Face au chikungunya - L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007

 

prévention

Conduites à tenir

À La Réunion, où l'épidémie touche 30 % de la population, les soignants doivent traiter les symptômes de la phase aiguë et repérer les interactions médicamenteuses, ainsi que les complications spécifiques à la femme enceinte et au nouveau-né.

MODE DE TRANSMISSION

Le virus du chikungunya est un arbovirus (alphavirus) de la famille des Togaviridae à ARN thermosensible. Il est apparenté au virus de la dengue. La transmission du virus se fait d'homme à homme par l'intermédiaire du moustique (vecteur). La femelle moustique adulte pond en moyenne 200 à 300 oeufs qui se développent dans de l'eau stagnante (les oeufs peuvent résister à une dessiccation(1) de deux ans). Le moustique est contaminé lors d'une piqûre sur un individu infecté en période de virémie (soit après une incubation de 4 à 7 jours). Il peut alors infecter plusieurs personnes saines. C'est un vecteur diurne avec un pic d'activité au lever du jour et à la tombée de la nuit. Les observations menées auprès des femmes enceintes ont montré qu'il existe également une possibilité de transmission materno-foetale.

TABLEAU CLINIQUE

La maladie déclarée s'exprime sous des formes cliniques diverses, qui nécessitent de poser un diagnostic différentiel afin de la distinguer d'autres pathologies infectieuses.

D'apparition brutale, les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont :

- une hyperthermie supérieure ou égale à 39°C durant 3 à 6 jours ;

- des arthralgies (mains, doigts et pieds) ;

- des myalgies ;

- des céphalées ;

- des éruptions cutanées maculo-papuleuses ;

- des oedèmes des mains et chevilles ;

- parfois, une gingivorragie et des aphtes.

L'évolution clinique de la maladie est favorable dans la majorité des cas, toutefois on observe une chronicité des signes invalidants comme les arthralgies et les oedèmes, ainsi que des rechutes résiduelles.

Le pronostic peut évoluer par l'aggravation des pathologies associées chez certaines populations à risque :

- les personnes âgées et les adultes présentant des facteurs de comorbidité (diabète, insuffisance respiratoire et rénale) ;

- les nouveau-nés et nourrissons ;

- les femmes enceintes, du fait notamment de la transmission materno-foetale lors de l'accouchement.

BIOLOGIE

Le diagnostic biologique repose sur la sérologie IgM et IgG dans les formes graves.

TRAITEMENT

Il est symptomatique et vise à soulager la douleur et la fièvre.

PROPHYLAXIE

Au niveau collectif, la prévention passe par la lutte antivectorielle.

Elle consiste à réduire le nombre de gîtes larvaires à proximité des maisons et bâtiments divers ainsi que dans les espaces verts ou ravines. Elle consiste aussi à lutter contre le vecteur adulte par épandage aérien d'insecticide et le renforcement du ramassage et du traitement des déchets collectifs ou individuels.

Au niveau individuel, la prévention passe par l'utilisation de moyens de protection physique tels que :

- des vêtements longs pouvant être imprégnés d'insecticide ;

- des chaussures fermées ;

- des moustiquaires ;

- des produits répulsifs avec une contre-indication pour les enfants de moins de 3 mois et des précautions d'emploi pour les femmes enceintes et les enfants de 3 mois à 12 ans, dont l'usage est limité à une application par jour. Il est à noter que la protection cutanée doit être poursuivie même après contamination par le virus.

La prévention passe également par la lutte antivectorielle individuelle :

- ne pas arroser les jardins à la tombée de la nuit ;

- vider les objets pouvant contenir de l'eau stagnante (soucoupes de plantes, vases), susceptibles d'être des gîtes larvaires potentiels.

Une campagne de sensibilisation a été menée à l'initiative de la Drass et du ministère de la Santé grâce à des spots télévisés et des dépliants explicatifs.

Un numéro vert ainsi que des sites Internet sont accessibles pour toute demande d'information.

Une démarche solidaire est encouragée pour recenser les personnes isolées afin de rompre cet isolement et de faciliter l'alerte.

BILAN

Après plus d'un an et demi de lutte contre le virus du chikungunya, la recherche scientifique progresse mais les conséquences socio-économiques restent importantes, liées à la diminution de la fréquentation touristique et à l'augmentation des arrêts de travail. Les acteurs de santé restent mobilisés sur le terrain, même si l'épidémie a fortement diminué.

Dans une période d'épidémie, il est important que la prise en charge des patients s'effectue autour de structures-relais (associations, aides à domicile, aides ménagères, infirmières libérales, kinés, médecins...) afin d'éviter une hospitalisation et de favoriser le maintien à domicile.

En outre, le travail d'équipe et la communication entre les différents acteurs de santé, notamment par le biais des réseaux ville-hôpital, sont essentiels dans un contexte de crise sanitaire.

1- Dessication : élimination de l'humidité d'un corps, ce qui correspond à une période de sécheresse.