Parkinson côté couples - L'Infirmière Magazine n° 225 du 01/03/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 225 du 01/03/2007

 

Groupes de soutien

Du côté des associations

À l'hôpital Léopold-Bellan(1), les conjoints apprennent à vivre avec la pathologie de l'autre.

L'époux d'Anne-Marie Bertrand est atteint depuis 7 ans de la maladie de Parkinson. Lorsque le diagnostic est posé, Anne-Marie n'est pas encore à la retraite. Tous les projets du couple s'écroulent peu à peu : « mon mari a 10 ans de plus que moi, il était très vif, très actif. Aujourd'hui, tous les gestes de la vie quotidienne lui sont impossibles ou extrêmement pénibles. S'habiller, manger, manipuler des objets prend un temps infini. Il adore le théâtre, mais demeurer immobile deux heures s'avère très douloureux. À certains moments, lorsque le traitement fait moins d'effets, il ne peut plus marcher ni bouger... » Avec patience, Anne-Marie assiste seule au quotidien son compagnon, dont la dépendance est extrême. Le plus difficile à supporter n'est pas tant la maladie que les conséquences sur le comportement de son mari à son égard : il se montre impatient, taciturne, et parfois assez agressif, faisant d'elle son bouc émissaire. Le couple s'isole, sortir devient compliqué et l'état dépressif que connaît le patient atteint bien souvent sa conjointe.

cinq heures par jour

Le quotidien d'Anne-Marie Bertrand est celui que vivent la plupart des conjoints de patients souffrant de la maladie de Parkinson. Comme le montre l'étude Compass, le temps passé par les conjoints en soins divers s'élève en moyenne à 5 heures journalières. Une forte implication et un retentissement psychologique sur le premier des aidants ont été repérés par les docteurs Jean-Philippe Brandel et Marc Ziégler, neurologues à l'unité Parkinson de l'hôpital parisien Léopold-Bellan. Recevant le plus souvent, lors des consultations, le patient accompagné de son conjoint, ils ont conçu pour eux un programme de soutien « Sodupark » (soutien éducation Parkinson) : « Nous sommes partis de l'envie de faire se rencontrer des conjoints, afin de leur montrer qu'ils vivent la même chose, explique Jean-Philippe Brandel. Une enquête qualitative préparatoire a montré combien cette maladie était perçue négativement. Un ressenti que nous n'avions pas forcément mesuré, peut-être parce qu'en neurologie, il s'agit d'une des pathologies que l'on traite le mieux. » Cette enquête a également montré combien la souffrance des conjoints était grande, sans qu'elle soit d'ailleurs proportionnelle au handicap du patient.

Forts de ces constats, les deux médecins ont réuni des groupes de 8 à 12 conjoints, pour des séances mensuelles, pendant 6 mois, la première et la dernière incluant également les patients. Ces séances sont en grande partie animées par une psychiatre, Aurélia Schneider, qui utilise des techniques de thérapie cognitivo-comportementale, particulièrement indiquées pour l'anxiété, la culpabilité, ressentis fréquents de cette maladie. Le contenu des séances suit un canevas précis : un tour de table, un point sur les objectifs fixés d'une réunion à l'autre, un thème développé par la psychiatre (l'anxiété anticipatoire, la communication dans le couple...) et, en fin de rencontre, un enseignement d'une demi-heure sur la pathologie et les traitements : « tout ce qui intéresse patients et conjoints mais que nous n'avons pas le temps de développer lors des consultations », précise Marc Ziégler.

« respirer »

Il ne s'agit pas d'un groupe de parole. « L'objectif, dit Marc Ziégler, est d'apporter des réponses et des solutions aux conjoints. Les personnes communiquent mieux en couple, s'autorisent à faire davantage de choses, ne sont plus autant centrées sur la maladie, même si elle continue d'évoluer. » Progressivement, depuis la participation au programme, Anne-Marie Bertrand organise son temps différemment, s'adjoint une aide extérieure le temps d'un repas ou d'une sortie, ne culpabilise plus lorsqu'elle s'accorde un moment de répit. Elle a beaucoup apprécié de pouvoir échanger avec d'autres conjoints de patients, traversant les mêmes difficultés : « Ce groupe m'a permis d'avoir une vision plus large, plus objective de la maladie. Accepter ce qui est injuste, c'est autre chose... La thérapeute nous donne des outils pour respirer et se calmer dans les moments de tension, mais aussi pour s'adresser à l'autre en délivrant un message positif sans s'agacer... même pour lui dire que ce n'est pas une très bonne idée de vouloir déplacer une échelle ! »

« fardeau »

Jean-Philippe Brandel et Marc Ziégler travaillent sur Sodupark depuis cinq ans. Ils souhaitent que d'autres unités Parkinson utilisent le programme. Ils en sont à l'étape de validation de la méthode, et font passer un questionnaire d'évaluation avant et à l'issue des sessions, portant sur la dépression, le concept de « fardeau » pour les conjoints et la qualité de vie des patients. Les résultats définitifs seront connus en septembre 2007.

1- Et dans les hôpitaux de Marseille, Lille, Strasbourg, Nantes et Créteil.

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