Justice et secret - L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007

 

Droit

Juridique

Si l'infirmière n'a pas le droit d'entraver le fonctionnement de la justice, elle est tenue de protéger toute information relative à ses patients. Un principe qui connaît des exceptions.

Les droits et pouvoirs de la police judiciaire varient en fonction de la nature de l'enquête diligentée. Dans le cadre de la simple enquête préliminaire, les officiers de la police judiciaire n'ont aucun pouvoir de coercition : une perquisition dans les locaux d'une infirmière ou d'un hôpital, ou la saisie de ses dossiers de soins sont impossibles. Seule une commission rogatoire émanant d'un juge d'instruction peut autoriser la perquisition et la saisie des dossiers.

L'infirmière, citée comme simple témoin au cours d'une enquête de police, voire d'une instruction, reste tenue au secret, même si elle doit répondre aux questions aussi précisément que possible. Conformément à l'article 109 du Code de procédure pénale, « toute personne citée pour être entendue comme témoin, est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer, sous réserve des dispositions de l'article 226-13 [...] du Code pénal ». Dans le cadre de l'enquête, aucune information ne peut être communiquée sans le consentement du patient.

Rappelons que, conformément à l'article 226-13 du Code pénal, « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Par ailleurs, l'article 434-1 du Code pénal prévoit que : « le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les acteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». Selon le même article, les personnes astreintes au secret professionnel sont légalement exceptées de cette disposition.

révéler les sévices ?

Les seuls cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret concerne les sévices, privations, violences sexuelles et mauvais traitements constatés ou révélés au professionnel. Sauf dans les cas de mauvais traitements sur mineurs où le professionnel a l'obligation de dénoncer, il est tenu au secret et a le choix de dénoncer ou pas. Ce choix relève donc plus de la conscience professionnelle que de la loi. Notons que si la liberté de conscience est consacrée par notre droit, elle est limitée dans l'intérêt même de certaines catégories de personnes vulnérables, comme les enfants ou les personnes âgées.

drogue et armes

Mais que devient l'obligation de secret face au patient détenteur d'une arme ou de drogue ?

Dans le respect des déontologies médicales et soignantes, il n'y a pas lieu de signaler auprès des autorités judiciaires la personne détentrice de drogue. Le directeur, dans le cadre de ses pouvoirs de police à l'intérieur de l'hôpital, peut confisquer la drogue. Celle-ci sera ensuite remise aux autorités judiciaires sans possibilité d'en identifier nominativement la provenance.

Quand il s'agit de patients dangereux, la loi a été modifiée, depuis janvier 2004, dans le sens d'une plus large collaboration. Ainsi, l'article 226-13 du Code pénal relatif au secret professionnel n'est plus applicable, selon l'article 226-14, « aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une ». Cette disposition, qui a fait l'objet de maintes controverses, a été adoptée peu de temps après la tuerie de Nanterre, en 2002, alors que la détention d'arme par l'auteur de cette tuerie était connue par certains professionnels de santé. Par ailleurs, cette disposition semble difficilement applicable, notamment dans le secteur psychiatrique où certains patients peuvent tenir des discours semblant dangereux sans jamais passer à l'acte.

face aux détenus

Concernant enfin les détenus ou gardés à vue, la prise en charge médicale et soignante doit bien évidemment être la même que pour tout autre patient. Sur le plan du secret professionnel, les règles sont identiques. La surveillance et la garde des patients détenus incombent exclusivement aux personnels de l'administration pénitentiaire, de la police ou de la gendarmerie.

Les droits du patient définis dans la Charte du patient doivent être respectés. Les seules restrictions sont celles imposées par le Code de procédure pénale, en matière de sécurité, visites, ou communications avec l'extérieur : absence de téléphone, de télévision ou de journaux...

Les services publics hospitaliers et judiciaires sont ainsi amenés à collaborer de plus en plus étroitement. Pourtant, les relations ne sont pas faciles : la multiplication des dispositions pénales se heurte à la reconnaissance des droits de la personne hospitalisée et peut perturber le fonctionnement des services de soins.

À RETENIR

> Seule une commission rogatoire émanant d'un juge d'instruction peut autoriser la perquisition et la saisie des dossiers de soin.

> L'infirmière reste tenue au secret, sauf en cas de sévices, privations, violences sexuelles ou mauvais traitements. Quand il s'agit de mineurs, la soignante a l'obligation de dénoncer.

> Le secret n'est pas applicable lorsqu'il s'agit de patients dangereux détenant une arme.

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