Le harcèlement moral - L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007

 

Travail

Juridique

Reconnu juridiquement depuis 2002, il reste très difficile à prouver pour la victime.

Si le harcèlement n'est pas un phénomène nouveau dans le milieu professionnel, il a fallu attendre 2002 pour mettre des mots sur ce phénomène et activer un arsenal juridique pour lutter et poursuivre les auteurs de harcèlement moral au travail.

Le harcèlement peut être le fait de l'employeur, de son représentant ou d'un supérieur : abus ou détournement de pouvoir, attitudes vexatoires, tâches sans intérêt ou dégradantes, critiques systématiques sur les compétences, etc.

banalisation

Le harcèlement peut aussi être exercé entre collègues n'ayant pas de rapport hiérarchique, voire émaner d'un subordonné envers son supérieur.

La banalisation du terme de harcèlement risque à terme de desservir les vraies victimes. Aujourd'hui, les conseils de prud'hommes sont submergés d'actions judiciaires visant à faire reconnaître et condamner des situations dites de harcèlement. De ce fait, ils se montrent parfois peu sensibles aux complaintes qui les accompagnent. Aussi, si dans un premier temps l'action civile (devant les prud'hommes) était privilégiée à l'action pénale (plainte auprès du procureur de la République), jugée plus longue et plus coûteuse, il peut finalement s'avérer beaucoup plus judicieux de choisir l'action pénale.

action civile

La loi a posé des critères concernant tant les caractéristiques des agissements incriminés qui doivent être répétés, excluant de son champ d'application un acte isolé même grave, que la finalité ou l'effet de ses agissements, à savoir la dégradation des conditions de travail et l'état psychique du salarié.

Depuis le renversement de la charge de la preuve opéré par la loi de janvier 2002, prouver le harcèlement est moins aisé. Tout repose souvent sur les témoignages des collègues. Dans tous les cas, le témoignage devra se contenter de décrire des faits objectifs, constatant des mises à l'écart, des mesures discriminatoires, des insultes, des menaces verbales, le refus de donner du matériel nécessaire à l'accomplissement du travail, etc., sans jamais comporter aucun jugement de valeur.

Afin d'établir le harcèlement, la victime ne doit pas hésiter à demander des explications au « harceleur ». En cas de refus ou de réponse insuffisante, il peut adresser au directeur d'établissement une lettre (recommandée avec accusé de réception) circonstanciée afin de tenter d'établir un dialogue. Les juges n'hésiteront pas à considérer l'absence de réponse comme élément à charge.

En vue d'une action judiciaire, il conviendra d'établir une chronologie des faits très détaillée permettant de qualifier la faute de « harcèlement », en notant chaque nouvelle remarque, brimade, en présence ou non de témoins, et de conserver toutes les observations écrites.

Bon nombre de victimes doivent convaincre les juges avec très peu de pièces. Le caractère inquisitoire de la procédure pénale peut constituer un avantage sur le terrain de la preuve.

action pénale

Choisir la voie pénale est une procédure certes plus longue, plus lourde, plus difficile psychologiquement qui met en jeu l'action publique, c'est-à-dire le Parquet. Le but n'est plus seulement d'obtenir des dommages et intérêts ou de voir son contrat de travail rompu aux torts exclusifs de l'employeur, mais d'obtenir la condamnation pénale de son « harceleur », par une peine d'amende ou de prison. Il est aussi possible de choisir les deux voies civile et pénale à la fois. Néanmoins, la voie pénale prime sur la voie civile, et tant que l'affaire n'est pas jugée au pénal, la procédure civile est suspendue.

La voie pénale peut avoir des retombées médiatiques plus lourdes en cas de condamnation. C'est peut-être aussi parfois le seul moyen de faire cesser véritablement de tels agissements, en mettant la personne hors d'état de nuire. Enfin, son caractère inquisitoire laisse une grande place à l'enquête menée par la police, sous le contrôle du Parquet, voire l'information judiciaire conduite par un juge d'instruction.

À RETENIR

> Le harcèlement moral désigne toute conduite abusive se manifestant par des comportements, des paroles, des brimades, des écrits pouvant porter atteinte à la personne, à sa dignité ou à son intégrité, mettre en péril son emploi ou dégrader ses conditions de travail.

> C'est au salarié de démontrer le harcèlement en présentant les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

CE QUE DIT LA LOI

Selon l'article L.122-49 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis [précédemment] ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

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