« Déconseillés » aux ados - L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007

 

Antidépresseurs

Thérapeutiques

Le risque suicidaire chez les jeunes sous antidépresseurs doit inciter les soignants à ne les prescrire qu'avec parcimonie.

L'expérience dépressive, ainsi que le recours aux psychotropes, sont fréquents à l'adolescence, comme l'a montré en 1999 une étude épidémiologique de l'Inserm observant une prescription de cette classe thérapeutique chez 10 à 20 % d'une large population d'adolescents. Il s'agissait dans 80 % des cas d'un anti- dépresseur. À partir de 2003, de nouvelles données sur un risque accru de passage à l'acte autoagressif ou hétéro-agressif lié à la consommation d'antidépresseurs chez les jeunes ont conduit la communauté soignante et les pouvoirs publics à s'interroger sur le bien-fondé de cette prescription.

efficacité modeste

L'efficacité des antidépresseurs pour des enfants ou adolescents est discutée depuis longtemps. Les travaux menés dans les années 1980 sur les tricycliques ne montraient qu'une efficacité modeste et non reproductible d'une étude à l'autre. Les effets secondaires étaient quant à eux plus fréquents et sévères. La balance bénéfice-risque n'a pas semblé plus favorable pour la classe des Imao (inhibiteurs de la mono-amine-oxydase). C'est l'arrivée sur le marché des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) et de la noradrénaline (Irsna) qui a modifié profondément les habitudes de prescription, notamment en médecine de ville. L'apparente innocuité de ces antidépresseurs et l'offre de soins trop faible en direction des jeunes a conduit à des habitudes de prescriptions excessives.

En effet, les IRS et Irsna ne font preuve que d'une efficacité relative à l'adolescence, largement dépendante de la qualité globale de la prise en charge. Le risque de « levée d'inhibition » en début de traitement est quant à lui connu depuis longtemps. Ces médicaments demandent une quinzaine de jours pour traiter la douleur morale de la dépression mais agissent plus rapidement sur le ralentissement psychomoteur. Il existe donc une période initiale durant laquelle le risque suicidaire est plus élevé. Ceci nécessite une surveillance rapprochée, parfois en milieu hospitalier, et une éventuelle prescription complémentaire à visée sédative.

Ces données classiques doivent faire relativiser la portée des informations « nouvelles » sur les risques de passage à l'acte chez les adolescents traités par antidépresseurs. Ce débat a toutefois un double mérite. Celui, d'abord, de contraindre les prescripteurs à questionner leurs habitudes et à réorganiser la prise en charge des adolescents. Celui, ensuite, de pousser les pouvoirs publics à exiger de l'industrie pharmaceutique plus de transparence dans l'évaluation de la toxicité des produits.

Depuis 2003, aux niveaux français et européen, des recommandations aux prescripteurs, élaborées par des collèges d'experts, ont été publiées. Elles rappellent que le traitement de première intention de la dépression à l'adolescence est la psychothérapie. Les antidépresseurs sont « déconseillés » pour les moins de 18 ans par l'Agence européenne du médicament (Emea). L'un d'entre eux est même contre-indiqué : la venlafaxine (Effexor®).

seconde intention

Le terme « déconseillé » est important puisque il autorise les médecins à prescrire sous leur propre responsabilité. Une telle prescription intervient en seconde intention, après échec d'une prise en charge psychothérapique adaptée. Il peut toutefois s'agir d'un traitement de première intention si l'intensité de la symptomatologie est majeure. Le traitement sera alors conduit en milieu hospitalier. Dans tous les cas, une psychothérapie doit être associée.

La prescription doit s'accompagner d'une surveillance étroite et de la recherche d'un comportement suicidaire, particulièrement en début de traitement. La posologie sera adaptée au poids du patient et réduite à la dose minimale efficace. Comme chez l'adulte, la durée du traitement est de 6 mois à 1 an. L'arrêt doit être progressif en raison des risques liés au sevrage et au rebond dépressif.

Certaines incohérences demeurent pourtant : comment comprendre la nouvelle indication du Prozac® en Europe pour les épisodes dépressifs majeurs de l'enfant de plus de 8 ans ?