Grain de folie - L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007

 

Suisse

Du côté des associations

Le Groupe romand d'accueil psychiatrique dédramatise les maladies mentales.

« Toute expérience humaine se respecte et c'est à chacun de la transformer en richesse. Ce qu'il fallait pour les plus défavorisés, c'était les aider à mener à bien un dessein », lance Madeleine Pont, directrice du Groupe romand d'accueil psychiatrique (Graap)(1). En 1977, elle s'engage auprès de l'association Familles du Quart-Monde. Dix ans plus tard, Madeleine décide de se tourner vers les personnes en souffrance psychique. En quelques mois, elle jette les bases du Graap, à Lausanne.

Plus de 40 individus, souffrant essentiellement de psychoses, se réunissent alors tous les mercredis soir dans des groupes de parole. « Mon rôle a été de faire comprendre à chacun qu'il existait des instruments pour valoriser leurs projets », explique-t-elle.

Les objectifs ? Accueillir dans un esprit de solidarité, défendre les droits des adhérents, offrir un lieu d'échange et donner la possibilité de s'occuper utilement. Sans oublier les actions culturelles pour favoriser l'ouverture aux autres. « Dans notre système, chacun a la responsabilité de ses actes. C'est cela qui donne l'élan nécessaire pour avancer », s'enthousiasme la fondatrice d'un réseau devenu un partenaire d'exception dans le domaine de la psychiatrie en Suisse.

humour et humanisme

La spécificité du Graap réside dans la créativité, l'humanisme et l'humour qui habillent ses activités. La première réalisation du groupe, en 1987, est un magazine spécialisé en santé mentale appelé initialement Tout comme vous. Rebaptisé Diagonales, il paraît dix fois par an et est distribué aux membres de l'association, aux abonnés et aux professionnels. En 1989, c'est un restaurant, « Au Grain de sel »(2) qui voit le jour à Lausanne. « Sans un grain de sel, le pain est fade. Sans un grain de folie, c'est la vie qui est fade... Nous avons voulu créer un espace où il était possible de passer un moment agréable, mais aussi de participer à l'élaboration des repas, d'avoir un emploi. Ce sont les adhésions(3) et une allocation versée par une fondation qui nous ont permis d'ouvrir ce lieu public où une centaine de repas sont servis chaque jour. »

« patron de bistrot »

L'association compte aujourd'hui un millier de membres cotisants actifs, dont 80 % sont concernés par la maladie psychique, et 69 salariés à temps plein. Les frais de fonctionnement sont couverts par les subventions d'organes fédéraux, les productions du Graap, les donations et les legs. Six centres d'accueil sont répartis entre Lausanne et d'autres villes suisses : Prilly, Yverdon, Nyon et Montreux. Lieux de parole, de rencontre, « il est toujours possible d'y trouver quelqu'un qui jouera un peu le rôle d'un patron de bistrot. Tout le monde y est accueilli, gratuitement. Certains ne viennent qu'une fois, d'autres quinze », commente Madeleine Pont. Par ailleurs, un service social assure des visites à domicile et une permanence téléphonique nocturne, L'Oreille de nuit, offre un soutien de 22 h à 5 h du matin.

Mais plus encore que de prêter l'oreille, le Graap s'applique à mettre en valeur les compétences de chacun et leur capacité à s'en servir. Car c'est en rythmant une journée par des activités diverses et en se réalisant au sein d'une équipe qu'une personne en difficulté psychique peut retrouver une place dans la société.

Ainsi, quatre autres restaurants ont ouvert leurs portes à l'est et à l'ouest du canton et un salon de coiffure, le « Corporella », emploie maintenant une dizaine de membres. De plus, travaux de secrétariat, informatique, artisanat et formations diverses permettent de s'occuper, de prendre sa vie en main et de retrouver confiance en soi.

« pouvoir du groupe »

« Toute cette force que les personnes ont pu découvrir en s'aidant elles-mêmes et en se responsabilisant leur a donné des ailes pour épauler les autres, à leur tour : c'est là le pouvoir du groupe. Et c'est dans cet esprit que d'autres collectifs autonomes ont vu le jour, à Neuchâtel ou à Fribourg par exemple. Ce sont d'ailleurs souvent d'anciens membres qui en ont pris l'initiative », ajoute la doyenne du Graap.

Le principe de cette association, de référence en ce qui concerne le mouvement d'usagers en Suisse, passe par le refus de la ghettoïsation de la maladie psychique et par la création de passerelles.

Madeleine Pont poursuit : « il me reste maintenant à m'assurer que d'autres locomotives sont prêtes à prendre la relève pour faire avancer ce train d'entraide et toujours donner plus de place à l'homme, par-delà les étiquettes ». Cette année, le Graap fêtera ses vingt ans d'existence.

1- Tél. : 00 41 21 647 16 00.

Internet : http://www.graap.ch.

Mél : info@graap.ch.

2- Restaurant « Au Grain de sel » :

23-27, rue de la Borde,

1018 Lausanne.

3- Cotisation en 2007 : 60 euros par an, la moitié pour les petits budgets.

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