« Nous avons les outils en main » - L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007

 

Taille et poids

Questions à

Être trop grand ou trop petit, trop maigre ou trop gros peut gâcher la vie. Les infirmières sont souvent celles qui détectent ces problèmes en premier.

Quel est le thème de votre livre ?

Elle et Lui se transforment ! est en quelque sorte le roman de la vie : l'histoire de la transformation des nourrissons en petits êtres qui deviendront, au fur et à mesure, des enfants, des adolescents et des adultes sexués. La transformation de l'être humain est passionnante !

Pourquoi avoir écrit sur ce sujet ?

Je suis pédiatre et endocrinologue. La synthèse des deux, c'est que je me suis toujours intéressé aux anomalies morphologiques des enfants et des adolescents. Avant 1972, les médecins ne notaient pas la taille des nouveau-nés dans les carnets de santé ! Personne ne s'intéressait à cette donnée... Pourtant, depuis toujours, il y a en moyenne 5 % de la population qui sort des normes. Ces personnes sont pour moitié trop grandes, pour moitié trop petites. Tant que les hormones de croissance n'étaient pas connues, ces problèmes de taille n'étaient pas des motifs de consultation.

Quelles évolutions constatez-vous ces deux dernières décennies ?

Tout le monde croit que l'être humain grandit de plus en plus, mais ce n'est pas exact. Charlemagne mesurait 2 m, déjà à son époque ! Ce qui change, ce sont les pieds, qui eux grandissent effectivement. Et le poids. Les gens sont plus lourds qu'avant.

Puisque vous parlez de normes, quelles sont-elles ?

La première année de sa vie, l'enfant doit tripler son poids. Entre 2 et 6 ans, il ne doit pas prendre plus de 2 kilos par an. S'il dépasse cela, il aura des problèmes de poids toute sa vie. Après 20 ans, il peut prendre 1 à 2 kilos par décennie.

Vous donnez des cours à des infirmières. Pourquoi est-il important qu'elles aient des connaissances dans ce domaine ?

Les infirmières ont un rôle primordial. En pédiatrie, elles pèsent et mesurent les enfants et devraient pouvoir reporter ces données sur leurs carnets de santé comme elles le font sur la feuille de température ! En ville, les médecins le font rarement, surtout quand les enfants consultent pour des urgences. Les infirmières le font en revanche lors des visites médicales scolaires. Ce sont souvent elles, à l'hôpital ou à l'école, qui attirent l'attention des parents sur ces problèmes de poids ou de taille. Les parents ont tendance à ne pas voir ce genre de choses. Ils pensent que s'ils sont petits eux-mêmes, leur fils le sera obligatoirement. Ou que leur petit bonhomme de 3 ans est enveloppé, mais que « ce n'est qu'un enfant »... Eh bien non. Ces problèmes-là doivent être pris en charge le plus tôt possible. Il y a quelque temps, une jeune fille de 13 ans est venue me voir : elle mesurait 1 m 91 ! Ses parents n'avaient pas l'air de s'inquiéter, ils étaient grands tous les deux et trouvaient « normal » que leur fille le soit également. Le mois suivant, elle avait pris 2 cm. Nous avons commencé un traitement hormonal et sa croissance s'est arrêtée ; elle ne devrait pas dépasser 1 m 93. Sans traitement, la prédiction de croissance atteignait 2 m 10 ! Si ses parents avaient réagi plus vite, nous aurions pu stopper plus tôt sa croissance. Là encore, c'est l'infirmière scolaire qui lui a conseillée de consulter un endocrinologue. Vous comprenez l'importance de tout cela, pour cette jeune fille ? On vit dans une société où le paraître est primordial, mais on n'accorde pas assez d'importance aux problèmes de croissance. Pourtant, nous avons tous les outils en main pour déceler les problèmes et tous les outils pour les rétablir. Soyons plus vigilants !

Qui peut bénéficier des traitements d'hormones ?

Tous les enfants dont la courbe de croissance sort du couloir normal figuré sur le carnet de santé et dont la vitesse de croissance avant la puberté est inférieure à 4 cm par an. La plupart ont un déficit en hormones de croissance ; d'autres n'ont pas de déficit mais sont porteurs d'un syndrome de Turner (chez la fille), d'un retard de croissance intra-utérin (RCIU) particulièrement sévère ou d'une insuffisance rénale. Plusieurs milliers d'enfants suivent ces traitements. Ce qui me fascine, c'est de voir à quel point les jeunes enfants, à 3 ou 4 ans, acceptent le traitement sans jamais se plaindre, alors qu'il s'agit d'une piqûre quotidienne. Ils savent que c'est pour leur bien et en constatent les effets bénéfiques à l'occasion de la visite trimestrielle, ce qui leur permet bien vite d'oublier les anciennes moqueries de leurs copains dans la cour de récré.

Pour commander le livre, écrire à Jean-Claude Delmas/Publi-Fusion, Village artisanal de Regour, 46 000 Cahors.

Tél. : 05 65 22 03 03.

20 euros + frais de port.

Jean-Pierre Charvet Ancien chef du service de pédiatrie du centre hospitalier de Hyères (Var), pédiatre et endocrinologue.

Passionné par les problèmes de croissance, il effectue des consultations d'endocrino-pédiatrie dans les hôpitaux de Hyères et de Toulon. Il donne par ailleurs des cours aux infirmières de l'Ifsi de la région toulonnaise, et est l'auteur du livre Elle et Lui se transforment ! (Publi-Fusion, 2006).