La plume et la plaie - L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007

 

Maria-Helena Palucci-Marziale

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Rencontre avec

À la tête d'une revue infirmière de référence en Amérique latine, la Brésilienne Maria-Helena Palucci-Marziale a érigé la recherche en pivot de la politique de développement.

«J'ai obtenu mon diplôme d'infirmière à 37 ans. Trois ans plus tard, j'entrais à la fac comme auxiliaire d'enseignement. En 1990, j'ai obtenu une maîtrise de psychobiologie avec mes travaux sur la fatigue mentale et les horaires alternants. » Depuis vingt-cinq ans, Maria-Helena Palucci-Marziale a surtout alterné les carrières. Un parcours atypique qui l'a rendue incontournable dans le monde de la recherche infirmière en Amérique latine. Depuis quinze ans, elle dirige la Revista Latino-Americana de Enfermagem, une revue scientifique infirmière qui fait autorité dans tout le sous-continent.

« fléau terrifiant »

Chaque année, plus de 500 articles passent par son bureau. Les trois quarts sont soumis par des équipes brésiliennes, le reste provient des autres pays d'Amérique latine. Chaque article passe alors l'épreuve du comité de lecture, assuré par les pairs, est lu, évalué puis éventuellement sélectionné par des spécialistes du domaine traité. En un an, près de 120 articles ont été retenus et publiés dans l'un des six numéros bimestriels.

À cela s'ajoute, tous les ans, un numéro spécial sur les drogues et les toxicomanies. « C'est une des priorités de l'Organisation mondiale de la Santé, explique Maria-Helena. Le département infirmier de l'université pilote un programme de développement sur ce fléau, devenu terrifiant en Amérique du Sud. »

« exigence politique »

Dans les années 1990, son Institut de soins infirmiers, à Ribeiro Preto, est choisi comme centre collaborateur pour le développement des recherches infirmières en Amérique du Sud par l'OMS. Quand la décision de publier une revue est prise, Maria-Helena Palucci-Marziale est choisie par ses pairs, au sein de l'université, pour en assurer la direction. Le premier numéro de la Revista Latino-Americana de Enfermagem sort en 1993. Dès l'origine, la présentation des articles correspond aux exigences de rigueur et de lisibilité dites « style Vancouver »(1).

« Au Brésil, la politique de recherche en santé fait partie de la politique nationale conçue dans le contexte du système unique de santé, insiste Maria-Helena Palucci-Marziale. Il est basé sur trois principes : universalité, globalité et équité. Leur application doit correspondre à une exigence politique et éthique, notamment la mise en place et l'adaptation des connaissances et technologies propres à réduire les inégalités sociales en matière de santé. »

Cette démarche correspond aux huit objectifs de développement de l'ONU pour le millénaire : éradiquer l'extrême pauvreté et la faim, fournir l'accès universel à l'éducation primaire, promouvoir l'égalité des sexes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre des maladies comme le sida et le paludisme, promouvoir un environnement durable, développer des partenariats pour le développement. Afin d'atteindre ces objectifs, 18 buts pour 2015 ont été définis, accompagnés de 48 indicateurs.

Pour Maria-Helena Palucci-Marziale, la recherche au Brésil ne peut pas être la recherche d'un pays lambda ; ici, elle doit prendre en compte le niveau de développement du pays, l'état des transitions démographiques, les tendances épidémiologiques et les pathologies, les distances géographiques et leurs conséquences sanitaires.

Elle doit aussi considérer le coût des interventions et des actions à mener, les lacunes dans les processus de contrôle des situations de maladie et de santé courantes, les déficits de connaissances à combler, les informations nécessaires pour établir des priorités et vérifier leur respect.

maladie mentale

« Le prestige d'un journal tient à la qualité de ses articles, en termes de rigueur et d'originalité », souligne Maria-Helena Palucci-Marziale. Les thèmes sont variés dans sa revue. Dans un des derniers numéros(2), une étude porte sur la famille des patients souffrant de maladie mentale. « Les résultats montrent que certaines familles ne comprennent pas ce que c'est, relève Maria-Helena. Le travail infirmier consiste à les y aider. »

Avec des équipes des programmes de santé de la famille de l'État de Bahia, les auteurs ont étudié les « registres conceptuels » des proches. « La manière d'appréhender le soin, la motivation, le préjudice subi, l'abus, la souffrance, le manque d'autonomie et de ressources, peut renforcer le rejet de ces malades par leurs proches, poursuit-elle. D'autres attitudes favorisent, au contraire, un meilleur ajustement entre la famille et les soignants. Elles stimulent les nouvelles pratiques et la qualité de vie des patients. »

anxiété

Une autre recherche porte sur les besoins biologiques et psychosociaux de près de 200 patients en chirurgie ambulatoire. Ils sont liés à « l'inquiétude, la peur, l'anxiété, l'inconfort, causés par l'attente de la réalisation des procédures » et aux « doutes ou manques d'information sur les soins préopératoires ». L'étude précise la place que peut prendre, dans les soins infirmiers, l'éducation du malade avant l'intervention pour réduire cette anxiété.

Les auteurs d'une étude du même numéro analysent les représentations sociales associées à l'alimentation par sonde. Certaines favorisent l'adhésion au traitement. D'autres son rejet. « Les représentations peuvent être redéfinies ou recadrées, afin de rendre ce traitement plus tolérable, commente Maria-Helena Palucci-Marziale. Apprendre à connaître les idées, positives ou négatives, des patients sur un traitement, permet de les aborder de manière plus directe. Cela favorise une meilleure observance et une plus grande satisfaction à l'égard du traitement. »

Pour que sa revue soit connue et reconnue, Maria-Helena fait tout pour que ses articles répondent au mieux aux critères de reconnaissance internationale des publications scientifiques. Le prestige d'un journal tient à cette « visibilité » des articles publiés. Elle est attestée par leur inclusion dans les banques de données internationales. La Revista Latino-Americana de Enfermagem cite une quinzaine de banques de données, qui la référencent dans ses premières pages. L'Institute for Scientific Information figure parmi celles-ci. « Cet institut a pour mission de répertorier les recherches les plus importantes, explique Maria-Helena Palucci-Marziale. Sa banque de données indexe environ 16 000 journaux dans plus de 160 domaines de connaissance. L'ISI suit 16 revues infirmières qu'il a sélectionnées avec rigueur. »

Impact

La renommée tient aussi à son facteur d'impact, c'est-à-dire la fréquence des comptes rendus et des références que les articles suscitent dans les autres revues, en particulier celles qui sont indexées. Ce facteur est apparu comme outil d'évaluation dans les années 1960. Eugène Garfield, alors directeur de l'ISI, le considère comme un moyen de classer ces journaux et de les inclure, ou non, dans sa base de données. On calcule le facteur d'impact en divisant le nombre de citations des articles d'une revue dans les journaux indexés par l'ISI, sur douze mois, par le nombre d'articles qu'elle a publiés les deux ans précédents(3). « La revue Science a publié une analyse de l'impact international de la production scientifique entre 1992 et 2001, indique-t-elle. Le Brésil y occupait la 19e place, selon le calcul du facteur d'impact. » Dans ce domaine comme dans les autres, les infirmières brésiliennes ne sont pas à un défi près.

1- Ces recommandations sont basées sur la traduction de l'avis « Uniform requirements for manuscrits submitted to biomedical journals », définissant le « style Vancouver » et élaboré par l'International Commitee of Medical Journals Editors.

2- Revista Latino-Americana de Enfermagem, 2005, vol 13, n°2.

3- « Scientific production in Brazilian nursing : the search for international impact », M.H. Palucci-Marziale, Revista Latino-Americana de Enfermagem, 2005, vol 13, n°3.

moments clés

- 1983 : diplôme d'infirmière

- 1986 : enseigne à l'université comme auxiliaire

- 1993 : crée la Revista Latino-Americana de Enfermagem

- 1995 : doctorat sur l'ergonomie du travail infirmier

- 2000 : achève sa thèse

- 2005 : devient professeur titulaire et continue à diriger sa revue