Le DMP, mort-né ? - L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 224 du 01/02/2007

 

Suivi du patient

Éthique

Alors même que son acte de naissance n'est pas encore publié, les jours du dossier médical personnel pourraient déjà être comptés.

Le dossier médical personnel verra-t-il le jour cette année ? Si l'on en croit le calendrier de programmation du groupement d'intérêt public DMP, chargé de l'élaboration et de la mise en place du dispositif, l'affaire devrait prendre corps d'ici à l'été prochain. Mais il se pourrait que le DMP soit enterré, comme l'a été le livret de santé il y a une dizaine d'années.

Le DMP est issu de la loi du 13 août 2004 relatif à la réforme de l'assurance-maladie. Son objectif est double : assurer un meilleur suivi de l'état de santé des patients, en évitant, par exemple, les risques iatrogènes liés à de mauvaises interactions médicamenteuses, à l'origine de nombreux décès chaque année, et limiter les dépenses afin de réduire le trou de la Sécu. Mais, force est de constater qu'en période électorale, le ministère de la Santé a mieux à faire que de publier des décrets portant le DMP sur les fonds baptismaux. Ainsi, celui qui concerne les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations contenues dans le dossier, n'est pas encore finalisé.

cherchez l'intérêt

Techniquement, les étapes de tests ont aussi pris beaucoup de retard. Les phases d'expérimentation qui devaient être bouclées en janvier 2006 viennent à peine de commencer... Bref, ce qui était annoncé comme une véritable révolution dans la prise en charge pourrait aboutir à un fiasco. Et ce, d'autant que les coûts de développement et la généralisation du dispositif atteindraient des sommes prohibitives. Sur le fond, le fait également qu'il soit passé, sous la légitime pression des associations de défense des droits des malades et des usagers du système de santé, du statut de « dossier partagé » à celui de « dossier personnel » ne facilite pas la tâche des initiateurs. La modification n'est pas que sémantique puisque, en l'état, chaque usager aurait la possibilité de masquer tout ou partie des informations médicales stockées et d'intervenir sur les données inscrites par les soignants. Si, éthiquement, on comprend le souhait des associations, d'un point de vue strictement médical, l'intérêt du DMP s'en trouve du même coup annulé. D'autre part, les informations de ce support dématérialisé, accessibles par Internet, seront stockées chez des hébergeurs privés. Certes, les données parviendront cryptées, mais en cas de panne, d'indisponibilité du réseau voire de destruction des données, que se passera-t-il ? La question reste entière. Déjà, des voix s'élèvent pour remettre à plat le dispositif et envisager des solutions conformes aux voeux du législateur et aux attentes des usagers et des soignants. Dossier à suivre...

TÉMOIN Annelyse Lemaître, infirmière.

« On a tous à y gagner »

« Nous avons mis place un dispositif sécurisé de dossier médical partagé entre les professionnels de santé du réseau en 2000. À terme, le système sera accessible via Internet, explique Annelyse Lemaître, infirmière, directrice adjointe du Pallium, structure de coordination de soins palliatifs (Yvelines). « L'équipe mobile de l'hôpital de Rambouillet a aussi accès au contenu. En termes de coordination, cet outil est important puisqu'il est consultable vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui nous permet de connaître l'état de santé du patient. Sur le principe, je pense qu'il est aujourd'hui nécessaire de créer une information centralisée pour améliorer la coordination du suivi global des patients. On a tous à y gagner, le patient en premier. Cependant, je pense qu'il faut poursuivre la réflexion sur le DMP en y associant, par exemple, des éthiciens et des philosophes, afin de créer un support qui satisfasse, à la fois, le besoin des usagers et celui des soignants, en lien avec le médecin traitant. En clair, qui donne accès à qui et à quoi ? »