisée, l'infirmière qui laisse administrer une substance dangereuse à un patient par une élève infirmière stagiaire hors de sa présence ». L'administration d'une solution prescrite par le médecin avait été faite par l'élève infirmière, laquelle avait injecté la solution par voie intraveineuse directe au lieu de procéder par perfusion, ce qui a provoqué le décès du patient. La Cour de cassation a jugé que l'infirmière était coupable d'homicide involontaire notamment au motif qu'elle avait laissé administrer cette substance sans s'être assurée que l'élève connaissait le mode opératoire et l'avait laissée sans surveillance. L'infirmière référente a ainsi commis une faute caractérisée, relative à ses obligations de surveillance et d'encadrement, obligations qu'elle ne pouvait ignorer.

l'élève responsable si...

Dans d'autres cas, seule la responsabilité de l'élève est retenue : les tribunaux ont pu en décider ainsi lorsque « l'élève avait la compétence technique et professionnelle nécessaire pour suivre les instructions qui lui avaient été données ». Par exemple, dans une affaire de décès d'un patient consécutif à un surdosage de médicament à base de quinine, le Tribunal correctionnel de Draguignan avait reconnu, en mars 1993, coupable d'homicide involontaire une infirmière stagiaire de troisième année. Ce même tribunal avait, l'année précédente, relaxé l'élève infirmière à l'origine du surdosage et condamné l'infirmière à trois mois de prison avec sursis, au motif qu'elle avait laissé l'élève sans surveillance.

Dans une affaire beaucoup plus ancienne (Tribunal correctionnel de Lons le Saunier, 1981), de surdosage ayant entraîné le décès d'un enfant (utilisation de 8 ampoules de 20 cc de sérum salé hypertonique, soit 23 fois la dose prescrite, pour une prescription de perfusion intra-veineuse de 325 cc de sérum glucosé isotonique et de 175 cc de sérum salé isotonique), l'élève infirmière avait été condamnée à 16 mois de prison avec sursis, pour homicide involontaire, alors que l'infirmière et la surveillante ont été relaxées. Il a pu être démontré que l'infirmière de service avait donné des « instructions précises, détaillées et complètes ».

dommages et intérêts

Outre les poursuites pénales qui ont vocation à « punir », une action civile en réparation a pour but le versement de dommages-intérêts à la victime ou ses ayants droit. Ces derniers vont, dans la plupart des cas, poursuivre conjointement l'infirmière et son employeur, à savoir la clinique, le médecin dont elle est la préposée ou l'hôpital. S'il est démontré que le dommage résulte bien d'une faute de l'infirmière, celle-ci sera déclarée civilement responsable, mais c'est le propriétaire du cabinet ou de la clinique, ou l'hôpital (ou plus exactement sa compagnie d'assurance) qui l'emploie qui sera tenu d'indemniser la victime.

L'assureur de la clinique ou de l'hôpital ne peut pas se retourner contre l'infirmière fautive. Une telle action n'est autorisée par le Code des assurances, qu'en cas de « malveillance » (faute intentionnelle) de la part de l'infirmière.

À RETENIR

> Des fautes légères mais aux conséquences graves peuvent être constitutives d'homicide et coups et blessures involontaires.

> Si l'élève infirmière est à l'origine de la faute, l'infirmière qui la laisse administrer une substance dangereuse hors de sa présence peut être reconnue coupable. L'élève est responsable si elle avait « la compétence technique et professionnelle nécessaire ».

> Sauf « malveillance », les dommages et intérêts sont versés par l'assurance de l'employeur.

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