Les goitres de l'adulte - L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007

 

endocrinologie

Cours

Le goitre est l'affection la plus fréquemment rencontrée en pathologie endocrinienne. Il peut révéler une hyperthyroïdie ou une hypothyroïdie. L'infirmière doit connaître les aspects cliniques et les modes de révélation des goitres, les examens qui en repèrent la cause et les principes thérapeutiques. La détection précoce des cancers de la thyroïde est essentielle.

DÉFINITION

Le goitre se définit comme une augmentation diffuse ou localisée du volume du corps thyroïde. Localisée, elle prend souvent un caractère nodulaire. Le ou les nodules ont une topographie variable, touchant un ou deux lobes.

L'anatomie de cette glande est particulière ; elle est visible à l'oeil nu et accessible à la palpation. On la compare volontiers à un noeud papillon, et l'isthme réunissant les deux lobes est accroché à la face antérieure des premiers anneaux de la trachée. La thyroïde est située dans une loge musculo-aponévrotique, sous le cartilage thyroïde (la pomme d'Adam), juste en dessous du cartilage cricoïde qui forme un anneau rigide facile à repérer, alors que la thyroïde donne à la palpation la sensation d'une zone plus molle qui ascensionne à la déglutition. Elle pèse environ 30 grammes ; la hauteur des lobes est de 5 à 6 cm, leur largeur de 2 cm, enfin l'épaisseur de 1,5 à 2 cm. En consultation, il est facile d'observer la face antérieure du cou et de repérer un goitre chez le patient assis en face du médecin. Cependant, en cas de surcharge pondérale, la thyroïde est plus ou moins masquée par la graisse.

EXAMEN CLINIQUE DU PORTEUR D'UN GOITRE

Un sujet porteur d'un goitre vient en consultation parce qu'il a constaté une grosseur en avant du cou ; parfois, c'est son entourage qui a remarqué l'existence « d'une boule au niveau du cou ». Il peut venir aussi en raison d'une gêne, plus rarement en raison d'une douleur.

Interrogatoire

- Antécédents familiaux de pathologie thyroïdienne (avec goitre ou non), en particulier de cancer de la thyroïde, de goitre nodulaire, de thyroïdite chronique.

- Origine géographique, notamment pour les pays avec zones de carence iodée, particulièrement dans les régions montagneuses.

- Traitements antérieurs : consommation de produits iodés à titre prophylactique, prise de médicaments contenant de l'iode (Cordarone®), examens radiologiques avec produits iodés. Certains médicaments non iodés ont un effet inhibiteur sur la synthèse des hormones thyroïdiennes : prise de lithium, produits dermatologiques et shampoings contenant de la résorcine, phenylbutazone.

Technique de l'examen du cou. Le médecin se place d'abord derrière le sujet assis, repère le cartilage cricoïde puis palpe la zone thyroïdienne avec ses mains en anneau. Le cou est placé en rectitude puis en extension, mais il est aussi utile de le fléchir un peu pour détendre les muscles sterno-cléido-mastoïdiens. La palpation de la glande est poursuivie sur le patient en décubitus dorsal. Dans les deux positions, on lui demande de déglutir : la mobilité de la thyroïde est rarement absente, sauf en cas de goitre volumineux ou fixé.

Description du goitre. Est-il diffus ou palpe-t-on un ou plusieurs nodules sur un ou deux lobes ? Si le goitre est diffus, on note sa consistance (ferme, dure, molle), sa régularité (goitre de consistance homogène ou irrégulière), un éventuel élément douloureux. Si l'on trouve un nodule, est-il ferme ou dur ? On mesure le diamètre du nodule et du périmètre cervical pour évaluer leurs modifications aux examens successifs. Des signes de compression sont recherchés : trachéale (essoufflement à l'effort), récurrentielle (altération de la voix). Une radiographie du thorax de face et un examen ORL sont alors demandés. La recherche de ganglions jugulo-carotidiens, sous-angulo-maxillaires et sus-claviculaires complète l'examen clinique.

Examen général. Les signes d'hyper et d'hypothyroïdie sont détaillés plus loin.

D'une façon générale, il est frappant de constater que l'examen clinique de la thyroïde n'est pas toujours fait systématiquement en consultation chez les patients venant consulter pour une autre raison. Les modifications de la thyroïde ne sont souvent pas ressenties par le malade et c'est au médecin de dépister une anomalie de cette glande

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Imagerie

Échographie. On dispose depuis la fin des années 1980 de l'échographie ou de l'échotomographie : elle a beaucoup simplifié l'exploration diagnostique du goitre, d'autant qu'elle peut être répétée sans inconvénient autant que nécessaire.

Présence de nodule(s). Elle révèle soit une image échogène témoignant d'un nodule plein, soit une image anéchogène, témoignant du contenu liquide, séreux ou hémorragique du nodule.

Goitre diffus. L'échogénicité est homogène. Cependant, on peut découvrir une ou plusieurs images nodulaires qui n'étaient pas accessibles à la palpation : d'un point de vue anatomique, un goitre ne peut donc être qualifié d'homogène que si l'échographie le confirme. Des calcifications sont parfois observées autour des nodules : leur signification est en faveur d'un processus cancéreux. Après l'âge de 50 ans, on a démontré que 50 % des sujets dans la population générale ont un ou plusieurs nodules de diamètre inférieur à 10 mm, donc inaccessibles à la palpation. Toute image nodulaire dont le diamètre est supérieur à 10 mm impose la poursuite des examens, car aucun critère échographique ne permet d'éliminer le diagnostic de cancer de la thyroïde débutant. L'échographie a aussi l'avantage de révéler parfois un ou des ganglions cervicaux inaccessibles à la palpation.

Scintigraphie. La scintigraphie de la thyroïde est effectuée dans un service de médecine nucléaire avec deux sortes de radioéléments : soit l'iode 123 (d'utilisation contre-indiquée en cas de grossesse), soit le technétium 99 (99mTc). Le technétium est pratique car, après injection, il se fixe en une demi-heure et son prix de revient est inférieur à celui de l'iode 123 qui se fixe au bout de six heures et que l'on doit commander parfois pour un seul patient, en raison de la disparition de la radioactivité au bout de vingt-quatre heures. Cependant, les images sont plus fiables avec l'iode radioactif si l'on veut explorer un nodule isolé : on peut obtenir une image de nodule chaud, qui fixe le traceur avec le 99mTc, alors qu'elle est froide avec l'iode radioactif, donc suspecte de cancer. On n'utilise plus l'iode 131 à titre diagnostic, en raison du risque élevé d'irradiation. Mais pour la surveillance d'un cancer opéré ou à titre thérapeutique, c'est lui qui est utilisé.

Autres examens. Les radiographies du cou et du thorax de face sont réalisées pour rechercher une compression trachéale et une extension thoracique du goitre (goitre plongeant). En cas de cancer, le cliché pulmonaire peut montrer des images métastatiques.

Ponction cytologique. Encore trop peu utilisée dans certains services, elle représente maintenant l'examen de référence dans les centres spécialisés en consultation ou en hospitalisation de jour. La technique est simple, mais son résultat dépend de l'expérience de l'opérateur : il s'agit d'introduire une aiguille fine dans le nodule et d'étaler le produit recueilli sur une lame pour examen cytologique en service d'anatomo-pathologie. Cette ponction, que l'on peut renouveler, renseigne sur l'aspect des cellules thyroïdiennes mais pas sur leur architecture. Parfois, elle ramène du sang, par exemple dans certaines formes de goitre multinodulaire. Actuellement, le mieux est de réaliser cet examen en guidant la ponction sous échographie quand le ou les nodules ne sont pas repérés à la palpation. On peut aussi ponctionner un ou plusieurs ganglions de la région du cou. Cet examen est ressenti par les patients de façon désagréable, mais en appliquant une crème ou un patch anesthésiant une heure avant la ponction, l'élément douloureux et l'anxiété sont atténués.

Exploration hormonale

Dosages hormonaux. En pratique, le dosage des hormones de l'axe hypophyso-thyroïdien permet l'évaluation précise de la fonction thyroïdienne : la TSH, la T4 et la T3.

Thyréostimuline ultrasensible. Elle est sécrétée par les cellules de l'antéhypophyse et sa mesure renseigne sur l'état de « l'ordinateur central ». On n'utilise pas le dosage de la TRH (thyroid stimulating hormone, autre nom de la thyréostimuline), qui n'est pas de pratique courante. Les valeurs normales de la TSH ultrasensible sont comprises entre 0,2 et 4,5 mUI/ml. Le terme « ultrasensible » pourrait maintenant être supprimé ; cette méthode est généralisée et permet une grande précision de mesure avec la technique de troisième génération.

T4 libre (FT4). La FT4 n'est pas l'hormone physiologique, mais elle reflète bien l'état de la fonction thyroïdienne. Les valeurs normales sont situées entre 11 et 24 mol/l. Le terme « libre » signifie que l'on mesure l'hormone seule, non liée à sa protéine porteuse (TBG ou thyroxine-binding globulin). Le terme « FT4 » (ou « FT3 ») est souvent indiqué sur les ordonnances ou les feuilles de résultats. Le F signifie « Free » (« libre »).

T3 libre (FT3). Son dosage est un complément parfois utile à celui de la T4 dans certaines situations pathologiques, notamment dans la surveillance de l'hyperthyroïdie. Les valeurs normales se situent entre 3 et 8 pmol/l.

On constate que les valeurs normales de ces hormones varient sur une fourchette assez large. Mais, d'une part, chaque laboratoire doit indiquer ses propres normes. D'autre part, il revient au médecin, en fonction de la pathologie et du traitement, d'interpréter les résultats, tâche d'autant plus aisée que les dosages auront toujours été effectués dans le même laboratoire. Enfin, signalons qu'il n'est pas nécessaire que le patient soit à jeun pour le prélèvement de sang.

Thyrocalcitonine (TCT). Bien qu'elle soit d'origine thyroïdienne, elle ne permet pas d'évaluer la fonction de la glande. C'est une hormone très particulière qui agit sur le métabolisme phospho-calcique en inhibant la résorption osseuse. Elle est sécrétée par les cellules C ou parafolliculaires. Son dosage dans le sang permet le dépistage du cancer médullaire de la thyroïde.

Autres marqueurs thyroïdiens

Thyroglobuline. C'est à partir de cette molécule, synthétisée dans les cellules thyroïdiennes, que l'iodation en T3 et en T4 s'effectue. La thyroglobuline est en partie libérée dans le sang, reflétant en particulier la masse du tissu thyroïdien différencié. Son dosage trouve tout son intérêt après ablation chirurgicale de la thyroïde en cas de cancer différencié : si de la thyroglobuline est détectée en postopératoire, cela signifie qu'il persiste du tissu thyroïdien.

Iodémie et iodurie des vingt-quatre heures. L'iodémie totale est la somme de l'iodémie hormonale et de l'iodémie non hormonale, d'origine alimentaire ou médicamenteuse. L'iodurie des vingt-quatre heures reflète l'apport journalier en iode et permet de rechercher une surcharge iodée.

Anticorps circulants, marqueurs de l'immunité. Ils ont un grand intérêt diagnostique dans les goitres si fréquents avec thyroïdite auto-immune, aussi appelée thyroïdite de « Hashimoto » ou lymphocytaire.

Anticorps thyroperoxydase (anti-TPO). La peroxydase est l'enzyme clé impliquée dans la synthèse des hormones thyroïdiennes. Il faut que le laboratoire spécifie son seuil de positivité ; en effet, dans la population générale, de faibles taux sont détectés chez 5 % des sujets indemnes de toute affection auto-immune.

Anticorps antithyroglobuline (anti-Tg). On les trouve aussi dans les thyroïdites auto-immunes, souvent à des taux très élevés.

Anticorps antirécepteurs de la TSH (TRab). Leur positivité est spécifique de la maladie de Basedow.

ÉTIOLOGIE

Goitres avec hyperthyroïdie

Maladie de Basedow. C'est la cause la plus fréquente d'hyperthyroïdie. Elle atteint dans 80 % des cas la femme entre 20 et 50 ans. Il s'agit d'une maladie auto-immune qui explique la positivité dans le sang des anticorps thyroïdiens (antithyroglobuline et anti-thyroperoxydase) qui ne sont cependant pas spécifiques. Au contraire, les anticorps antirécepteurs de la TSH ou « TRab » (pour Thyrotropin receptor antibodies) ont un grand intérêt diagnostic en raison de leur spécificité.

Le goitre est de consistance ferme, homogène et de caractère vasculaire : il s'accompagne d'un thrill, c'est-à-dire d'un frémissement à la palpation, et d'un souffle à l'auscultation. Les signes oculaires sont au premier plan : c'est la classique exophtalmie (protrusion des globes oculaires), avec rétraction de la paupière supérieure. À un degré moindre, c'est un simple éclat du regard. L'ophtalmologiste mesure à l'aide de l'exophtalmomètre de Hertel l'augmentation de volume des tissus de l'orbite et cet examen est répété pour suivre l'effet du traitement. Les signes cardio-vasculaires sont toujours présents : tachycardie (électrocardiogramme), pression artérielle augmentée. Les principales complications (cardiothyréose) sont les troubles du rythme et, chez le sujet âgé, l'insuffisance cardiaque. Le tremblement fin des extrémités, la dyspnée d'effort, l'amaigrissement, la soif, les épisodes de diarrhée, les troubles du caractère parfois d'allure psychiatrique, complètent cette symptomatologie ; l'asthénie signe l'atteinte musculaire, le sujet se relevant difficilement de la position accroupie. Le goitre de la maladie de Basedow n'est ainsi qu'un des éléments d'une maladie auto-immune atteignant de nombreux autres organes.

Le diagnostic est confirmé par la valeur effondrée de la TSH, contrastant avec l'élévation de la T3 et de la T4.

Le traitement est compliqué car il ne permet pas de s'attaquer au processus auto-immun. Il ne peut être détaillé ici. La prescription de bêtabloquants et de sédatifs est toujours indiquée en début de traitement. Trois principes thérapeutiques existent.

Antithyroïdiens de synthèse (ATS). Ils sont souvent utilisés en première intention pendant 18 mois à 2 ans. À l'arrêt, les récidives surviennent dans environ 40 à 50 % des cas. On associe une prise par jour de thyroxine quand le goitre augmente de volume en raison du blocage de la fonction thyroïdienne (le rétrocontrôle est rétabli, mais dans le sens d'une hypothyroïdie induite). Une des difficultés du traitement médical réside dans les problèmes de compliance.

Chirurgie. La thyroïdectomie est subtotale et ne doit pas léser les glandes parathyroïdes. Un traitement substitutif à vie par le Lévothyrox® est nécessaire si le tissu thyroïdien restant n'est pas suffisant.

Iode radioactif. L'iode 131 est très utilisé en Amérique du Nord. Il peut, après destruction du tissu thyroïdien, nécessiter la prise à vie de thyroxine. Après une cure d'iode radioactif, il faut attendre au moins 6 mois pour débuter une grossesse. Une deuxième dose de radioactivité est parfois nécessaire en cas de récidive. On propose de plus en plus souvent ce mode de traitement en France après un premier essai infructueux du traitement médical par les ATS.

Autres goitres avec hyperthyroïdie. Ils sont beaucoup moins fréquents. Leurs caractéristiques sont indiquées dans le tableau p. VII.

Le nodule toxique est visible et palpable. L'hyperthyroïdie est particulière puisqu'il n'y a pas de signes oculaires. Le dosage de la TSH (effondrée) est essentiel : il confirme l'hyperthyroïdie et impose la scintigraphie thyroïdienne à l'iode radioactif. Celle-ci révèle une zone hyperfixante unique dans un lobe, alors que le reste du tissu thyroïdien ne fixe pas le radiotraceur : on dit qu'il est « éteint ». À l'échographie, on vérifie cependant que le volume de la glande est intact et qu'il existe bien un lobe controlatéral. Le traitement est chirurgical : ablation du nodule ou, si ce geste est difficile, lobectomie. L'adénome toxique n'est pas d'origine immunitaire : il est dû à un clone de cellules thyroïdiennes bénignes, fonctionnant de façon autonome, qui ont subi dans 80 % des cas une mutation activatrice du récepteur de la TSH. Les anticorps antirécepteurs de la TSH sont négatifs, ce qui est important pour le diagnostic différentiel avec la maladie de Basedow.

La thyroïdite subaiguë dite « de Quervain » est vraisemblablement d'origine virale. La phase d'hyperthyroïdie est due à la libération brutale de T3 et de T4. Le caractère douloureux du goitre est évocateur ; les anticorps antithyroïdiens sont négatifs ou faiblement positifs. Une phase d'hypothyroïdie transitoire lui fait suite et la guérison spontanée au bout d'un mois est fréquente, mais des poussées successives surviennent parfois, amenant la constitution d'une hypothyroïdie définitive où des nodules apparaissent : si l'échographie, quelques mois après le début, révèle un nodule, une vérification chirurgicale est réalisée à la recherche d'un cancer.

La thyroïdite auto-immune s'accompagne parfois d'une phase transitoire d'hyperthyroïdie (voir plus loin : goitres avec hypothyroïdie). Le cancer de la thyroïde s'accompagne exceptionnellement d'hyperthyroïdie.

Goitres avec fonction thyroïdienne normale

Goitres simples. Cliniquement, ce sont des goitres homogènes, réguliers, indolores, sans nodule palpable ni révélé par l'échographie. Le dosage de la TSH et de la FT4 est normal, confirmant l'état d'euthyroïdie clinique. Il s'agit de femmes jeunes dont la thyroïde augmente parfois de volume à l'occasion d'une grossesse. Le volume du goitre est variable. S'il est petit, une surveillance simple est nécessaire. Si le volume de la thyroïde est gênant (aspect inesthétique), un traitement par la thyroxine est indiqué. Si un nodule apparaît, il faut rechercher une autre cause, notamment un cancer. L'origine de ces goitres n'est pas claire : ils ont parfois un caractère familial.

Goitres endémiques. Voir goitres avec hypothyroïdie.

Goitres nodulaires. C'est la situation qui demande la plus grande attention en raison du risque de cancer.

Nodule unique. La prévalence en France est de 2,5 à 4 % dans la population générale. Le dosage de la TSH est normal et confirme l'impression clinique d'euthyroïdie. Celui de la thyrocalcitonine est également normal, éliminant un cancer médullaire. La scintigraphie au technétium ou à l'iode 123 était jusqu'à présent indiquée, à la recherche d'un nodule froid (non fixant) en faveur de la malignité. On lui préfère maintenant la cytoponction, indispensable si la taille du nodule est supérieure ou égale à 10 mm. Pour certains, si les cellules ont un aspect histologique normal et s'il n'y a pas de signes cliniques et échographiques de malignité, une surveillance clinique et échographique est justifiée sous traitement freinateur par la thyroxine. Pour d'autres, si le diamètre du nodule est supérieur ou égal à 2,5 cm, une intervention chirurgicale est préférée.

Goitre multinodulaire. La scintigraphie a plus d'intérêt ici, si elle montre l'association de nodules chauds et froids qui invite à faire une cytoponction et une exploration chirurgicale. Il n'est pas exceptionnel que la ponction ramène du sang. Il s'agit soit d'un kyste hémorragique qui va guérir (hématocèle), soit d'une hémorragie au sein d'un adénome ou d'un cancer : selon l'histologie et la taille du nodule, une intervention chirurgicale est souvent proposée.

Cancers de la thyroïde. Les circonstances et les modalités du diagnostic ont déjà été évoquées. Dans le tableau ci-dessus sont indiquées leurs principales caractéristiques. Le diagnostic précoce a bénéficié de la ponction cytologique du ou des nodules. La ponction échoguidée améliore le pourcentage de détection des cellules malignes. Le cancer différencié (papillaire et vésiculaire) est « hormono-dépendant » : après l'intervention chirurgicale, le traitement substitutif par la thyroxine, qui abaisse la TSH, permet la mise en sommeil des cellules malignes résiduelles. De plus, le dosage de la thyroglobuline est un marqueur fiable pour la détection de celles-ci ou des cellules métastatiques, qui sont alors détruites par une ou plusieurs cures d'iode 131. Enfin, la chirurgie du cancer de la thyroïde par un opérateur entraîné a aussi progressé : l'exérèse doit être d'emblée la plus complète possible, avec curage ganglionnaire de un ou des deux côtés selon les résultats des biopsies ganglionnaires extemporanées. Ainsi, le pronostic de ces cancers différenciés les plus fréquents permet de parler de guérison au prix d'une surveillance à vie.

Dans les cancers médullaires, de pronostic plus sévère, le dosage de la thyrocalcitonine de base permet une détection précoce. Il s'agit d'une maladie héréditaire à transmission autosomique dominante dans 25 % des cas ; le proto-oncogène RET (chromosome 10) est à l'origine de ce cancer et doit être détecté chez tous les apparentés au premier degré, y compris chez les jeunes enfants : s'ils sont porteurs de la mutation, une thyroïdectomie préventive est indiquée dès l'âge de 5 ans selon les résultats de la thyrocalcitonine et de son élévation après pentagastrine. Cette tumeur de la thyroïde s'intègre dans le cadre des néoplasies endocriniennes multiples de type 2 : les autres atteintes glandulaires, variablement associées, sont un phéochromocytome et une hyperparathyroïdie.

Goitres avec hypothyroïdie. Les signes précoces d'hypothyroïdie peuvent passer inaperçus : chute des cheveux, sécheresse de la peau, prise de poids, bouffissure des paupières, constipation et frilosité, baisse du rendement intellectuel et de la mémoire. Chez le sujet âgé, il faut y penser devant toute altération de l'état général, ou devant une baisse inexpliquée de l'état mental pouvant confiner à une démence sénile. Puis les symptômes classiques deviennent évidents : grosse langue, épaississement des traits du visage, dépilation de la partie externe des sourcils, infiltration des téguments, modification de la voix, bradycardie sinusale. La survenue d'accidents coronariens au début du traitement substitutif est à redouter. Le coma myxoedémateux peut aussi révéler une hypothyroïdie. Le diagnostic hormonal est facile : la TSH dépasse 5 mUI/ml et des valeurs supérieures à 50 mUI/ml ne sont pas rares, tandis que la valeur de la T4 libre est inférieure à 11 pmol/l. En général, le goitre était connu et, de l'état d'euthyroïdie de durée variable, l'évolution vers l'hypothyroïdie s'est installée. Le traitement de l'hypothyroïdie est le plus simple, le plus efficace et le plus facile à contrôler de toutes les insuffisances glandulaires. Des doses de L-thyroxine de 100 à 200 mg par jour (en une prise le matin au petit déjeuner) sont en général suffisantes. Un dosage de TSH est nécessaire une fois par an. En cas de doute, on adjoint le dosage de la T4 libre.

Certains goitres évoluent vers l'insuffisance thyroïdienne. Il faut mentionner les causes suivantes :

Thyroïdite auto-immune. Elle est très fréquente chez la femme jeune avant 40 ans et elle débute fréquemment à l'adolescence. L'histoire de cette thyroïdite est variable :

- hyperthyroïdie, phase d'euthyroïdie, passage en hypothyroïdie.

- euthyroïdie, passage à l'hypothyroïdie avec atrophie de la thyroïde ou hypertrophie nécessitant l'ablation chirurgicale.

- goitre avec hypothyroïdie d'emblée. Des nodules sont souvent palpables ou visibles à l'échographie avec un parenchyme hétérogène. Ils sont fermes et n'ont pas la dureté évocatrice du cancer.

Certaines thyroïdites auto-immunes s'intègrent dans des syndromes auto-immuns avec atteinte d'autres glandes endocrines : diabète sucré de type I, hypoparathyroïdie, insuffisance surrénale (maladie d'Addison). Ces endocrinopathies apparaissent de façon décalée dans le temps. L'élévation des anticorps anti-TPO et anti-Tg est nette. La cytoponction dans les cas douteux (anticorps à titre faible) ramène des cellules épithéliales et de nombreuses cellules lymphoïdes. Tout nodule apparaissant dans un goitre de thyroïdite auto-immune connue doit être ponctionné à la recherche d'un carcinome ou éventuellement d'un lymphome malin qui survient presque exclusivement chez des patients atteints de thyroïdite chronique lymphocytaire. Dès le diagnostic posé, même en phase d'euthyroïdie, il faut mettre la thyroïde au repos par des doses de 75 à 100 mg par jour de thyroxine à vie.

Thyroïdite chronique ligneuse de Riedel. Exceptionnelle, elle commence chez la femme d'âge mûr par une induration d'un lobe qui s'étend à toute la glande, formant une gangue qui entraîne une compression. Celle-ci fait penser à un cancer. L'intervention chirurgicale est nécessaire. Son mécanisme est inconnu.

Goitres endémiques. Ce terme est appliqué aux populations où plus de 5 % des habitants sont atteints (régions montagneuses). Le goitre est homogène, de consistance normale et de volume variable. Une hypothyroïdie peut s'installer progressivement. En France, ils ont pratiquement disparu grâce à la consommation à titre prophylactique de sel iodé alimentaire. La prise systématique de sel est déconseillée au bord de la mer, en raison du risque de surcharge iodée. On peut prouver la carence iodée en dosant l'iodémie et surtout l'iodurie. La fixation d'iode radioactif est parfois élevée, traduisant l'avidité de la glande pour l'iode. Ces goitres, surveillés par l'échographie, deviennent volumineux et multinodulaires. La thyroxine est administrée à vie, mais la thyroïdectomie est indispensable en cas de mauvaise réponse à la thérapeutique médicamenteuse.

Goitres par troubles de l'hormono-synthèse. Ils ont un caractère familial et apparaissent dans l'enfance. Le goitre a souvent une consistance molle. Les examens permettant de faire le diagnostic sont complexes. Chez l'adulte, les goitres avec hypothyroïdie sont plus souvent acquis par prise médicamenteuse.

BILAN

La présentation clinique et la diversité des goitres invite à passer en revue toute la pathologie thyroïdienne. Un goitre peut se révéler par une hyperthyroïdie et évoluer vers l'hypothyroïdie. Les progrès actuels, grâce à l'échographie et à la ponction cytologique, grâce aussi à la précision des dosages hormonaux et des marqueurs biologiques, ont permis d'accélérer le diagnostic et la détection précoce des cancers thyroïdiens.

Diagnostic

Les goitres sont diagnostiqués à tout âge. Chez le sujet âgé, la pathologie thyroïdienne prend souvent une allure trompeuse, aussi bien dans l'hyperthyroïdie que dans l'hypothyroïdie. Toute altération de l'état général a priori inexpliquée chez une personne âgée impose la recherche d'un trouble de la fonction thyroïdienne par le dosage, réalisé dans tous les laboratoires, de la TSH et de T4 libre. Une hyperthyroïdie prend volontiers l'aspect d'une insuffisance cardiaque avec troubles du rythme ; une hypothyroïdie est à grand risque de survenue d'accidents coronariens, particulièrement lors de l'instauration du traitement par la thyroxine.

Cancers de la thyroïde

Les cancers de la thyroïde ne représentent que 5 à 10 % de l'ensemble des nodules thyroïdiens. Mais si le pronostic est moins bon après 50 ans et dans certaines formes histologiques, la palpation systématique de la thyroïde en consultation de médecine générale permet de découvrir nombre de tumeurs à leur début. L'échographie de la thyroïde, examen radiologique non invasif, améliore les chances de découvrir précocement un nodule qui n'est pas palpable : sans qu'on en connaisse réellement la fréquence, les cancers différenciés ont parfois un caractère familial.

Grossesse

La pathologie thyroïdienne peut être révélée ou aggravée lors d'une grossesse, notamment en cas d'hyperthyroïdie, nécessitant l'intervention du spécialiste en endocrinologie. Il faut donc prévenir la femme de ce risque, car les antithyroïdiens passent la barrière placentaire et bloquent la fonction thyroïdienne du foetus, fonctionnelle dès le 3e mois. Un goitre risque alors de se développer, entraînant parfois une compression des voies aériennes à la naissance. Avec l'adaptation et la surveillance du traitement chez la femme enceinte, la grossesse est « de bon pronostic ». Le nouveau-né doit être lui-même surveillé après l'accouchement en raison du risque d'hyperthyroïdie.

Bibliographie

> Endocrinologie, le panorama de la discipline, cas cliniques commentés, Léon Perlemuter, Jean-Louis Thomas, Masson, 2003, 5e édition.

> Cancers papillaires et vésiculaires de la thyroïde, Martin Schlumberger, Le Concours médical 1998, 82 : 1258-60.