Trouver la juste distance - L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 223 du 01/01/2007

 

Relaxinésie®

Thérapeutiques

Quand les mots sont hors de portée, la « relaxation par le mouvement » aide le soignant à communiquer avec le malade.

Pressions, étirements, balancés... La Relaxinésie®, littéralement « relaxation par le mouvement », n'est pas un massage classique. Les séances, par exemple, se pratiquent avec des vêtements confortables. Et la technique comporte un vocabulaire ludique qui permet de visualiser le mouvement : on appelle les rotations de la cheville « la manoeuvre baby-foot », tandis que la manoeuvre « pâte à modeler » consiste à rouler les jambes et les bras, comme on roule des boudins de pâte sous ses paumes. Une séance moyenne dure environ 30 minutes. Elle comporte des mobilisations passives de toutes les parties du corps et des étirements doux, voire un massage à l'huile des extrémités (pieds, mains, visage/tête).

contact physique

Agnès Pasturel est infirmière à l'unité de traitement de la douleur de l'hôpital pédiatrique Robert-Debré à Paris, une équipe qu'elle a intégrée pour mettre à profit sa formation au toucher-massage(1) : « lors de mes études d'infirmière, j'ai été frappée par le fait qu'à aucun moment, on ne parle du corps du patient, pourtant bien présent, ni de ce que les soignants peuvent éprouver au contact physique avec les personnes. J'ai alors trouvé un livre(2) répondant à mes questions sur cette relation au corps, sur la juste distance soignant-soigné. » Yann Gougeon est infirmier psychiatrique au Ciapa, le Centre interhospitalier d'accueil pour adolescents, qui reçoit, en lits d'hospitalisation ou non, des jeunes de 15 à 25 ans souffrant de difficultés psychologiques diverses ou de pathologies psychiatriques. Après avoir passé vingt ans au Moyen-Orient, où il a découvert le massage, il a appris le toucher-massage dans le cadre de la formation continue, comme sa collègue Delphine Lemagnen, avec laquelle il anime en binôme des ateliers de Relaxinésie®, depuis novembre 2005.

Agnès Pasturel n'anime pas de séances « classiques ». Elle intervient, à la demande, lorsque l'on ne parvient pas à soulager un enfant qui souffre, opéré ou immobilisé. En accordant une grande importance à la communication non-verbale : « il s'agit de discerner ce que ressentent les enfants. Certains ne parlent pas français, d'autres ne veulent pas parler, et nous suivons ici beaucoup d'enfants en infirmité motrice cérébrale. Les infirmières avancent souvent que l'enfant n'a pas mal, mais qu'il a peur... Elles ont peut-être identifié le problème sans pour autant pouvoir le résoudre. Le langage du toucher permet de communiquer autrement avec lui. Il va répondre ou non à la stimulation tactile par un regard, une attitude, une ouverture... » Arrivée au chevet de l'enfant, « j'adapte mon ton de voix, mes mots, et les accompagne d'un toucher rassurant, poursuit-elle. J'observe son visage : est-il crispé, grimace t-il ? Est-il capable d'apprécier un moment de confort ? Accepte-t-il d'être touché ? Je pratique des tests, essaie de lui faire ouvrir ses poings serrés, détendre et positionner autrement ses jambes fléchies, et je teste la capacité de l'enfant à apprécier une position. »

« barrages »

Yann Gougeon et Delphine Lemagnen pratiquent la Relaxinésie® dans le cadre d'ateliers « prescrits » par les psychiatres du Ciapa, certaines pathologies, comme la psychose en phase aigüe, n'étant pas compatibles avec l'exercice. Les séances matinales durent 1 h 30 et réunissent 6 adolescents avec les 2 infirmiers. « Une première séance est proposée, avec ou sans musique. On réveille le corps en s'étirant. Puis on débute des petits exercices à deux, pour prendre contact. Ensuite, on s'allonge - sur une table improvisée de massage ou au sol sur un tapis - et l'on suit un enchaînement qui varie, selon les problématiques des patients », expliquent-ils. Le principe repose sur l'échange : la personne reçoit, puis à son tour pratique la technique sur son partenaire. « Certains adolescents ont subi des violences sexuelles et physiques et sont très bloqués corporellement. Au fur et à mesure des séances, ils se détendent et ont moins de barrages. Tous font preuve d'une grande attention aux autres et de beaucoup de respect. Et ce, sans débordement, sans séduction. Le cadre les contient. » La séance se termine par un petit massage des mains avec de l'huile, qui produit un effet de détente. « Il suffit de regarder leurs visages reposés en fin de séance... Certains s'endorment même ! »

1- http://www.toucher-massage.com.

2- Le toucher apprivoisé, Joël Savatofski et Pascal Prayez, Lamarre Poinat, 1998.